Enfin lancé?

Alors qu’on l’avait presque oublié, l’ancien joueur de Charleroi est revenu plus fort de son expérience ratée en Angleterre.

Dans un vrai match au sommet, le Standard est allé s’imposer à Genk (0-2). Deux éclats. Pour le reste, il n’y avait pas de place pour les artistes. Dimanche, les Liégeois devaient aller au charbon. A chacun son tour de se mettre en évidence. Pourtant, ces trois points leur permettent de continuer leur course en avant. Sept matches toutes compétitions confondues, sept victoires. En championnat, cela fait neuf sur neuf et un premier test sérieux passé haut la main. Et si dimanche, ce sont les arrêts d’Eiji Kawashima et l’abnégation qui ont fait la différence, Sport/Foot Magazine avait choisi de suivre le match de celui que l’on peut qualifier d’homme de ce début de saison : Geoffrey Mujangi Bia. Avec cinq buts et trois assists, c’est lui qui symbolise le mieux le renouveau.

Revenu de prêt de Watford, où il a connu une saison blanche, on le pensait en transit. Lui-même ne semblait pas avoir envie de s’éterniser en bord de Meuse. Mais voilà qu’il s’est pris au jeu, prestant lors de la préparation et convaincant son entraîneur de lui faire une place dans son onze. Après un but à Malines et un triplé au Lierse, il a donc commencé le championnat sur les chapeaux de roues.

8e minute – Acculé et pressé par trois adversaires, il s’en sort grâce à sa technique

C’est ce qui marque d’emblée chez lui : son aisance technique, héritée du football de rue. Il sait combiner dans de petits espaces et surtout, il est capable de prouesses techniques. Cette saison n’échappe pas à la règle : lobs, frappes enroulées, petits ponts, tout y passe.

S’il y a une chose qui a mis tous ses entraîneurs d’accord, c’est bien le niveau élevé de sa technique ! En 2010, à la fin de son mandat carolo, John Collins déclarait que Bia était le joueur le plus talentueux de son noyau.  » Pied droit, pied gauche, il sait tout faire « , affirmait-il. José Riga, qui l’a eu sous ses ordres en 2010-2011, confirme.  » Il a une technique très élevée. Que ce soit au niveau de ses contrôles, de ses enchaînements ou de la qualité de ses frappes de balle. Son petit lob contre le Lierse en est un parfait exemple. Tout est maîtrisé dans ce geste. Tout ! Il a des coups de pied imprévisibles et il sent bien le ballon.  » Son adjoint de l’époque, Bernard Smeets, corrobore les propos de son T1.  » Il peut faire des actions individuelles offensives terribles. D’ailleurs, si on regarde ses qualités pures, il est au-dessus de la moyenne. Quand il a la balle, on sent que le danger peut venir à tout moment.  »

Aujourd’hui, dans le vestiaire du Standard, il fait certainement partie des joueurs les plus techniques. Le noyau n’hésite pas à le reconnaître.  » Son début de saison ne me surprend pas car les qualités techniques, il les a toujours eues « , explique Pierre-Yves Ngawa.  » En un contre un, il est imprenable « , ajoute le capitaine Jelle Van Damme.  » A cela, tu ajoutes un physique assez costaud et une frappe de balle lourde et tu obtiens un joueur complet. Quand tu joues contre lui, c’est d’ailleurs difficile de trouver une faiblesse. Car il allie puissance et technique.  »

Quand la confiance anime Mujangi Bia, ça peut donc faire mal.  » C’est clair qu’offensivement, pour le moment, c’est lui qui fait la différence « , reconnaît l’adjoint du Standard, Ivan Vukomanovic.  » Il peut perturber n’importe quelle défense, par ses buts et ses assists. Pour le moment, il ne nous a encore montré aucun défaut. Avec un joueur pareil en forme, rien ne peut nous faire peur !  » Même son entraîneur principal Guy Luzon a dérogé à son principe de ne jamais évoquer les cas individuels à la presse en couvrant Mujangi Bia de louanges après son triplé contre le Lierse.

30e minute – Les ballons ne lui arrivent pas, il comprend qu’il va vivre un match difficile, à défendre, et il se sacrifie pour le collectif

A ses débuts, certains lui reprochaient de ne pas être assez collectif. Son passage à Wolverhampton aura fini par le convaincre du bienfait du sacrifice au nom de l’équipe.  » On m’avait dit qu’il pouvait quitter le schéma tactique et pourtant, je n’ai jamais trop remarqué cela dans son chef « , explique Riga.  » Les consignes, il les suivait et il se repositionnait quand il le fallait.  »

66e minute – Il commet une faute sur Camus à l’entrée du rectangle de Kawashima, signe d’une maturité tactique acquise au fil des ans

Désormais, il sait comment doser ses efforts, quand attaquer, quand faire le dos rond. A Genk, dans un match compliqué pour les techniciens comme lui, il tient les 90 minutes à effectuer son boulot défensif. Toujours concentré. Ce qui ne fut pas toujours le cas à ses débuts.

A Charleroi, c’est principalement ce qu’on lui reprochait.  » Le talent, il l’a toujours eu « , explique Mario Notaro.  » Il savait tout faire mais parfois, il manquait un peu de maturité. Il n’avait que 19 ans et il pouvait perdre le fil d’une rencontre facilement. Cela se ressentait aussi dans sa vision du collectif. Il ne mettait pas assez sa technique au service de ses coéquipiers, tentant trop souvent sa chance. Il essayait des frappes dans des situations où il aurait dû privilégier le collectif. D’autant plus que ses frappes n’étaient pas toujours cadrées. Mais quand elles l’étaient, c’était spectaculaire.  »

L’expérience aidant, il a appris à faire de meilleurs choix. Ses gestes sont plus tranchants, ses assists plus nombreux. Il a acquis la notion du collectif.  » Il y a eu un déclic dans sa tête, ça se voit « , explique Smeets.  » Il a mûri. Il porte toujours cette étiquette de grand espoir mais à 24 ans, il a compris qu’il devait s’en débarrasser pour devenir un joueur confirmé. S’il ne réussit pas cette saison au Standard, les portes du top 3 belge et celles d’un avenir dans un bon club étranger lui seront définitivement fermées.  »

 » On lui a dit qu’on était conscient qu’à un moment donné, chaque joueur devait avoir un déclic dans sa tête et que pour lui, le moment était peut-être arrivé « , expliqueVukomanovic.  » On lui a demandé s’il était prêt à tout donner et à mettre ses qualités au service du groupe et à se considérer comme un membre à temps plein du noyau. On lui a expliqué notre méthode de travail et on a constaté que dès les premiers entraînements, il se donnait toujours à fond. Il était concerné et a marqué des buts dès les premiers matches amicaux. On a été très franc et très ouvert avec lui et c’est peut-être ce dont il avait besoin. S’il continue de la sorte, il n’aura aucun problème à avoir une place dans le onze de base.  »

 » Aujourd’hui, ce qui me marque le plus dans son jeu, c’est sa maturité. Il y a de la précision et de l’efficacité qu’il n’y avait pas à Charleroi « , dit d’ailleurs Notaro.

88e minute – Carte rouge pour Van Damme, il est le seul à rester calme dans l’effervescence

Geoffrey Mujangi Bia est réputé pour être calme et taiseux.  » Il n’est pas du genre à faire du foin « , lâche Smeets.  » Il est effacé et quand il est sur le banc, il râle un peu mais il ne va jamais faire un scandale. Et à la limite, parfois, on attendait une réaction de sa part… qui ne venait jamais. On aurait voulu que cela le réveille. Peut-être bout-il à l’intérieur mais il ne le fait pas sentir. S’il est tracassé, il ne le montre jamais.  »

Ce calme, il le dégage autant en dehors que sur le terrain.  » Même dans les situations les plus chaudes, il reste zen. C’est ce qui me frappe le plus chez lui : sa technique et son calme. Il ne panique jamais « , dit Ngawa.

96e minute – Le Standard remporte le match, Mujangi Bia n’a pas marqué mais dans le staff, personne ne lui reproche rien et on ne veut pas penser que sa série est déjà à sa fin

Pour la première fois de la saison, il n’a ni offert un assist, ni marqué. Depuis le début de sa carrière, Bia n’a jamais réussi à atteindre le même niveau durant plusieurs mois. Jusqu’à présent, cela a toujours constitué son problème. Même il y a deux ans, lui qui était rentré dans l’équipe en octobre, après avoir soigné une petite blessure et sa condition lors des deux premiers mois, il n’a pas su tenir la distance. Malgré de très bons matches en Coupe d’Europe.  » Pour être lancé, il faut qu’il réalise deux saisons pleines « , affirme Riga.  » Il doit acquérir la régularité, que ce soit dans une saison ou même à l’intérieur d’un match. Il pensait parfois qu’un match se résumait à trois coups d’éclat.  »

 » Parfois, c’était vraiment inexplicable. Il alternait le bon et le moins bon « , dit Smeets.  » A Charleroi, sans doute parce qu’il n’avait pas de concurrence, il se mettait en veilleuse pendant une ou deux rencontres. Là-bas, on se montrait patient avec lui. Le problème, c’est qu’au Standard, tu ne peux pas te permettre de t’effacer un ou deux matches. Même aux entraînements, il y a des jours où on ne voyait que lui et d’autres où on avait l’impression qu’il n’était pas là.  »

 » Ah si Geoffrey avait été plus constant et régulier, la vie aurait été bien plus simple « , avait d’ailleurs déclaré Collins. A sa décharge, Mujangi Bia a souvent été freiné par des pépins physiques. Notamment lors de la saison 2011-2012, lorsqu’il fut arrêté au coeur du mois de décembre alors qu’il s’était imposé dans le onze de base de Riga et qu’il pétait des flammes.  » C’est souvent le cas avec ce type de joueur : plus tu as de la puissance, plus tu es fragile « , analyse Riga. Sa fragilité physique n’a d’ailleurs pas toujours été comprise…

 » Oui mais au final, tout le monde reconnaît son talent et ses qualités mais il ne s’est imposé nulle part « , nuance Smeets.  » Même à Charleroi, il retournait souvent sur le banc après une bonne passe.  »

Pourtant, les joueurs du Standard qui l’ont connu il y a deux ans disent qu’il est devenu plus régulier.  » S’il a changé ? Oui, il est devenu plus constant « , conclut Van Damme. ?

PAR STEPHANE VANDE VELDE

 » On a été très franc et très ouvert avec lui et c’est peut-être ce dont il avait besoin.  » (Ivan Vukomanovic)

 » Aux entraînements, il y a des jours où on ne voyait que lui et d’autres où on avait l’impression qu’il n’était pas là.  » (Bernard Smeets)

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