Encore loin du Standard

Comment, grâce à son nouveau coach, le Germinal Beerschot est top-6 et prépare le clash au Standard le 5 décembre.

A l’automne 2005, Jos Daerden avait pris, au Kiel, la succession de Marc Brys, à la tête d’un Germinal Beerschot qui n’en menait pas large au classement : 4 points sur un total de 21 et une place d’avant-dernier. Avec Grand Galop (son surnom quand il formait au Standard un duo spectaculaire avec Simon Tahamata, dit Petit Trot), les Anversois allaient opérer un redressement spectaculaire en bouclant l’exercice en 6e position, forts de 49 unités. Cette année, l’histoire semble repasser les plats : après une entame de championnat catastrophique avec Aimé Anthuenis (soldée par un minable 3 sur 15), le coach limbourgeois est une nouvelle fois parvenu à hisser ses Ours dans le top-6, répondant par là même aux aspirations formulées par la direction du club en début de saison.

Auriez-vous une recette miracle ?

Jos Daerden : Les miracles n’existent pas. Le Germinal Beerschot s’appuie toujours sur le même 4-4-2 comme au moment où il a débuté la compétition en août dernier à Roulers. La seule différence, c’est que contrairement à Anthuenis, je suis resté fidèle à ce schéma de jeu en toutes circonstances. Faute de succès, Aimé avait délaissé ce système au profit d’un 4-5-1, sans arriver à inverser le cours des événements. L’équipe était désespérément en quête d’une toute première victoire à cette époque. Ma chance, lors de mon entrée en matière face à Lokeren, aura été de glaner trois points. Ce qui équivalait au total des cinq rencontres précédentes. Il tombe sous le sens que ça les a boostés. Une semaine plus tard, l’équipe a empoché la totalité de l’enjeu au Cercle. Elle était lancée.

Le grand manitou, Jos Verhaegen, prétend que l’équipe actuelle est la meilleure depuis la fusion en 1999.

Personnellement, je ne peux la comparer qu’avec celle que j’avais sous mes ordres en 2005-06. Incroyable : quatre ans plus tard à peine, il ne subsiste dans le onze de base, que trois joueurs : Kurt Van Dooren, Pieterjan Monteyne et Wim De Decker. Et encore, Wim a effectué un petit détour par le Racing Genk entre-temps. C’est dire s’il y a eu pas mal de mouvements. Globalement, l’équipe actuelle a une dimension supérieure à celle articulée autour des Jonas De Roeck, Mario Cvitanovic et autre Karel Snoeckx. Mais elle est surtout, aussi, plus riche en profondeur car il y a pas mal de jeunes talents aux portes de la Première. Je songe à Mats Rits, Bavon Tshibuabua et Victor Wanyama. Sans oublier le prometteur Thomas Kaminski dans les buts.

 » Je n’ai pas de solution de rechange pour Goor « 

Votre mérite est d’avoir lancé les trois premiers tout en forgeant des résultats enviables. Le tout, à présent, sera de les conserver. Ce qui ne s’est pas vérifié avec les Tom De Mul, Thomas Vermaelen, Jan Vertonghen et autres Moussa Dembélé dans un passé récent.

Au moment de la reprise, Sanharib Sabah Malki était encore présent. Au vu de son expérience, il n’était pas anormal qu’Anthuenis l’ait aligné au côté de Sherjill Mc Donald pour commencer la saison. A l’heure où j’ai repris le flambeau, le Syrien venait de passer à Lokeren. Il fallait donc bien que je cherche une autre solution pour constituer un nouveau duo en pointe. Lors des premières séances de préparation, j’ai immédiatement remarqué que Tshibuabua, malgré ses 18 ans, pouvait faire l’affaire. Et il ne m’a pas déçu puisqu’il a d’emblée marqué face à Lokeren. Idem pour Rits, d’ailleurs, contre Westerlo. Ces deux-là, et les autres, sont effectivement capables de tirer le club vers le haut à condition, bien sûr, de les garder. Sous cet angle, le topo a quand même changé. Lors de mon premier passage, le club n’avait pu s’opposer au départ d’un jeune doué comme Mohamed Messoudi. Cette fois, il a tout mis en £uvre pour tenir Rits, pourtant courtisé lui aussi par bon nombre de clubs. S’il veut franchir un palier, le Germinal Beerschot doit persévérer sur cette voie.

Franchir un palier, c’est se mesurer au top-3. Qu’est-ce qui sépare votre club d’Anderlecht, du Standard et de Bruges ?

Ce trio est pour ainsi dire paré à tous les niveaux. Chez nous, il y a l’une ou l’autre lacune. Je dispose de pas mal de possibilités dans l’axe, par exemple, mais je n’ai pas l’embarras du choix sur les flancs. Lors du dernier match au Kiel face à Saint-Trond, mon banc était composé de Daniel Cruz, Ivan Leko et Rits, autrement dit tous des joueurs centraux, au même titre que Justice Wamfor ou Wim De Decker, même si mon prédécesseur a quelquefois aligné le Camerounais au back droit. Contrairement aux trois grands, je n’ai pas de véritable buteur non plus. Anderlecht a Romelu Lukaku, le Club Bruges a Joseph Akpala, voire Ivan Perisic, le Standard a Milan Jovanovic. Au Germinal Beerschot, le meilleur marqueur est un médian : Faris Haroun. Mc Donald et Dosunmu se démènent beaucoup et créent des brèches dans lesquelles les autres peuvent s’engouffrer mais ils sont peu productifs. Je n’ai pas de véritable solution de rechange non plus pour certaines individualités. Un joueur comme Bart Goor, en dépit de ses 36 ans, n’a pas sa copie conforme chez nous. Et pourtant, l’effectif compte 23 joueurs. Au sommet, ce genre de problème ne se pose pas. Quant à Anderlecht, Thomas Chatelle traverse un petit creux, Jonathan Legear prend la relève et vice versa. Bruges, lui, peut même se permettre de maintenir un Wesley Sonck ou un Nabil Dirar sur le banc. Quant au Standard, il s’est plutôt bien tiré d’affaire sans Steven Defour et Axel Witsel, pour ne citer qu’eux.

 » Je me revois en Marouane Fellaini « 

Vous avez été champion avec les Rouches en 1982 et 83. Y a-t-il des similitudes entre ce Standard-là et l’actuel ?

Oui, sans conteste. Au goal, Michel Preud’homme était évidemment au-dessus du lot à ce moment-là déjà, quoiqu’il n’était qu’au début de la vingtaine. Sinan Bolat est un peu plus jeune et n’a pas encore la même maîtrise. Ce qui est tout à fait logique, vu son peu d’expérience. A l’arrière, nous pouvions évidemment compter sur un Eric Gerets impérial entourant Walter Meeuws, Théo Poel et Gérard Plessers. Sans avoir le niveau d’Eric, Marcos Camozzato est un tout bon. L’un des meilleurs à son poste en Belgique, assurément. En défense centrale, Mohamed Sarr peut aisément soutenir la comparaison avec Poel. Je connais un peu moins bien Felipe mais on en dit le plus grand bien. Il n’y a qu’à gauche que le décalage soit sensible : le Standard avait encore Dante la saison passée. A présent, il a Landry Mulemo qui n’est pas encore à ce niveau, même si on peut relever de bonnes choses chez lui aussi. Comme ce but qu’il a offert à Jovanovic contre le Club Bruges.

Quid de l’entrejeu ?

Nous avions Arie Haan, Guy Vandersmissen et moi dans ce secteur. Le Néerlandais était notre stratège, un peu à l’image de Defour aujourd’hui. Witsel, lui, se rapproche de Vandersmissen. En ce qui me concerne, j’avais plutôt mon clone dans l’équipe de l’année passée en Marouane Fellaini. Mêmes longues jambes, même tignasse bouclée, sauf que mes cheveux étaient blonds, même souffle inépuisable : on peut effectivement parler de similitudes entre nous. S’il y a donc un joueur en qui je me revois, c’est bien lui. Ce qui manque au Standard d’aujourd’hui par rapport à celui d’il y a 25 ans, c’est un joueur de classe mondiale comme l’était Tahamata, notre navetteur sur le flanc gauche. Jovanovic est pétri de qualités mais le Moluquois c’était quand même autre chose. Reste que le Standard a en Dieumerci Mbokani un attaquant hors pair dont les qualités techniques et les dons de finisseur se marient bien avec la vitesse en percussion du Serbe. Sur ce point, ils sont supérieurs, d’après moi, au duo formé jadis par Heinz Gründel et Benny Wendt ou Willy Geurts.

 » Les playoffs sont un bienfait « 

Le Standard d’alors était capable de courir deux, voire trois lièvres à la fois, avec un noyau pourtant limité. Mener deux objectifs de front semble plus difficile de nos jours.

D’aucuns ont prétendu, en début de saison, que le Standard ciblait ses priorités. C’est faisable, compte tenu de la nouvelle mouture du championnat. Cette formule a ses bons et ses mauvais côtés. Pour les étrangers, elle n’est sans doute pas idéale dans la mesure où ces garçons seront privés des traditionnelles fêtes de fin d’année dans leur pays d’origine. Mais sur le plan purement sportif, elle présente indéniablement des avantages, à tous les niveaux de la hiérarchie. Pour un club du sommet, elle permet par exemple de lancer un jeune dans la bataille sans courir de risques inconsidérés. D’autre part, on ne doit plus craindre un cavalier seul de l’une ou l’autre formation, puisque tout est automatiquement réduit de moitié à l’heure d’aborder les playoffs. Dans le passé, quand ce cas de figure se présentait, la cause était entendue au sortir de l’hiver, si pas avant. A présent, le suspense pourra être garanti jusqu’au bout.

A mi-chemin, Saint-Trond d’abord puis le FC Malines auront été les invités-surprises dans le top-6. Auteur d’une remonte spectaculaire, le Germinal Beerschot est-il susceptible de bousculer encore plus la hiérarchie ?

Sur 30 matches, tout finit toujours par se normaliser. Saint-Trond a signé une série de résultats surprenants avant de rentrer dans le rang, dans une position davantage en adéquation avec ses potentialités. Le Germinal Beerschot lui-même a carrément carburé à un rythme de champion, si je tiens compte de la moyenne obtenue depuis que j’ai repris le flambeau. Mais cela ne signifie bien sûr pas qu’on peut subitement s’éveiller aux plus grandes ambitions. Le top-3 demeure le top-3. La seule inconnue, c’est dans quel ordre termineront Anderlecht, le Standard et le Club Bruges. Pour le reste, tout se tient de très près et tout le monde est capable de battre tout le monde. Dans le haut du tableau, nous avons peut-être vaincu La Gantoise mais nous avons aussi été défaits par Zulte Waregem.

Au dire de Philippe Clement, qui a débuté la saison avec Adrie Koster, vos méthodes de travail se rapprochent de celles du Batave.  » Daerden dispense le football à la hollandaise « , soutient-il ?

C’est quoi la méthode hollandaise ? Chaque entraîneur boulotte à sa manière. Mais c’est peut-être vrai que j’ai retenu certaines leçons de mon passé aux Pays-Bas ou de ma collaboration avec des entraîneurs néerlandais comme Sef Vergoossen au Racing Genk ou encore Co Adriaanse, dont j’ai été l’assistant au Metalurh Donetsk avant de prendre sa relève à la tête de l’équipe ukrainienne en 2007. Avec eux, tout est clair : le jeu lui-même, la façon de s’entraîner, les directives en dehors. On sait où l’on va. Il n’y a pas 36.000 manières d’appréhender le football. Ce qui différencie les coaches, c’est l’impact sur le groupe. Untel suit ses joueurs pas à pas, tel autre leur laisse un peu plus de liberté. Ma vision est très simple : le match du week-end, c’est l’examen. La matière, on l’étudie au cours des jours qui précèdent. Et elle varie en fonction de l’identité de l’adversaire. Si tu travailles mal lors des entraînements, il y a peu de chance que tu inverses la tendance le jour J. Avec moi, dès le lundi, les gars savent à quoi ils s’engagent. La veille du match, je griffonne les instructions au tableau. J’affiche la composition d’équipe que j’attends, chez l’adversaire, et le rôle que j’attends de chacun de mes hommes pour lui donner la meilleure des répliques.

Avant le match, je n’ai donc plus besoin de longs discours : en 10 petites minutes, tout est dit.

par bruno govers et peter t’kint

« Je suis resté fidèle au 4-4-2 en toutes circonstances. »

« Avec moi, dès le lundi, les gars savent à quoi ils s’engagent. »

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