Encore rien

La Louvière, c’était hier. Galatasaray, peut-être demain. En attendant, il essaye jour après jour de prouver sa valeur avec le Standard.

L’entraînement est terminé depuis une bonne demi-heure, mais il reste encore pas mal de joueurs du Standard dans le vestiaire. Ou, plutôt, dans le superbe palais de Sclessin. On chante, on blague, on se taquine. C’est révélateur de deux choses: l’ambiance reste excellente dans le noyau des Rouches malgré les derniers résultats en demi-teinte, et ils se sentent chez eux dans ces installations qui sont sans doute les plus belles de notre D1.

Onder Turaci (21 ans) est passé du noir au blanc. Après son prêt de deux saisons dans le décor indigne du Tivoli, il mord à pleines dents dans son nouveau cadre de vie.

Onder Turaci: Je suis revenu dans un autre monde, c’est clair. Ici, tout est différent par rapport à La Louvière. Le confort, les terrains d’entraînement, l’encadrement. Au niveau médical, c’est le jour et la nuit. A La Louvière, il y avait un seul kiné pour tous les joueurs et un médecin qui passait deux fois par semaine, sur le coup de 9h15, pour s’inquiéter des petits bobos. Au Standard, nous avons trois kinés à temps plein et un toubib qui est toujours derrière nous. C’est rassurant. Pour ce qui est du vestiaire, le changement est encore plus saisissant. Nous avons un sauna, un jacuzzi, une télé, un magnéto et tout ce qu’on peut imaginer en matière de luxe. Nous ne sommes pas pressés de partir, une fois que nous avons pris notre douche. Et les joueurs viennent à l’entraînement avec plus d’enthousiasme.

Comment expliquez-vous la chute de régime du Standard après la bonne série du premier tour?

(Visiblement, Onder n’a pas la moindre explication concrète à fournir à ce sujet mais revient sur l’élimination en Coupe de Belgique à La Louvière)

Elle a fait très mal. Nous savions qu’il fallait encore disputer le match retour, nous n’avons pas pris les choses de haut, nous étions très motivés mais nous ne nous attendions vraiment pas à être battus au Tivoli. La Coupe, c’était notre bouée de sauvetage. Nous commencions à parler de qualification européenne en sachant que ça ne passerait probablement pas par le championnat. Le choc a donc été rude. Peut-être encore plus pour moi que pour les autres joueurs, car les deux matches contre les Loups étaient très spéciaux pour moi. J’ai passé deux belles années là-bas et je ne l’oublie pas. C’est à ce club que je dois mes débuts en D1.

Avez-vous finalement attaqué La Louvière en justice?

Non. Les dirigeants me devaient ma prime à la signature pour la deuxième saison. J’ai pris plusieurs fois contact, mais on n’avançait pas. Cela a duré un an. Alors, je suis allé trouver un avocat. Tout est devenu plus facile à partir de ce moment-là et j’ai été payé. »Après chaque but encaissé, les défenseurs centraux se sentent mal »

Comment avez-vous vécu les jours qui ont suivi la défaite à Bruges? On a parlé de la faillite de l’axe central du Standard. Vous étiez donc directement mis en cause.

Chaque fois que l’équipe encaisse un but, les défenseurs centraux se sentent mal car ils savent qu’on va plus que probablement les accuser. Nous avons regardé la cassette du match tous ensemble, l’entraîneur a pointé des coupables et j’accepte la critique. Mais ce serait injuste de n’accuser que l’axe central. Une défense, c’est un tout. Si on décide de jouer le hors-jeu, par exemple, tout le monde doit participer. Il faut rester en ligne, compact. Et cela concerne plus que les deux joueurs de l’axe.

Avez-vous lu les journaux du lundi?

Je ne tiens pas trop compte de ce qui s’écrit dans la presse. Tout le monde a le droit d’avoir un avis. Mais on ne doit pas oublier de signaler que le Standard a perdu contre une équipe au-dessus du lot. Il y a eu des erreurs, mais nous avons quand même fait un bon match. Cette défaite ne nous a en tout cas pas fait aussi mal que l’élimination à La Louvière.

Vous venez de passer dans l’axe après avoir joué tout le premier tour à droite: quelle est votre préférence?

Je suis plus à l’aise dans l’axe. C’est à cette place-là que j’ai joué la majorité de mes matches en D1. A La Louvière, Marc Grosjean m’avait d’abord aligné au back, puis Alexandre Bryssinck est arrivé dans l’équipe et j’ai glissé vers le centre. Avec Daniel Leclercq et Ariel Jacobs, j’ai toujours joué là. En fait, Christian Labarbe a été le premier à me faire confiance dans l’axe, quand j’étais à Visé. Avant cela, j’avais fait toutes mes classes à droite.

Vous avez été le meilleur Standardman du premier tour: quelque part, ce n’est pas logique car vous étiez entouré de joueurs qui avaient un tout autre vécu.

Mon intégration s’est très bien passée: c’était le premier pas, le plus important. Je suis revenu dans un club que j’avais quitté deux ans plus tôt, mais il y avait beaucoup de nouvelles têtes et je n’avais pas vraiment l’impression de retrouver le même Standard. Robert Waseige a constaté que tout se passait bien pour moi et il m’a fait confiance lors de tous les matches amicaux. Au moment où le championnat a commencé, j’étais installé solidement dans l’équipe, puis j’ai su continuer sur ma lancée. Le changement d’entraîneur ne m’a pas fait plaisir, mais je n’avais aucune crainte avec Dominique D’Onofrio parce que je le connaissais bien. J’avais déjà travaillé avec lui quand il était adjoint d’Ivic.

Pourquoi le groupe a-t-il attendu son arrivée à la tête de l’équipe pour montrer enfin une envie de gagnerdes matches?

Il ne faut surtout pas croire que nous avions envie de perdre en début de championnat. Nous étions paralysés par la pression. Des supporters et des médias. Nous avons dû attendre notre première victoire pour retrouver la confiance.

Pouvez-vous comparer la pression du maintien avec La Louvière et la pression du podium avec le Standard?

Ce n’est pas comparable. Il y avait de la pression au Tivoli, mais ici, elle est multipliée par 100. Tout le monde attend un trophée depuis tellement longtemps que c’est parfois dur à vivre pour les joueurs. »La formation au Standard, c’est le top »

Les Standardmen prêtés à Malines connaissent une situation que vous avez vécue: on les case à un niveau inférieur en espérant qu’ils vont décoller. Mais n’ont-ils pas accepté un cadeau empoisonné? Ne risque-t-on pas d’oublier des joueurs qui prennent raclée sur raclée?

Non. On aurait pu m’oublier à Visécar l’équipe ne tournait pas. Mais j’ai su me mettre en évidence dans ce contexte difficile. Ce fut une chouette expérience. J’en avais assez de jouer des matches de Réserve et la D2 a été une très bonne école. Il y avait régulièrement des scouts de D1 dans la tribune et ils m’ont remarqué. C’est là que Marc Grosjean a vu ce que je valais et il m’a alors proposé d’aller à La Louvière. Officiellement, Ivic comptait sur moi lors de mon retour de Visé. Mais, quand il ne m’a même pas fait jouer cinq minutes dans un match amical contre Amay, j’ai compris que j’avais intérêt à aller voir ailleurs.

Aujourd’hui, les Standardmen qui sont à Malines sont dans l’actualité, même s’ils perdent tous leurs matches. Ce prêt ne peut pas leur faire de tort. J’ai régulièrement des contacts avec eux et ils sont contents d’être là.

Vous êtes le symbole des jeunes formés au Standard qui s’affirment aujourd’hui en D1 avec ce club. Peut-on parler d’une génération exceptionnelle?

C’est certainement une bonne génération. Mais il y en a d’autres qui vont arriver. Si on regarde les classements des équipes de jeunes, on constate que la formation au Standard, c’est le top. Moi, j’ai gagné des tas de trophées en équipes d’âge: des titres, deux Coupes de Belgique. Parmi tous les jeunes qui dominent leur catégorie, il y en a forcément qui ont assez de talent et de volonté pour arriver en D1.

Cet hiver, on vous a cité à Galatasaray: était-ce concret?

Les Turcs m’ont contacté et je les ai renvoyés à la direction du Standard. Après cela, je n’ai plus eu aucune nouvelle. Mais je n’ai pas cherché à en avoir parce que je n’ai pas envie de partir. Il me reste un an et demi de contrat ici et je ne m’imagine pas encore ailleurs. Je suis né à Liège, je suis chez moi à Sclessin. L’idéal serait que je puisse encore rester quelques saisons dans ce club. Je n’ai que 21 ans. Plus tard, il sera encore temps pour penser à une expérience dans un autre championnat. Je veux d’abord confirmer ma percée en Belgique. Pour le moment, je ne suis encore rien! J’ai fait mes gammes dans la deuxième moitié du classement avec La Louvière, je viens de réussir un bon premier tour avec le Standard, mais je dois encore prouver, d’ici le mois de mai, que je peux être bon dans un grand club pendant une saison complète. Personne ne peut jurer que je continuerai à jouer au même niveau jusqu’à la fin du championnat.

Avez-vous des nouvelles d’Ali Lukunku?

Oui, via les médias. Mon père voit des images de Galatasaray et lit la presse de là-bas quand il va au café turc. Pour son premier match en championnat, Ali a joué 75 minutes et donné deux assists. Galatasaray a gagné facilement sur le terrain de Bursaspor: 0-5. Avec sa puissance et son jeu de tête, il a tout pour s’imposer là-bas.

Et vous, ne manquez-vous justement pas de puissance pour vous imposer définitivement dans l’axe? Par rapport à Van Buyten ou Van Meir, vous faites un peu gringalet…

Je pèse 79 kg pour 1m88: c’est vrai, je ne suis pas spécialement baraqué, mais n’attendez pas que je multiplie les séances de musculation pour y changer quoi que ce soit. Nesta est-il si costaud? Pour moi, il ne faut pas peser 100 kg pour être bon derrière. Tous les défenseurs centraux ne doivent quand même pas ressembler à Stam. Je suis fin, mais pas maigrichon. C’est très bien comme ça.

Pierre Danvoye

« Je suis fin mais pas maigrichon: c’est très bien comme ça »

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