Enfin rouge

La route qui relie le Canonnier au Parc Astrid vient de s’ouvrir dans l’autre sens.

Il fut un temps où joueurs et entraîneurs passaient régulièrement de Mouscron à Anderlecht : on se souvient d’Yves Vanderhaeghe, Michal Zewlakow, Nenad Jestrovic, Mbo Mpenza, Hugo Broos et tout récemment Ariel Jacobs. Aujourd’hui, la route est ouverte dans l’autre sens. Enzo Scifo a fait office de pionnier, et dans sa foulée, Walter Baseggio et Alin Stoica (via un itinéraire bis) ont suivi.

On a directement senti la différence. La semaine dernière, le paisible Canonnier s’était transformé en une ruche grouillante où les journalistes affluaient. Les managers faisaient la file devant le bureau de Gil Vandenbrouck tandis que le directeur général Benoît Roul courait dans tous le sens. Baseggio, lui, prolongeait son entraînement. Pas tellement parce qu’il accuse un retard physique, mais surtout parce qu’il n’était pas encore qualifié pour le match à Mons et qu’il avait besoin d’entretenir sa condition. Bien emmitouflé, avec le bonnet sur la tête pour se protéger du vent polaire qui soufflait sur le terrain annexe, il a enchaîné les frappes.

Alors Walter, quelle impression cela fait de s’entraîner dans un survêtement… rouge ?

WalterBaseggio : C’est… chouette ! Avant de signer, j’avais pris mes renseignements auprès de Mbo Mpenza, et ce que je découvre confirme ce qu’il m’avait décrit. Quelles installations, putain ! Peu de clubs en Belgique peuvent se targuer de disposer de telles infrastructures. Au niveau des joueurs, je connaissais surtout des garçons comme Steve Dugardein, Alexandre Teklak et Jean-Philippe Charlet. Les autres joueurs, je les découvre petit à petit. Je crois qu’il y a de la qualité dans le groupe, et aussi quelques jeunes de talent, ce qui est toujours intéressant. Plusieurs nationalités se côtoient, mais cela n’empêche pas une excellente ambiance. Mouscron est un club familial, qui démontre qu’une bonne entente n’est pas incompatible avec le professionnalisme. Je crois que je vais me plaire ici.

On vous sent soulagé, à la fois par la qualité des infrastructures et par la qualité de l’effectif…

Oui, tout me semble réuni pour réaliser quelque chose de bien. Mais j’ai surtout hâte de jouer.

 » Si je croise Vercauteren en rue, je le saluerai « 

Vous avez, malgré tout, longtemps hésité avant de rejoindre le Canonnier…

Pas tellement. Il fallait surtout régler les derniers détails avec Anderlecht. C’est vrai que je suis un peu triste de quitter un club pareil. Je n’oublierai pas tous les bons moments passés là-bas. Je dois remercier beaucoup de personnes, à commencer par le président Roger Vanden Stock. S’il m’a toujours soutenu, c’est parce que je me suis toujours montré correct avec le club. Je dois aussi remercier les supporters, qui m’ont toujours encouragé, même ces dernières années où j’ai moins joué. Je ne les oublierai jamais.

Encore aujourd’hui, on sent que vous avez du mal à tourner la page…

Il faut me comprendre. Je suis arrivé à Anderlecht à l’âge de huit ans : en 1986, très exactement, et pas en 1991 ou en 1992 comme je le lis dans la plupart des biographies. En fait, lorsque j’ai quitté Clabecq pour le Parc Astrid, j’étais encore Diablotin mais il n’y avait pas de compétition dans cette catégorie à l’époque. J’ai dû attendre d’être Pré-minime pour commencer à jouer sous le maillot mauve. J’ai débuté en équipe Première lors d’un match de gala contre Newcastle qui ouvrait la saison 96-97. Je suis resté à Anderlecht jusqu’à aujourd’hui : soit 21 ans, si l’on excepte un petit pèlerinage à Trévise. C’est une fameuse tranche de vie et je ne peux pas effacer tous ces souvenirs d’un coup. Anderlecht restera à jamais le club de mon c£ur.

Quand avez-vous senti le vent tourner ?

Lorsque tout allait bien, j’ai peut-être crié victoire trop tôt. Je me suis endormi sur mes lauriers et j’ai été critiqué, peut-être à juste titre. Je me suis exilé en Italie, mais je crois que ce passage d’une année civile à Trévise, où j’ai tout de même joué 32 matches sur 40 possibles, d’abord en Série A puis en Série B, m’a fait du bien. Physiquement, je me suis affûté. La préparation d’avant-saison est terrible au-delà des Alpes : trois semaines en montagne sans toucher le ballon, j’en ai bavé. Mais cela a porté ses fruits. Lorsque je suis revenu à Anderlecht, en janvier 2007, tout allait bien. Jusqu’à un match contre Charleroi, que l’on a gagné 3-2 mais où je me suis occasionné une petite blessure qui m’a tenu éloigné des terrains pendant quatre semaines. C’est peut-être là que j’ai perdu l’occasion d’asseoir définitivement ma place dans l’équipe. Lorsque j’ai retrouvé mes moyens physiques, on ne m’a plus trop laissé l’occasion de m’exprimer. Pourtant, j’ai toujours continué à m’entraîner d’arrache-pied, quoi qu’on puisse en penser.

Le problème, c’était Frankie Vercauteren ?

Je n’ai plus trop envie de revenir sur toutes ces péripéties, mais il est exact que, lorsqu’il s’entêtait à me laisser sur le banc alors que l’équipe ne tournait pas, je l’ai très mal accepté. J’espérais un peu plus de considération. Mais je ne suis pas rancunier. Si je croise Frankie en rue, je le saluerai.

 » Je ne suis pas parti comme un voleur « 

L’arrivée d’Ariel Jacobs vous avait rendu l’espoir…

Oui, effectivement. Tout avait commencé sous les meilleurs auspices. Puis, il y a eu ce match à Saint-Trond que l’on croyait avoir en mains lorsqu’on menait 2-3 à quelques minutes de la fin. On l’a finalement perdu 4-3. La faute à Walt, comme d’habitude. Lorsque ce n’était pas moi, c’était Cyril Théréau. On était les deux boucs émissaires. Je suis réapparu en Coupe de Belgique, contre Waasland, au début de cette année. Dans tous les journaux, on avait écrit que j’avais débloqué la situation lors de mon entrée au jeu. J’estimais donc que je méritais une place de titulaire le week-end suivant, en championnat contre Malines. Eh bien, non !

Et cela vous a fait mal ?

Oui. Très mal. D’autant qu’il y avait beaucoup de blessés et que le match précédent n’avait pas été très bon.

Ce fut la goutte d’eau qui a fait déborder le vase ?

Sans doute, oui. J’estimais que, face à une équipe comme Malines où il faut jouer en profondeur, j’aurais pu être l’homme de la situation. On ne m’a pas laissé cette chance. On savait déjà que Mouscron était intéressé par mes services et certains pensaient peut-être que j’avais déjà la tête au Canonnier. C’est faux : je me suis donné à fond pour Anderlecht jusqu’à la dernière minute. Mais je n’en veux pas à Ariel Jacobs. Il a toujours été correct avec moi. Ce n’est pas facile, pour lui non plus, de travailler au stade Constant Vanden Stock.

Pourquoi pas ?

Je ne dois pas vous apprendre qu’Anderlecht est un club un peu particulier. Lorsque cela ne va pas bien, la pression est énorme pour tout le monde. Et l’entraîneur est souvent en première ligne. Pour l’instant, le fonds de jeu n’est pas extraordinaire. J’espère que mes anciens partenaires le retrouveront rapidement, mais j’aimerais qu’ils patientent jusqu’après le match de Mouscron pour se réveiller.

Car votre retour au Parc Astrid est déjà imminent…

Oui, il est prévu dans dix jours. Ce n’est pas dans mes habitudes d’être stressé, mais il est clair que ce sera un match particulier pour moi. Je reviendrai au stade Constant Vanden Stock avec un autre maillot, mais si j’ai quitté Anderlecht, je ne suis pas parti comme un voleur. Je suis resté en bons termes avec tout le monde, et cela aussi, c’est très important pour moi.

On sait que les supporters d’Anderlecht sont versatiles. Si le Sporting commence mal le match, ils sont capables de siffler leur équipe et de vous encourager…

Je ne pense pas que Mouscron ira gagner là-bas, même avec les nouveaux transferts. Mais on essaiera de donner une bonne réplique et j’espère que je serai bien accueilli. Je n’ai pas trop d’inquiétude à cet égard.

 » Le Standard m’a fait hésiter « 

Pourquoi Mouscron ?

En grande partie pour Enzo Scifo, c’est clair. C’est un homme pour qui j’ai toujours eu une grande admiration. A l’époque où je l’ai côtoyé à l’ombre de Saint-Guidon, il était le roi. Probablement le meilleur joueur du championnat de Belgique. Vraiment très impressionnant. Et, ce qui ne gâte rien, il se souciait toujours des jeunes. Je n’en ai gardé que de bons souvenirs. Lorsqu’il a arrêté sa carrière, on est toujours resté en contact. Lorsqu’il m’a demandé si je voulais le rejoindre à Mouscron, j’ai directement été tenté. Pourtant, trois clubs italiens se sont également manifestés, ainsi qu’un club belge.

Le Standard ?

Voilà, vous avez deviné. Tout cela m’a fait hésiter. Mais aujourd’hui, je ne regrette pas mon choix.

D’autant que, depuis lors, vous avez également enregistré l’arrivée d’Alin Stoica avec satisfaction…

Elle est d’abord importante pour l’équipe, même si j’admets que j’éprouverai beaucoup de plaisir à évoluer une nouvelle fois à ses côtés. On se connaît bien, j’espère qu’on retrouvera rapidement les automatismes qui étaient les nôtres à Anderlecht. C’est un joueur pétri de talent, doté d’une technique hors du commun. La défense n’est pas son point fort, mais personne n’est parfait. Si on parvient à le soulager dans sa tâche défensive afin de lui permettre de s’exprimer offensivement, il offrira bien du plaisir au public du Canonnier. Et ce qui ne gâte rien, c’est un gars très sympa, qui s’entend bien avec tout le monde. Il est capable de mettre beaucoup d’ambiance dans le vestiaire.

Sportivement, qu’est-ce qui vous vient d’abord à l’esprit, lorsqu’on évoque votre collaboration avec Alin ?

Le match contre la Lazio, en Ligue des Champions 2001 ! On avait gagné 1-0, avec un but de Tomasz Radzinski, au terme d’un match extraordinaire. C’était la dernière grande année du Sporting sur la scène européenne : on avait également battu Manchester United et le Real Madrid au Parc Astrid.

Comment vous voyez-vous fonctionner ensemble sous le maillot mouscronnois ?

C’est difficile à dire, car on vient à peine d’arriver. Il y a différentes formules possibles. On peut jouer avec un triangle dans l’entrejeu, avec moi comme pointe arrière comme c’était le cas à Anderlecht. Mais on peut aussi imaginer une formule en 4-4-2 ou même en 4-4-1-1, avec Alin comme soutien d’attaque. Lors de mon premier match amical, contre Péruwelz la semaine dernière, on avait joué en 4-4-2, mais entre-temps, d’autres joueurs sont arrivés à Mouscron et on va aussi enregistrer le retour de la CAN de Bertin Tomou. Il faudra voir ce qui est le mieux pour l’équipe, car il n’y a pas qu’Alin et moi. On a 25 joueurs et on aura besoin de tout le monde.

25 joueurs, n’est-ce pas trop pour une équipe comme Mouscron ? Vous avez été habitué à la concurrence à Anderlecht, mais quand même…

A Anderlecht, il y avait aussi 25 titulaires potentiels, c’est clair, mais avec toutes les blessures, l’entraîneur avait parfois du mal à réunir 18 joueurs pour remplir la feuille de match. Alors, 25 joueurs à l’Excelsior, c’est… bien !

par daniel devos

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