En rire ou en pleurer?

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Le RWDM est relancé: c’est le seul enseignement positif d’une bien triste soirée.

Quand on voit un match comme RWDM-La Louvière, on se dit que la réduction du nombre de clubs en première division est aussi une nécessité sportive. On avait l’impression de voir deux équipes qui étaient là simplement pour « faire le nombre ». On n’a retrouvé aucun ingrédient entrant dans la recette d’un bon football: pas de talent, pas de créativité, pas d’audace, peu d’appels de balle. Par contre, on a eu droit à tout ce qui caractérise un match raté: mauvaises passes, mauvais placements, mauvais jugements (sur les hors-jeux par exemple), mauvaise organisation, échec presque systématique de l’attaquant dans les situations d’un contre un.

Pas étonnant, dans ces conditions, que la victoire bruxelloise soit tombée sur un coup de dés: une erreur défensive monstrueuse de la défense louviéroise. Une de plus… Les débuts de saison se suivent et se ressemblent pour les Loups. Leur bilan actuel est comparable à leur bulletin de novembre 2000: une seule victoire et, en moyenne, deux buts et demi encaissés pour un marqué.

Emilio Ferrera n’est pas idiot: il n’a pas essayé de faire croire que cette troisième victoire consécutive du RWDM résultait d’une prestation collective inoubliable, ou même simplement acceptable.

« On peut dire que c’était le match de la peur, pour les deux équipes », explique-t-il. « La pièce est tombée du bon côté pour nous en fin de match, mais je n’étais sûr de rien avant le but de Jonathan Butera. Nous avons marqué au moment où je m’y attendais le moins. Tout au long du match, j’ai vu des choses que je ne voulais pas voir: des déplacements inadéquats, des passes qui partaient au mauvais moment, des actions qui démarraient au mauvais endroit. J’avais bien demandé à mes défenseurs de s’en tenir à leur mission défensive, de ne rien forcer. Sur ce point-là non plus, je n’ai pas été écouté. A un quart d’heure de la fin, je ne visais plus rien d’autre qu’un point. J’avais peur d’un but louviérois. Finalement, la situation a tourné en notre faveur ».

Moribond il y a trois semaines, le RWDM a fait la toute bonne opération du week-end. L’effet Ferrera est une réalité. Non seulement cette équipe vient d’engranger trois victoires, mais elle les a acquises contre autant d’équipes appelées à lutter toute la saison contre le maintien. Ces points pourraient peser lourd au décompte final.

« En battant coup sur coup trois concurrents directs, nous avons prouvé que nous avions pas mal de ressources psychologiques », analyse Emilio. « Nous avons pris un ascendant par rapport à Beveren, l’Antwerp et La Louvière. Le fait d’avoir gagné ce week-end sans Lambert Smid et Mike Origi, deux pions essentiels de mon dispositif, accentue encore ma satisfaction. J’y vois la preuve que ce groupe sait s’adapter au gré des circonstances. Je n’étais pas trop inquiet après la victoire de La Louvière contre le Standard car je sais par expérience qu’il est toujours difficile, pour une équipe de bas de classement, d’aligner deux bonnes prestations. Je m’attendais à affronter une équipe moins fringante que celle qui avait brillé huit jours plus tôt ».

Rivenet est bien seul

A La Louvière, aucun joueur n’évolue au même niveau qu’il y a six mois. Alexandre Bryssinck et Vincent Jonaitis, deux jeunes qui avaient signé des débuts encourageants en D1 il y a un an, sont dans le creux de la vague depuis quelques semaines. Jean-Jacques Missé Missé ne semble pas entrer dans les plans d’ Ariel Jacobs. Le bilan provisoire des transferts est insuffisant: Ola Tidman a complètement raté son début de saison. Masahiro Endo n’a pas encore joué une minute. Pascal Dias et Luciano Djim ne sont rien d’autre que des jokers. Manu Karagiannis paraît enfin avoir trouvé ses marques depuis l’arrivée du nouvel entraîneur, mais il était suspendu au RWDM et n’a donc pas pu confirmer son très bon match contre le Standard. Seuls trois joueurs arrivés l’été dernier sortent du lot: Olivier Suray, Claude-Arnaud Rivenet et Nicolas Ouédec. Ce dernier n’est malheureusement pas en pleine possession de ses moyens physiques depuis quelques semaines. Lui qui a été champion de France et a joué dans les stades les plus prestigieux du monde (Camp Nou, Santiago Bernabeu, Stade de France), a dû se demander ce qu’il faisait, samedi soir, à Molenbeek… Avec un Ouédec à 100% et un Benoît Thans rétabli, il est probable que La Louvière aurait déjà un autre visage.

Mais ils n’étaient pas là non plus contre le Standard et les Loups avaient signé un tout bon match. Comment cette équipe a-t-elle pu perdre tout son allant en une semaine?

« Après cette victoire inattendue, nous avons peut-être pensé que c’était arrivé, que nous étions enfin lancés », affirme Fabien Delbeeke. « L’entraîneur nous avait pourtant mis en garde, comme s’il craignait un relâchement. Quand on joue contre le Standard, la motivation vient d’elle-même. Au RWDM, il fallait se remettre en question, se dire que nous n’avions aucune chance si nous ne prenions pas sérieusement les choses en mains. Nous avons été incapables de le faire. Et nous avons de nouveau offert un but à l’adversaire. C’est inconcevable car Emilio Ferrera avait fait sortir Kolotilko et il était évident que notre adversaire visait le nul. Nous avions un peu réduit l’écart par rapport à nos concurrents directs en battant le Standard, mais on voit maintenant que cette victoire n’a pas servi à grand-chose. Ce n’est pas contre les candidats à l’Europe qu’il faut absolument prendre des points, mais face aux équipes qui luttent dans la même catégorie que nous. Le trou se creuse à nouveau et c’est inquiétant ».

Delbeeke est un des joueurs les plus méritants de La Louvière. Depuis le début de la saison dernière, il a été mis à toutes les sauces. Il est conscient qu’il ne possède pas un talent exceptionnel mais il ne vise que l’intérêt du collectif et sa mentalité plaît aux entraîneurs. Que ce soit avec Marc Grosjean, Daniel Leclercq ou Ariel Jacobs, il a toujours bien assumé ses dépannages en défense et dans l’entrejeu. Le scénario de la saison dernière l’a traumatisé et il ne veut à aucun prix revivre le même cauchemar.

« L’effort mental et physique que nous avons dû fournir pour nous maintenir a été terrible. Je pense qu’aucun joueur ne voulait revivre les mêmes difficultés cette saison, mais c’est mal parti. Je ne suis pourtant pas persuadé que nous sommes fort inférieurs à la majorité des équipes de D1. A partir de la septième ou huitième place, tout le monde se vaut. Ça se joue sur des détails: des phases arrêtées, des erreurs défensives, etc. Le problème de La Louvière, c’est que nous offrons presque systématiquement un but à l’adversaire lors de chaque match. Nous entamons nos rencontres en étant menés 0-1: il faut donc marquer au moins un goal pour espérer prendre un point ».

« C’est ça, la D1 d’aujourd’hui? » (Olivieri)

Domenico Olivieri se raccroche à un constat pour croire au maintien des Loups: « Le RWDM a été aussi mauvais que nous. Plusieurs équipes ne justifient pas du tout leur présence en D1. Quand on voit un match comme RWDM-La Louvière, on se demande s’il faut en rire ou en pleurer, tellement le niveau était mauvais! Je me pose de sérieuses questions quand je compare ceci aux matches de haut niveau que je jouais avec Genk il y a quelques années. J’ai l’impression de ne plus pratiquer le même sport. Pour le moment, je ne vois qu’une seule équipe valable dans le championnat de Belgique: Genk. C’est la seule qui parvient à combiner beau football et bon classement. La fraîcheur de son jeu est très intéressante. Gand? Son unique mérite est de jouer la tête. Le Club Brugeois? Il vise aussi le titre mais c’est avant tout la victoire d’un système et d’un groupe de joueurs qui n’a pas beaucoup changé par rapport à la saison dernière. Son football n’a rien d’exceptionnel. Vraiment, à part Genk, aucune équipe ne m’impressionne ou ne me donne l’impression de mériter le titre ».

Le libero des Loups craint les traces psychologiques de la défaite au RWDM. « Nous devions absolument confirmer notre victoire sur le Standard pour oublier que nous étions menacés. Nous avions su nous reprendre très vite après la défaite à Charleroi, mais je ne suis pas sûr que nous allons, cette fois, retrouver aussi rapidement nos esprits. Si nous continuons à patauger jusqu’à la fin du mois de janvier, comme la saison dernière, je crains le pire pour la deuxième partie de la saison. Car personne ne peut jurer que nous accomplirons de nouveau le même miracle qu’il y a six mois ».

Pierre Danvoye

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