ENTRE CAROLOS ARE BACK ET CAROLOS ARNAQUES

Les supporters des Zèbres ont assisté, impuissants, aux départs de Dewaest et Kebano mais ils estiment que leur club est bien géré depuis trois ans.

Ça écrit beaucoup sur les forums. Ça se plaint, ça tempête, ça s’énerve. Ça calme aussi. Ça argumente. Ça contre-argumente. Mais surtout ça parle. A Charleroi, ça ne parle d’ailleurs que de ça. Depuis les ventes de Sébastien Dewaest et de Neeskens Kebano, le public carolo donne son avis. Déçu, amer, fataliste, parfois emballé suite à l’arrivée de Jérémy Perbet, le fan carolo commente cette politique. Certains se croient revenus un an et demi en arrière lorsque le Sporting avait vendu en janvier 2014 ses trois joyaux de l’époque, Onür Kaya, Danijel Milicevic et David Pollet.

D’autres ont compris que Charleroi ne pouvait rien faire pour résister à l’appétit vorace des concurrents. Deux semaines après la fin du mercato, les fans ont repris le chemin du stade, repartant pour un nouveau cycle qu’ils espèrent cette fois plus long et plus beau que le précédent. Sport/Foot Magazine a été à la rencontre de ces supporters, non sans mal (voir cadre).

 » LES ABONNÉS SE SENTENT COCUFIÉS  »

Lui est un fidèle parmi les fidèles. Un compréhensif aussi. Il a toujours essayé de comprendre la gestion des différents présidents. Même celle d’Abbas Bayat. Philippe De Vleeschauwer est un habitué des tribunes. Président du club des supporters  » les amis du Sporting « , il a suivi les péripéties de cette fin de mercato avec passion et attention.  » La politique actuelle me convient « , dit-il.  » Si un joueur ne veut plus évoluer dans son club et risque d’instaurer un mauvais climat, je suis partisan de le vendre. On savait quand même bien que Kebano partirait un jour. Alors, aujourd’hui ou demain… Il faut se replacer dans le foot moderne. Il y a tout un marché autour du foot. Yannick Ferrera a bien été débauché par le Standard.  »

Inutile de dire que tout le monde n’est pas de son avis. Les supporters n’ont pas compris le revirement de Dewaest qui a affirmé que Genk n’était pas une avancée un jour avant d’y signer. Ni que Kebano soit vendu au même club. Certains ont voulu déchirer leur abonnement, d’autres ont parlé de Carolos arnaques, en référence au slogan Carolos are back.  » Je comprends cette politique et je trouve que les dirigeants actuels gèrent le club en bon père de famille mais ce qui m’énerve un peu, c’est le fait que les départs soient si tardifs et qu’on se déforce au détriment d’un concurrent. Si les joueurs étaient partis à l’étranger, cela serait beaucoup mieux passé auprès des supporters « , clame l’ancien président de l’Amicale (1996-2011), Marc Monetti.

 » Quand on a annoncé les deux ventes, beaucoup de gens se sont dit – ok, c’est toujours la même chose à Charleroi. Il y a encore du business derrière « , explique Geoffrey Ansseau, abonné en T4.  » On sait que le mercato est long mais il y avait une flamme qui était en train de se rallumer. On lit dans la presse pendant deux mois qu’on va garder les joueurs cadres. Puis, bam, coup de poignard. C’était clair que certains allaient être dégoûtés.  »

 » Pourquoi avoir attendu aussi longtemps ? Les clubs étaient déjà intéressés par ces joueurs fin de saison dernière. On a eu l’impression qu’on nous endormait. Aujourd’hui, les abonnés se sentent cocufiés « , nous dit un membre des Zebra fanatics qui a voulu rester anonyme.

Certes, le club restait sur des bons play-offs mais aucun supporter interrogé n’a cru son club devenu grand d’une année à l’autre.  » On connaît les réalités du foot. Charleroi reste un nain en Belgique « , dit le Zebra fanatic.  » Qu’on soit clair : Charleroi est davantage du niveau de Lokeren, Zulte Waregem ou Malines que de celui de Gand ou Genk « , reconnaît Monetti avant d’ajouter.  » Le paramètre financier limite les choix. Mehdi Bayat essaie de trouver les bons joueurs sans faire de folies.  »

 » IL FAUT UN BUDGET PLUS CONSÉQUENT  »

 » Nous sommes sur de bons rails « , dit Ansseau  » mais on s’est rendu compte qu’on ne savait pas encore garder un joueur. On n’arrive pas encore à rivaliser avec les clubs du subtop et sommes obligés de vendre. Il y a encore du chemin avant de pouvoir leur offrir un salaire décent.  » Car c’est bien là que le bât blesse.

 » Que les joueurs partis ne viennent pas nous parler de projet sportif « , dit Ansseau.  » Personne n’y croit ! Ils vont juste chercher un meilleur salaire. Et pour les convaincre de rester, il faut un budget plus conséquent. On remplit le stade dans les grands matches mais contre les plus petites équipes, il n’y a que 5000 spectateurs. Pour agrandir le budget, il faut un stade comble à chaque match.  »

Reste que personne ne croit à un retour à 2013.  » Se battre contre le maintien ? Je n’y crois pas « , dit De Vleeschauwer.  » Je pense qu’on peut continuer à viser les PO1. Quand Pär Zetterberg est parti, tout le monde se demandait où on allait. Tibor Balog arrivait de nulle part. Or, l’année suivante, on était européen ! On est en avance sur notre projet et même si on n’arrive pas en PO1, on avance.  »

 » On va nettement mieux sur le plan financier « , observe Ansseau.  » Si on a vendu des joueurs, c’est parce que ceux-ci voulaient partir, pas parce que le club devait combler un déficit. On a moins de dettes, on investit dans l’école des jeunes, le stade. On perçoit donc une amélioration. Mais avec 5 millions de vente, on aurait pu aller chercher autre chose que des joueurs gratuits. Ok, c’est signe d’une gestion saine qui ne prend pas de risques mais j’aimerais qu’un jour l’argent soit réinvesti dans l’équipe. On ne transfère que des joueurs gratuits ou des paris. Et ça, ça ne marchera pas chaque année !  »

Monetti ajoute :  » J’espère qu’on ne va pas passer d’un extrême à l’autre et continuer à avoir un peu d’ambition. Si on arrive à viser le top-6 une année sur trois, c’est déjà bien. Pour aller plus haut, il faut davantage d’argent.  »

Ce n’est donc pas encore la gueule de bois. Une envie de grandir sans rêver tout haut. Les départs de Dewaest et Kebano sont quelque peu digérés même s’ils pourraient vite revenir hanter supporters et dirigeants si des résultats négatifs s’enchaînaient.  » Kebano n’a pas vraiment été remplacé. Perbet, c’est bien mais il ne joue pas à la place de Kebano. Il va bien falloir quelqu’un qui l’alimente « , lâche Ansseau.

 » ON NE SAIT PAS QUI DIRIGE QUOI  »

 » L’achat de Perbet a permis de calmer les gens mais qu’on ne s’y trompe pas, ce transfert est un transfert-panique. Car, non seulement, il ne répond pas à la vente de Kebano mais en plus, le club avait déjà acheté trois attaquants. Soit c’est une reconnaissance implicite qu’ils se sont plantés dans leur scanning des attaquants, soit une volonté de frapper un coup sur le marché. Mais en agissant de la sorte, ne tuent-ils pas Pollet ? « , se demande le membre des Zebra fanatics.

Derrière un certain fatalisme et réalisme, demeurent quand même quelques questions.  » Il y a toujours l’élément Mogi « , dit Ansseau.  » On ne sait pas vraiment qui dirige quoi. Il ne faut pas tomber dans la théorie du grand complot mais on doit quand même constater qu’il est dans tous les deals. Il se sert. Et tant qu’il sera derrière tous les transferts, on aura l’impression de se sentir déplumés.  »  » C’est clair que les deux frères s’entendent mais tant que les joueurs qui arrivent apportent quelque chose au club, cela ne me dérange pas. Mais il ne faudrait pas venir nous vendre un canasson pour un cheval de course. Là, on les attendra au tournant « , dit le Zebra fanatic.

D’autres sont plus nuancés.  » On ne peut pas reprocher à un agent de vendre des joueurs. C’est son métier « , dit De Vleeschauwer.  » J’ai vu Mehdi après le mercato. Il était lessivé. Dire qu’il ne se bat pas pour son club, ce n’est pas vrai. Quand cela n’allait pas, il a osé affronter ses supporters. Trouvez-moi un club où ça se passe comme ça !  »

PAR STÉPHANE VANDE VELDE – PHOTOS BELGAIMAGE

 » L’acquisition de Jérémy Perbet a permis de calmer les gens mais qu’on ne s’y trompe pas : c’est un transfert-panique ! GEOFFREY ANSSEAU, ABONNÉ EN T4

 » Si on a attendu le dernier moment pour vendre Sébastien Dewaest, c’est parce qu’on s’est battu pour le garder.  » MEHDI BAYAT

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