Enquête DANS LE MILIEU

Bruno Govers

Le RSCA recherche toujours la panacée pour sa ligne médiane.

Suite au déplacement des rencontres du week-end dernier aux journées d’hier et d’aujourd’hui, vous saurez entre-temps si l’entraîneur du RSCA, Franky Vercauteren, aura choisi de reconduire l’équipe qui lui avait valu d’engranger un premier succès avec les Mauves, à Mons, ou s’il avait privilégié un retour à l’une ou l’autre des formules qu’il avait usitées lors des deux matches antérieurs : au Parc Astrid face à Ostende d’abord, puis en déplacement au Lierse.

Car s’il y a un dénominateur commun à relever dans les rencontres drivées jusqu’à présent par le nouvel homme fort du stade Constant Vanden Stock, c’est l’absence d’un schéma ainsi que d’une composition fixes puisqu’il a eu tantôt recours au 3-4-3 at home (Ostende) ainsi qu’à l’extérieur (Mons) avec, entre les deux, l’utilisation d’un 4-3-3 à la chaussée du Lisp.

Si les systèmes ont fluctué, il en aura été exactement de même avec les footballeurs appelés à les animer. Avec comme pompon la composition de la ligne médiane où, en l’espace des trois premières joutes de l’ère nouvelle, pas moins de sept éléments se sont relayés. Avec des fortunes diverses, il faut bien l’avouer, car il y a toujours eu quelque chose à redire durant ce laps de temps sur le fonctionnement de ce secteur. Comme en témoignent les lignes qui suivent.

3-4-3 contre Ostende

A l’occasion de son premier match à la tête de l’équipe, face au KVO, Franky Vercauteren avait d’emblée innové en se prononçant pour une occupation de terrain newlook, en 3-4-3, alors que la marque de fabrique d’ Hugo Broos avait toujours été, à l’une ou l’autre rares exceptions près, le 4-4-2. Pour le nouveau coach, cette disposition constituait l’idéal pour résoudre plusieurs casse-tête. Tout d’abord, elle permettait de réintroduire en front de bandière Nenad Jestrovic, que l’ancien entraîneur avait snobé allègrement, pour des raisons diverses. Conscient que le joueur serbe est le seul, dans le noyau, à répondre au profil de l’homme-but par excellence, l’ex-Petit Prince du Parc ne voulait se passer de ses services sous aucun prétexte. Mieux encore : pour accroître la densité offensive, qui avait quelquefois posé problème jusque-là suite à l’association caduque entre Aruna Dindane et Mbo Mpenza par exemple, pour ne citer que ces deux-là, Vercauteren opta pour l’adjonction d’un troisième élément sur le front de l’attaque, Christian Wilhelmsson en l’occurrence. Avec l’Ivoirien à gauche et le Suédois sur le flanc droit û sur le papier, du moins, car dans la pratique ils n’ont fait que permuter sans cesse û, Jestrogoal disposait grâce à cette nouvelle disposition de deux pourvoyeurs sur les ailes qui s’ajoutaient à deux autres joueurs appuyant la man£uvre depuis un poste un peu plus reculé : Christophe Grégoire dans le couloir gauche et Pär Zetterberg dans l’axe. A leurs côtés, au sein de la ligne médiane, deux autres footballeurs avaient une tâche plus défensive : Michal Zewlakow à droite et Walter Baseggio dans un registre plus central.

Cette configuration aura permis à Franky Vercauteren d’associer en milieu de terrain un duo qui ne recueillait guère les faveurs d’Hugo Broos puisque, sous sa coupe, on pouvait quasiment compter sur les doigts d’une seule main le nombre de fois où le Suédois et le fort de Clabecq avaient été alignés de concert. Il est vrai que l’identité de l’adversaire, à savoir Ostende, dernier classé au moment de sa visite au Parc Astrid, permettait cette option. En effet, face à une opposition qui ne tablait que sur le seul Zéphirin Zoko en pointe, il était on ne peut plus loisible à Vincent Kompany, clé de voûte de la défense, au départ, de prêter tant et plus main forte dans l’entrejeu, au point de former la pointe d’un triangle dont le côté s’identifiait à Walt et le sommet à Zet. Vu cette recherche continuelle du surnombre, ils n’étaient que deux, le plus souvent, à veiller au grain derrière : Hannu Tihinen et Olivier Deschacht. En cas de duel avec l’attaquant des Côtiers, un de ces deux-là disposait donc automatiquement d’une couverture. Et un seul aide de camp, c’était évidemment une marge de sécurité suffisante face à une formation dont les intentions offensives n’étaient pas grandes.  » A quoi bon jouer à quatre derrière quand il n’y a qu’un seul opposant à tenir ? », dit Franky Vercauteren. On ne pouvait lui donner tort sur ce point. D’ailleurs, l’Ivoirien du KVO ne pesa pas bien lourd dans la balance. Sauf sur le fameux coup de tête qui valut à Hannu Tihinen de rester groggy au sol, ce dont profita Marco Nijs pour marquer le seul but de la partie. Quant aux locaux, c’est absolument ahurissant que malgré l’introduction au jeu de deux atouts supplémentaires à l’attaque û Oleg Iachtchouk et Mbo Mpenza û ils se soient révélés incapables de faire trembler ne fût-ce qu’une seule fois les filets du portier ostendais, Dimitri Habran.

Pour expliquer ce faux-pas, on mettra en exergue, en tout premier lieu, la malchance insigne en zone de vérité : envoi de Pär Zetterberg sur le poteau, tirs mal cadrés ou insuffisamment appuyés de Nenad Jestrovic et Aruna Dindane, sans compter le keeping éblouissant du gardien d’en face. Mais ces facteurs n’expliquaient pas tout. Le résultat final tendait également à démontrer qu’il ne suffit pas de terminer le match avec six joueurs constamment devant le ballon (Christian Wilhelmsson, Oleg Iachtchouk, Mbo Mpenza, Nenad Jestrovic, Aruna Dindane et Pär Zetterberg) pour être nécessairement performant en zone de vérité. Il convient aussi, et surtout, de ne pas se retrouver dans un entonnoir en sollicitant continuellement la balle dans les espaces. Et c’est là que le bât blessait : les attaquants étant beaucoup trop statiques, les hommes du milieu étaient trop souvent amenés à porter tant et plus le ballon. Avec, comme conséquence, des mouvements avortés et des pertes de balle qui faisaient l’affaire d’ Eric Joly, régulateur suprême dans l’entrejeu ostendais face à une équipe anderlechtoise qui ne comptait plus qu’un seul récupérateur à ce moment-là, suite au retrait de Michal Zewlakow : Walter Baseggio. Mais celui-ci n’est pas un véritable arracheur de ballons et l’équipe perd dès lors un temps précieux dans la récupération du cuir. Yves Vanderhaeghe aurait été un acolyte précieux dans ces circonstances. Mais marquez pas de chance : il était justement suspendu ce soir-là pour excès de cartes jaunes.

4-3-3 face au Lierse

Le Flandrien retrouvait à cette occasion sa place de demi défensif et ce, devant une arrière-garde à quatre composée de droite à gauche de Lamine Traoré, Hannu Tihinen, Vincent Kompany et Olivier Deschacht. L’ancien Mouscronnois formait cette fois la base d’un triangle dont les deux pointes supérieures s’articulaient autour de PärZetterberg et Walter Baseggio. Comme Franky Vercauteren était resté fidèle au même trio Christian Wilhelmsson-Nenad Jestrovic-Aruna Dindane en front de bandière, la ligne médiane anderlechtoise était du même coup amputée de ses flancs : ni Michal Zewlakow, blessé, ni Christophe Grégoire, pour des motifs tactiques, n’avaient été utilisés. Si l’appel à un nouveau défenseur en la personne du Burkinabé pouvait se comprendre, suite à la titularisation aux avant-postes lierrois d’ Archie Thompson et d’ Adolphe Tohoua, soutenus de près par Marius Mitu, l’entrejeu anderlechtois n’aura guère donné ses apaisements sous cette nouvelle forme-là.

Dans son rôle d’essuie-glace balayant sans cesse de gauche à droite et vice-versa, Yves Vanderhaeghe était bien seul face à une opposition où Ninoslav Milenkovic et Kristof Imschoot d’abord, puis Esteban Solari accompagnaient régulièrement les mouvements offensifs des Jaune et Noir. Nonobstant une participation défensive réduite, Walter Baseggio et Pär Zetterberg, dans une position moins centrale que d’habitude, ne furent pas non plus d’un grand apport offensif. Les bons ballons à destination du trident de pointe n’auront dès lors pas été nombreux. L’équipe aurait sans doute été plus équilibrée si Olivier Deschacht ou Lamine Traoré avaient pu quitter leurs bases pour s’immiscer sur les flancs. Mais face à deux attaquants qui switchaient invariablement d’une aile à l’autre, ils durent tous deux se confiner essentiellement à leur mission défensive.

La leçon de ce déplacement en terre lierroise, c’est qu’en infériorité numérique face à l’adversaire dans un secteur aussi important que l’entrejeu, Anderlecht manquait tout simplement de répondant, aussi bien offensif que défensif. Par rapport au Club Bruges, qui présente souvent la même figure géométrique avec Timmy Simons à l’angle inférieur et le duo Nastja CehGaëtan Englebert aux pointes supérieures, le volume de jeu n’est pas le même. Si, toutes proportions gardées, Yves Vanderhaeghe peut encore rivaliser avec son homologue chez les Bleu et Noir en matière de kilomètres parcourus, la comparaison est déficitaire par rapport aux deux autres. Le rôle de piston qui fait la force des Clubmen n’est pas û ou plus û d’application à leurs homologues anderlechtois. D’une manière générale d’ailleurs, cette générosité est beaucoup moins évidente au RSCA où bien peu chassent le ballon dès que celui-ci est perdu. Sans l’aide de wingers accomplissant leur tâche à la récupération, comme un Goran Lovre ou un Ki-Hyeon Seol la saison passée, on comprend sans doute mieux les réticences d’Hugo Broos à s’être prononcé contre la présence simultanée de Pär Zetterberg et de Walter Baseggio dans l’axe, un secteur où il faut se battre pour chaque centimètre carré de terrain comme l’illustrent à Manchester Roy Keane ou Paul Scholes. Et encore, eux aussi peuvent compter, pour les soulager, sur l’assistance d’un Cristiano Ronaldo et d’un Ryan Giggs sur les flancs.

Avec Christophe Grégoire et Mbo Mpenza, déjà essayés aussi dans ce rôle, l’efficacité n’était bien sûr pas la même. Reste qu’il y a d’autres solutions pour une meilleure balance. Comme ce fut le cas avec Michal Zewlakow à droite face à Ostende et comme il pourrait en aller un jour aussi à gauche quand Martin Kolar sera rétabli. Car le jeune Tchèque est connu également pour son don de soi. Mais le plus simple, toutefois, serait de reprogrammer tout le monde dans ce secteur. Si à l’EURO 2004 l’Angleterre a su faire des merveilles au départ d’un quatuor offensif, au milieu du jeu, formé de David Beckham, Frank Lampard, Steven Gerrard et Paul Scholes, pourquoi un même cas de figure ne serait-il pas possible à Anderlecht avec des joueurs conçus prioritairement pour attaquer ? A nos yeux, il est plus facile d’apprendre à défendre que d’apprendre à attaquer en tout cas.

3-4-3 devant Mons

Par rapport au match au Lierse, où il occupait sa position habituelle d’arrière aile, Olivier Deschacht avait cette fois tout le couloir gauche à sa charge. Sur l’autre flanc, Anthony Vanden Borre devait arpenter d’une même façon la bande latérale droite du terrain. Pour ces deux purs produits de l’Ecole des Jeunes du RSCA, il en allait là d’une toute nouvelle attribution car Oli n’avait jamais joué jusque-là qu’en défense (en position centrale ou au back) tandis que son compère, s’il avait déjà évolué au milieu, c’était dans un rôle central mais aucunement dans une fonction excentrée. Il est d’ailleurs permis de se demander si cette nouvelle donne aurait eu sa raison d’être si, pour les besoins de ce match chez les Dragons, Michal Zewlakow n’avait pas été blessé ou Christophe Grégoire non qualifié.

Des deux, Olivier Deschacht fut sans doute le plus à son affaire, avec quelques bonnes combinaisons à son actif, à majorer d’un tir sur la latte et d’un autre mal calibré. Il est vrai qu’il bénéficiait d’une grande liberté d’action sur sa portion de terrain, puisque Marco Ingrao occupait un rôle plus central que d’habitude, non loin de ses deux compères Alessandro Cordaro et Alain Behi. Ce trio, très regroupé, aura posé pas mal de tracas à la paire centrale médiane anderlechtoise formée de Pär Zetterberg et Yves Vanderhaeghe, régulièrement confrontés à un joueur surnuméraire dans leur secteur. Ce coup-ci, Vincent Kompany ne fut pas capable d’apporter son écot dans l’entrejeu, comme il s’était plu à le faire face à Ostende, pour la bonne et simple raison que le coach de l’Albert, Jos Daerden, avait choisi d’opposer aux trois défenseurs du RSCA autant d’attaquants : Dieudonné Londo, Nicolas Goussé et Aliyu Datti. Trois joueurs qui, contrairement aux médians, évoluaient loin de l’autre afin d’écarter tant et plus l’arrière-garde anderlechtoise. On ne s’étonnera donc pas si le Gabonais marqua le seul but des siens après avoir précisément remporté son duel face à Lamine Traoré.

Pour contrecarrer les Dragons, Franky Vercauteren aurait sans doute été davantage inspiré en faisant reculer un de ses deux milieux excentrés en défense. Mais il a préféré opter pour une percussion à partir de ces deux joueurs. Une idée rendue très difficile, précisément, en raison de la quasi-impraticabilité de la pelouse le long des deux tribunes principales. Aussi bien dans ce match au stade Charles Tondreau qu’au cours des deux joutes précédentes, Anderlecht n’a donc pas su imposer ses vues grâce à une mainmise sur le milieu, comme on est en droit de l’attendre d’un grand de Belgique. Pourtant, par rapport au Standard, qui doit essentiellement compter sur ses flancs û Milan Rapaic et Sergio Conceiçao û pour son animation offensive, ou le Club Bruges, qui table plutôt sur un trio central û Timmy Simons, Gaëtan Englebert et Nastja Ceh û, le Sporting paraît mieux nanti, lui qui avec Christophe Grégoire ou Martin Kolar à gauche et Christian Wilhelmsson voire Mbo Mpenza à droite, dispose de joueurs qui peuvent donner les impulsions nécessaires. Sans compter qu’au milieu du jeu, les possibilités ne manquent pas non plus avec Pär Zetterberg, Walter Baseggio, Yves Vanderhaeghe et Besnik Hasi.

Aussi, si ce secteur coince, ce n’est pas faute d’une absence de qualité dans le chef de ses composantes. Le problème réside plutôt dans l’insuffisance de volume de jeu ainsi que le manque de repères. Dans aucun club, on ne court autant avec le ballon qu’au Sporting. Et le plus souvent en pure perte, faute de partenaires à qui le céder. A Bruges, en revanche, on se déplace davantage sans le ballon. Et quand on l’a, les solutions ne manquent jamais pour le céder, grâce aux espaces que chacun crée. La nuance est importante.

Franky Vercauteren, qui n’est pas né de la dernière pluie, sait manifestement où le problème se situe. Et c’est pourquoi, sous sa gouverne, on a déjà pu se rendre compte d’une ardeur beaucoup plus prononcée de la part des attaquants en matière de reconversion défensive. Si ce bien-fondé-là peut être reçu aussi, cinq sur cinq, par les demis, Anderlecht sera peut-être enfin engagé sur la voie du renouveau et du modernisme. Il n’est pas trop tard mais il est plus que grand temps.

Bruno Govers

Par rapport à Bruges, LE VOLUME DE JEU EST DÉFICITAIRE dans l’entrejeu

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