© koen bauters

En visite chez le Père Noël à Rovaniemi

Le latéral gauche genkois Jere Uronen revient sur la signification de Noël dans sa Finlande natale et sur la toute première qualification de son pays pour un grand tournoi.

« Noël est la fête la plus importante de l’année pour les Finlandais. Ce jour-là, nous préférons rester en pyjama, au chaud à la maison. Je ne pense pas que Noël soit fêté comme chez nous dans beaucoup de pays. En Finlande, on se réjouit des cadeaux trouvés sous le sapin pendant le réveillon, et on mange du jambon. Pas n’importe quel jambon, mais du Joloukinkku, un vrai jambon de Noël préparé d’une manière spéciale et servi avec du Porkkanalaatikko, une purée de carottes cuite au four.

Le jambon doit aussi passer au four. Lors de ma première année en Belgique, à Hasselt, un boucher nous avait aidés, mais quand on le prépare soi-même, ça prend plusieurs jours. Il faut ajouter beaucoup de sel. En Finlande, on peut l’acheter tout prêt. On boit du Gögli, du vin chaud agrémenté de graines, les Pikkujoulu. Nous commandons ce que nous ne trouvons pas ici sur un site finlandais spécialisé ( suomikauppa.fi).

Mes parents vivent ici maintenant, mais il n’est pas question pour eux de rester à Noël : le reste de la famille ne le comprendrait pas. Ils veulent qu’ils retournent en Finlande. Nous n’avons plus fêté un vrai Noël tous ensemble depuis 2015, juste avant mon arrivée ici en janvier. Minttu, ma femme, notre fils d’un an et demi et moi passons le réveillon ici. Le matin suivant le match contre Eupen, nous prenons l’avion pour Turku, d’où nous sommes tous deux originaires. C’est la plus ancienne ville du pays. Nous y dégustons les masses de nourriture préparées par nos parents.

Les cadeaux sont toujours ouverts la veille, pas le jour-même, et certainement pas à la Saint-Nicolas. Je n’en avais d’ailleurs jamais entendu parler avant d’arriver en Belgique, mais je n’oublierai jamais la date, car le 6 décembre est le jour de notre fête nationale. Nous commémorons notre indépendance, acquise en 1917 pendant la révolution russe. »

Le village du Père Noël

 » Petit, j’écrivais chaque année une lettre au Père Noël. J’allais ensuite la poster avec ma mère. Dès que notre fils pourra écrire, il rédigera une lettre aussi. On les collecte à Rovaniemi, le village du Père Noël. Le soir du 24 décembre, elles sont sous le sapin, mais on peut aussi louer un Père Noël qui vient à la maison. J’en ai vu défiler pas mal, certains plus réussis que d’autres. Il ne doit pas tout faire tout seul : il est aidé par les Joulutonut, ses serviteurs, que tout le monde a à la maison à cette période de l’année.

Pendant mon enfance, je me suis rendu une fois à Rovaniemi, où habite le Père Noël. Je ne sais pas pourquoi c’est là. Peut-être parce que le village est toujours enneigé en hiver, que c’est la plus grande ville de Laponie et aussi un endroit où on élève les rennes, avec lesquels le Père Noël se déplace. Devenu footballeur, je me suis retrouvé plusieurs fois à Rovaniemi. Tout le monde déteste ce déplacement, car il est long. On y va en bus, pas en avion. De Turku, le trajet prend dix heures. Rien que pour l’aller. Vous comprendrez donc que je ne trouve pas les déplacements très longs ici…

Même devenus adultes, nous recevons des cadeaux quand nous retournons à Turku. Ça reste une belle fête, même si ce n’est plus toujours un Noël blanc comme dans le passé. Suite au changement climatique, la neige n’est plus garantie, même en Finlande. La neige embellit tout. Nous décorons surtout l’intérieur, car la nature est assez belle comme ça. Ce qui me frappe, c’est qu’en Belgique, on décore aussi l’extérieur de toutes les couleurs.

Sans neige, la Finlande est plutôt grise et les journées sont courtes. Les enfants vont à l’école dans le noir et il fait déjà sombre quand ils rentrent chez eux. On n’aperçoit brièvement le soleil que sur le temps de midi. Ici, les gens paniquent dès qu’il tombe un centimètre de neige, mais chez nous, un hiver sans neige est déprimant. Ma mère travaille à Helsinki, à 160 kilomètres de son domicile. En hiver, elle part et revient dans l’obscurité.  »

Le premier EURO

 » Cette première qualification pour le tour final d’un tournoi a plongé le pays dans la liesse. Normalement, la Finlande n’est aussi euphorique que quand on parle de hockey sur glace, le sport national, dans lequel j’étais bon aussi. Mais à treize ans, j’ai dû choisir entre les deux sports. Je regrette d’avoir loupé ce grand moment de notre histoire sportive à cause d’une blessure. J’étais cependant au stade.

Nous venons de très loin. En 2016, nous étions à la 94e place mondiale. Ce qui a changé ? L’entraîneur ! Nous avons maintenant un sélectionneur finlandais, Markku Kamerva, qui a longtemps été l’adjoint. Nous n’avons donc pas dû repartir de zéro. Nous l’appelons le Professeur parce qu’il attache beaucoup d’importance aux réunions et aux détails. Il connaissait les joueurs et nous le connaissions.

Le revirement s’est produit en septembre 2017, quand nous avons battu l’Islande. Ça nous a donné des ailes. L’ambiance qui règne dans l’équipe est motivante. Nous formons une famille, nous nous amusons chaque fois que nous nous retrouvons. Quand on parcourt la liste des joueurs, on ne pense pas qu’ils ont leur place à un EURO.

Nous n’avons pas de stars, bien que Teemu Pukki marque à la chaîne sous la direction de l’entraîneur actuel et que notre gardien, Luká? Hradecky, qui joue à Leverkusen, soit très important. Plusieurs internationaux chevronnés ont raccroché il y a peu. Nous sommes donc encore plus conscients d’avoir besoin les uns des autres pour obtenir des résultats.

Nous ne sommes forts qu’ensemble. C’est pour ça que notre jeu est très collectif, à la fois défensivement et offensivement. Chacun doit aider les autres. Nous n’allons pas jouer comme Barcelone. Nous devons mettre notre défense au point et nous entraider sans arrêt. Ce n’est qu’ensuite que nous pouvons penser au football.

Avant, dès le premier entraînement, nous sentions que nous allions à nouveau perdre. Nous nous sommes défaits de ce pessimisme. Nous vivons la plus belle période du football finlandais, pourquoi ne serions-nous pas confiants ?  »

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