Récemment devenu veuf, le Hollandais travaille désormais à Dubaï.

Quand on lui pose une question sur l’endroit où il travaille désormais, Jan Boskamp se tourne en grimaçant vers les managers de l’équipe d’Al Wasl Sports Club: « Ce journaliste pense que, dans votre pays, il n’y a que du sable et des chameaux ». Les gars rigolent, tout heureux de ne pas recevoir de tape sur l’épaule.

A voir le sourire conspirateur de Boskamp et de ses copains François Dejonghe, Piet De Mol et Nico De Bree, Dubaï a en effet bien plus à offrir. Du pétrole. Beaucoup de pétrole. Donc, de l’argent. Boskamp a pu composer lui-même son staff. Il ne lui manque qu’un médecin occidental. Si cela intéresse quelqu’un…

Le cheik considère ses investissements dans son club de football comme des cacahuètes en regard de l’argent qu’il consacre à son écurie. En août, Boskamp et ses joueurs sont venus en stage pendant 20 jours à l’hôtel De Residentie, à Lichtaart, là où les Diables Rouges avaient logé l’été dernier au cours de l’EURO 2000.

Au moment de repartir pour Dubaï, le club aura livré douze matches amicaux face à des adversaires disparates comme Lichtaart ou Feyenoord. Les joueurs auront aussi couru treize fois et se seront entraînés à vingt-deux reprises.

Jan Boskamp doit reconstruire toute une équipe. Al Wasl Sports Club est l’une des quatre formations de Dubaï engagées dans le championnat des Emirats Arabes Unis, composé de douze clubs. Voici quelques années, Dimitri Davidovic, un autre demi-Belge y a connu le succès mais au cours des dernières années, le sextuple champion national n’a plus rien gagné. La saison dernière, il a même terminé à la cinquième place. Le cheik a donc donné pour mission à Boskamp de terminer parmi les trois premiers, ce qui qualifierait le club pour la Coupe d’Asie.

Boskamp aligne deux étrangers: l’international chilien Christian Montenesia et l’international iranien Farhad Magidib, qui évolua autrefois au Rapid Vienne. « Les clubs ne peuvent inscrire que deux étrangers. La Belgique ferait bien de s’inspirer de cet exemple car on dirait qu’un règlement y interdit d’aligner plus de deux Belges à la fois… »

Une équipe de D3!

Il ne sait pas encore quand le championnat va commencer: « S’ils se qualifient pour la Coupe du Monde, le championnat débutera sans doute en novembre. Sinon, ce sera en décembre ».

Boskamp a signé un contrat de deux ans. En mars, il pourra décider d’y ajouter une troisième saison. Au départ, il n’avait pas du tout l’intention de partir à Dubaï. Il devait plutôt se rendre au Maroc mais, comme les autres fois, le projet a avorté. « Un jour, on va m’interdire d’entrer dans ce pays », rigole-t-il. « C’est déjà la troisième fois que je les laisse tomber. Je devais signer un contrat de cinq ans avec le club de l’armée, FAR Rabat, avec la possibilité de reprendre l’équipe nationale par la suite. Alors que j’étais à l’hôtel, le cheik d’Al Wasl Sports est venu me demander de signer avec lui. Pour l’argent, il ne voyait aucun problème. Alors, moi non plus. En plus, je pouvais composer moi-même mon staff ».

Il n’avait jamais entendu parler de Dubaï. « Mon fils y était allé une fois. Il m’a dit que c’était une ville très moderne, toute différente de celles qu’on rencontre au Koweit, où j’étais allé à deux reprises pour discuter mais où je n’avais pas voulu m’établir parce qu’on n’y était pas aussi libre qu’à Dubaï. J’ai discuté en février et j’y suis allé en mars. Nous sommes directement tombés d’accord. Et quelle ville! Il y a tout. En Belgique, on a dix ans de retard. « Je n’ai été présenté à la presse locale que le 15 juin. J’avais cependant visionné 36 cassettes de l’équipe que je devais rajeunir et dont il ne reste presque rien. C’est un club du même acabit qu’Anderlecht mais il est impossible de comparer les structures. Le stade peut contenir 18.000 personnes et le club possède huit terrains aussi verts qu’en Belgique ».

Boskamp compte huit joueurs de moins de vingt ans: « Avec nos deux étrangers et nos internationaux, nous pourrions peut-être faire bonne figure en D3. Ces joueurs sont très habiles balle au pied mais ne bougent pas lorsqu’ils ne l’ont pas. Il leur manque trois choses: la faculté de se replier en perte de balle, la combativité dans les duels parce que les arbitres sifflent tout et l’esprit d’équipe. Ils se comportent un peu tous comme des vedettes ».

Ils ont également leurs habitudes et ne regardent pas à une minute de retard à l’entraînement. « Le premier jour, à Lichtaart, ils avaient quarante-cinq minutes de retard pour le cross matinal. Je ne me suis pas fâché: j’ai dit que l’entraînement du lendemain débuterait à six heures quart au lieu de sept heures quart. Et tous étaient là à sept heures… »

Un retour en Belgique n’est pas exclu

« Je n’exclus pas un retour en Belgique, comme j’avais presque accepté de retourner au Dinamo Tbilissi, même si ce club me doit encore beaucoup d’argent. Je ne m’en fais pas: tout sera réglé. Et je m’y suis beaucoup amusé, jusqu’à ce qu’on me propose de réduire mon salaire de 75%. Je ne suis pas tout à fait fou ».

Son limogeage au RC Genk ne l’a pas dérangé non plus. « A Genk, j’acceptais tout parce qu’à cette époque, le football n’était plus primordial pour moi. Je n’étais plus moi-même du fait du cancer de mon épouse. Son état s’aggravait de jour en jour. A la fin, je n’avais plus que ça en tête. C’est pourquoi je n’ai pas été déçu d’être renvoyé, même si ce n’était que la deuxième fois de ma carrière. La première fois, au Lierse, c’était bien pire ».

S’il avait été lui-même, il aurait sans doute travaillé différemment à Genk. Il se serait montré plus agressif: « J’aurais eu des problèmes avec les gens, ce qui ne fut même pas le cas ». Quand on lui dit qu’il a tout de même pu composer lui-même son noyau à Genk, il ne se démonte pas: « Je n’ai pas été impliqué dans tout, j’ai dû accepter certaines choses mais je prenais la responsabilité de tout. Avant, j’aurais refusé tel ou tel joueur mais au cours des six derniers mois, il y avait des choses bien plus importantes ».

Il venait à peine de composer son staff pour Dubaï que sa femme décéda: « J’étais détruit, le football ne m’intéresait plus. Aujourd’hui, je ne regrette rien, je redeviens lentement moi-même. Ce qui s’est passé à Genk n’arrivera plus ici ».

Il n’a pas changé d’avis sur le football belge: « La formation reste le seul moyen de s’en sortir. Il y a encore beaucoup de bons jeunes en Belgique mais tout le monde pense que ce qui vient d’ailleurs est meilleur. A La Gantoise, j’aurais dû exiger 1% sur la plus-value des jeunes. Nous avons acquis Collen, Roussel, Delorge et Van Handenhoven pour une croûte de pain. Quand ils sont arrivés, personne ne croyaient en eux. S’ils pensent à présent dénicher un Hossam sur dix jeunes qu’ils achètent, laissez-les faire. Acheter un joueur pour le revendre deux mois plus tard, ce n’est plus du football ».

Il se souvient des plaintes du président de Lokeren Roger Lambrecht lorsque La Gantoise recrutait les meilleurs talents du pays: « Il disait que cela devrait être interdit mais je constate qu’aujourd’hui, sa petite équipe n’aligne toujours aucun jeune. Pourtant, nous ne les avons pas tous pris… »

Lentement, l’adrénaline revient à un taux normal pour lui.

Geert Foutré

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