Entre Diables et Léopards

Ultra-rapide, fin technicien, bon à la relance. Voilà résumés les atouts de Derrick Tshimanga qui est un des pions majeurs du Racing Genk.

Début 2012, quand Derrick Tshimanga (24 ans) a quitté Lokeren pour Genk, il s’exposait à des attentes élevées, auxquelles il n’a pu répondre durant ses premiers mois dans le Limbourg. Le début de la saison en cours n’a pas été prometteur non plus. C’est à ce moment que le Racing Genk a transféré Brian Hamalainen de Zulte Waregem. Rapidement, le Danois a été préféré à Tshimanga. Deux mois après ses dernières minutes de jeu, l’arrière gauche a refait surface et a montré pourquoi Genk avait déboursé 2,5 millions pour ses services.

 » Je suis très satisfait des progrès qu’il a réalisés ces derniers mois « , confirme Mario Been.  » La concurrence l’a endurci car l’année dernière, inconsciemment, il était nettement moins affûté. À mes yeux, l’aspect défensif est le plus important et Derrick y a encore une marge de progression. Nous analysons son positionnement sur vidéo après chaque match. Parfois, il mise trop sur sa vitesse pour rattraper une erreur, même s’il a effectué un grand pas en avant en l’espace de quelques mois. Il constitue un atout à la relance grâce à sa vitesse mais il doit soigner son passing.  »

Un sac d’Aldi

Son passé explique ses carences. L’arrière n’est arrivé à Lokeren qu’à l’âge de 17 ans. Avant, il n’a jamais évolué en nationales, portant successivement le maillot de Wilrijk et de Duffel. Jusqu’à douze ans, il a simplement joué en rue avec ses camarades.  » Mes études ont toujours été prioritaires « , explique Tshimanga.  » Mais une fois l’école achevée, j’allais jouer en rue. Je rentrais à la maison, prenais mon ballon et m’amusais tous les soirs avec mes copains, sur les plaines de jeu d’Anvers. Nous jouions pour le plaisir. Je n’ai jamais imaginé devenir footballeur professionnel.  »

C’est à cet endroit que Dimitris Papanikitas, son mentor, l’a découvert.  » J’ai tout de suite compris que ce gamin savait jouer. Peu après, il m’a rejoint à Wilrijk. Je me rappelle qu’il est arrivé au premier entraînement avec un sac d’Aldi : il n’avait pas de sac d’entraînement. Aux yeux de ses parents, le football passait après tout le reste. Jamais ils ne sont venus le voir, jamais ils ne se sont intéressés au football. Je le conduisais à chaque entraînement et je le ramenais sinon, il ne serait jamais venu. J’ai été son second père. Ses parents n’ont accepté de parler au président de Lokeren que sur mon insistance. À cette époque, Roger Lambrecht payait un abonnement de train à Derrick, pour qu’il puisse venir s’entraîner.  »

Tshimanga a occupé un poste offensif jusqu’en espoirs.  » En séries provinciales, il marquait entre 80 et 85 buts et il sortait vraiment du lot, ce qui a éveillé l’intérêt de plusieurs formations de D1 mais il est resté à Duffel, personne ne pouvant le conduire. Travailler avec Derrick était vraiment agréable : il était désireux d’apprendre et il ne relâchait pas ses efforts. Mais en dehors du terrain, il était passif. Un jour, il a dû remplir un questionnaire. A la case hobbies, il a écrit : dormir.  »

Besoin de confiance

Quand Papanikitas a rejoint Lokeren, il a emmené le jeune ailier, qui a rapidement rejoint les espoirs. Georges Leekens, qui entraînait alors Lokeren, lui a prédit un bel avenir mais dans un autre secteur : la défense.  » Il a éclaté de rire quand je le lui ai dit « , se souvient Leekens.  » Mais il possédait un bon abattage, il jouait des deux pieds et il était très rapide. Bref, il avait le profil de l’arrière gauche moderne. Je lui ai répété que s’il voulait faire carrière, il devait évoluer à ce poste. Le déclic ne s’est pas fait immédiatement. Derrick pensait avoir un avenir un cran plus haut. J’ai vraiment dû déployer toute mon éloquence pour le convaincre. Derrick a besoin de sentir que l’entraîneur lui fait confiance, croit en lui.  »

Papanikitas insiste également sur cet aspect, crucial pour son poulain.  » Il est très introverti. Il faut beaucoup lui parler. Se fâcher sur lui n’a aucun sens, par contre.  » Pourtant, c’est exactement le style de son ancien entraîneur à Lokeren. Hallo Peter Maes ?  » Je n’ai jamais remarqué le moindre impact sur ses performances. S’il avait souffert de mon caractère, il n’aurait pas joué aussi bien.  » C’est sous la férule de Peter Maes que Tshimanga est devenu une valeur sûre du noyau.  » Sa vitesse d’exécution, son sprint et ses pénétrations m’ont frappé. Il était encore un attaquant plutôt qu’un défenseur dans sa tête et nous avons beaucoup travaillé cet aspect. Je trouve qu’il prend trop peu d’initiatives, toujours maintenant. Il doit davantage réfléchir à l’aspect offensif et affiner son timing.  » Ce qu’il semble maîtriser de mieux en mieux, entre-temps, vu son match plein en finale de la récente coupe de Belgique face au Cercle Bruges.

Holly à ses basques

Been prédit un bel avenir à Tshimanga.  » S’il continue à perfectionner son travail défensif, il sera un Diable Rouge potentiel d’ici deux à trois ans. Il possède les qualités requises pour franchir un cap supplémentaire.  » La relève semble en tout cas assurée : son frère, Holly Tshimanga, évolue en U16 à Genk et il fait forte impression depuis quelques mois. Ronald Breugelmans, le responsable de l’école des jeunes, opine :  » Holly est très rapide, il peut réaliser de belles actions et délivrer des assists. Il est titulaire en U16, une équipe qui vient d’être sacrée championne de Belgique. Reste à voir comment il digérera son passage en espoirs et éventuellement en équipe-fanion. Nous n’avons en tout cas pas l’intention de le faire reculer en défense. Il possède les qualités nécessaires pour réussir dans le football contemporain. Est-il meilleur que son frère ? Je ne peux pas le dire.  »

PAR NICOLA NEEFS – PHOTO : IMAGEGLOBE

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