En pensant à Genk

Pour le médian suédois de retour dans son pays, les Suédois sont tactiquement supérieurs aux Diables!

Jesper Jansson est capitaine d’Helsingsborg. Après le sacre de Genk, il a préféré le Limbourg à Vérone, mais il y a échoué. Plus riche d’une déception, Jansson, qui évoluait en Norvège, à Stabaek, avant son transfert à Genk, est retourné au pays: « Helsingsborg évoluait alors en Ligue des Champions. Mais cette année-là, nous avons terminé deuxièmes du championnat, derrière Halmstad. La saison passée a constitué une grande déception. Nous n’avons pas résisté à la pression, nous avons été incapables de gagner les matches qu’il fallait et nous avons concédé trop de nuls. Résultat: une cinquième place et un nouvel entraîneur ».

Un championnat estival est-il différent? Jansson: « C’est un avantage au premier tour de la Ligue des Champions ou de la Coupe UEFA car le championnat bat son plein et l’équipe est déjà bien affûtée alors que nos adversaires se cherchent encore. Mais une fois les compétitions européennes en cours, nous sommes fatigués, puisque nous arrivons en fin de saison ».

Que représente le football suédois, actuellement? Jansson: « Le championnat est très serré. Il a progressé depuis que j’ai quitté la Suède pour la Norvège, il y a maintenant six ans. Il y a davantage de monde dans les gradins, la presse s’y intéresse davantage. Je nous trouve supérieurs à la Belgique sur le plan tactique. Du point de vue défensif, nous procédons comme l’équipe nationale belge, avec deux lignes rapprochées et des percées rapides. Par contre, individuellement, les Belges sont meilleurs ».

Le football suédois parvient-il à trouver suffisamment d’argent? Jansson: « De plus en plus, grâce à l’intérêt croissant de la presse. J’ai évidemment dû consentir des sacrifices quand je suis revenu en Suède car sur ce plan, vous conservez une certaine avance, mais les joueurs gagnent quand même plus qu’avant ».

« J’aurais dû rester à Genk »

Tactiquement, les Suédois sont donc aussi bons que les Norvégiens. Jansson: « A mon arrivée à Genk, j’étais convaincu que La Gantoise allait livrer un bon championnat grâce à Sollied. On m’a répliqué que c’était impossible, car La Gantoise n’a pas de bons joueurs. Les faits m’ont donné raison. Ce que je veux dire en parlant de tactique, c’est que si l’entraîneur parvient à l’expliquer, elle simplifie tout. C’est d’ailleurs ce qui arrive maintenant à Genk. L’équipe joue bien, grâce à son organisation, alors qu’elle aligne plein de jeune. Il y a aussi trois ou quatre joueurs d’exception. Le reste est moyen. Ce n’est pas un problème si l’équipe évolue dans un cadre parfaitement défini, selon des conventions préétablies ».

Il établit la comparaison avec Johan Boskamp, qui a succédé à Jos Heyligen après un début catastrophique: « Nous devions évoluer en 4-4-2. Le problème, c’est qu’il ne comprenait pas du tout comment ça devait marcher ».

Pourtant, combien de titres n’a-t-il pas gagnés avec Anderlecht… Jansson: « Je le jure. J’ai toujours joué en 4-4-2. Quand j’ai appris qu’il voulait jouer comme ça, je me suis dit: -Chouette, enfin quelqu’un qui choisit mon système de jeu. Maintenant, nous sommes repartis. Mais non. Il faut s’exercer à ce système et nous ne l’avons pas fait. Beaucoup de paroles, des courses dans les bois, des matches à 11 contre 11, en une touche. Tchoup-tchoup, comme il dit, non? Et hurler, only yelling. Big mouth. J’ai commis l’erreur de m’adresser à lui, d’émettre mes doutes. Tout le monde a dit que ce n’était pas permis, qu’il ne fallait jamais montrer ses faiblesses à Boskamp. Moi, je trouvais que ma démarche était courageuse. Il l’a considérée comme un aveu de faiblesse. J’étais grillé. Ban parvenait mieux à s’extraire de tout ça. Hé, Jeppe, Jeep Cherokee, shopping, easy… J’avais besoin de retourner en Suède. En une semaine, j’y ai touché plus de ballons qu’à Genk en deux mois. Je pense que tout a changé, depuis lors. Bad timing, un mauvais choix. Ce qui devait être ma chance à l’étranger est devenu un cauchemar. Sinon, je serais international et je me préparerais pour la Coupe du Monde.

Lorsque j’évoluais en Norvège, j’étais déçu de n’être pas sélectionné en équipe nationale. L’entraîneur m’a visionné une seule fois en Belgique mais nous avons été battus 5-0 par le Lierse. A shit game. Je reste sur une bonne saison mais entre-temps, la Suède a trouvé son équipe et je ne rajeunis pas ».

Il aurait pu prendre la place de Stefan Schwarz mais celle-ci, dans l’axe de l’entrejeu, a été dévolue à un jeune footballeur, Tobias Linderoth: « Un peti gabarit avec lequel j’ai joué à Stabaek. Les Suédois ont de bons joueurs. Le noyau est très soudé. Je vais tout mettre en oeuvre pour me distinguer mais je ne pense pas avoir de chance. C’est dommage. En 1994, je figurais dans la présélection pour l’Amérique et j’ai été éliminé juste avant le départ. La Suède a terminé quatrième du tournoi et je n’ai plus guère été repris. Puis, il y a eu Genk, un fiasco ».

Une question de gabarits?

Selon Jansson, les entraîneurs suédois sont différents des norvégiens: « Je n’aime pas la tactique d’ Egil Olsen. Rosenborg joue différemment, d’après les règles établies par Nils Arne Eggen. Lorsque j’ai quitté la Norvège pour la Belgique, j’ai été frappé par la manière dont on sert un joueur. En Norvège, nous servions un partenaire en foulée afin qu’il poursuive sur sa lancée. A Genk, j’expédiais donc le ballon trois mètres devant Hasi. Il n’y était pas préparé. Il voulait le ballon dans ses pieds. Je ne comprenais pas. le football est un running game, pas un jeu qu’on pratique à l’arrêt ».

Contrairement à la Norvège, les compatriotes de Jansson n’affectionnent pas les grands gabarits. Jansson: « Le football norvégien fonce vers l’avant, il est axé sur le centre-avant. Le triangle médian est très important. J’apprécie le football de Rosenborg mais je trouve qu’il commence à vieillir. Une fois que l’adversaire a compris comment il procède, il peut aisément le contrecarrer. Il y a quelques années, Rosenborg a profité du renouvellement du championnat pour surprendre ses adversaires. Ce n’est plus le cas ».

Y a-t-il un modèle suédois? Jansson: « Sur le plan défensif, on peut nous comparer au football norvégien, avec quatre défenseurs en ligne. En Ligue des Champions et en Coupe UEFA, Helsingsborg évolue toujours en 4-5-1. Nous verrouillons le but et nous attaquons en masse ».

Malmö puis Göteborg ont été les porte-drapeaux du football suédois, avant de sombrer dans l’anonymat. Jansson: « Ils sont obligés d’économiser, notamment sur les salaires. Dans les années 90, Göteborg a commis des erreurs de transferts. Il a systématiquement acheté les meilleurs joueurs de Suède sans se demander s’ils convenaient vraiment au club. Il devait constamment les revendre, à perte… Il a repris ses anciennes méthodes. Toutefois, l’enrôlement est plus difficile: les joueurs n’ont pas envie de signer à Göteborg, sachant qu’ils peuvent gagner davantage ailleurs ».

« On pousse trop le foot social »

Et la qualité de la formation? Jansson: « Elle est excellente. On s’intéresse beaucoup au sport et à la formation des jeunes. Tous les jeunes pratiquent un sport, bien qu’on ait modifié le système scolaire, au détriment de la pratique sportive. Notre système est très démocratique. Ce n’est pas comme en France, où les meilleurs sont sélectionnés dès l’âge de dix ans, alors que les autres restent en plan. Les Suédois commettent une erreur, à mon sens, car ils devraient travailler davantage avec l’élite, à côté de leur mission sociale ».

La longueur des hivers constitue-t-elle un handicap? Jansson: « La Norvège compte beaucoup plus de terrains couverts. Toutefois, dans le sud, le climat n’est pas trop rude. Les hivers sont comparables à ceux que connaît la Belgique. D’ailleurs, la plupart des grands clubs sont situés dans cette partie du pays ».

L’équipe nationale suédoise ne compte plus de véritables vedettes. Jansson:  » Schwarz, Brolin, Dahlin… Les joueurs de 1994 étaient des grands en Europe. Plus maintenant. Henrik Larsson a un nom, sans plus. Patrick Andersson, de Barcelone, reste la grande vedette, avec Ljungberg, d’Arsenal. Le reste est moyen, joue bien mais n’évolue pas dans de grands clubs. J’aimerais voir Larsson à l’oeuvre dans une formation de haut niveau. Il se plaît à Glasgow, il y gagne beaucoup d’argent. Nous sommes voisins. Il a grandi à Helsingsborg et vient d’ailleurs d’acquérir une ferme pas loin de chez moi ».

L’Angleterre, l’Argentine et le Nigéria sont les prochains adversaires de la Suède. Jansson: « C’est un bon tirage car la Suède aime être dans le rôle de l’underdog. Un peu comme la Belgique. A l’EURO, les Suédois estimaient devoir battre la Belgique, ce qui a induit un surcroît de stress. La Belgique n’a pas une bonne réputation chez nous. C’est injuste, car votre championnat atteint un bon niveau. Vous-mêmes estimez que ce n’est pas le cas, ça m’a toujours étonné. Vous regardez trop le championnat des Pays-Bas, que je trouve personnellement plutôt moyen. Les grandes équipes y ont une pointure de plus, mais le reste est all the same shit. Mais voilà, les Néerlandais ont une grande gueule ».

Sven-Goran est une star

Piment supplémentaire, l’Angleterre est entraînée par le plus célèbre spécialiste suédois de football, Sven-Goran Eriksson. La presse estimait qu’il était le meilleur choix mais il était impayable pour une petite fédération de football. Jansson: « Il s’agit de sommes d’un tout autre ordre. Nous ne pouvons prétendre attirer un entraîneur qui a travaillé pour la Lazio. Il a déjà été élu citoyen le plus méritant. Il ne faut pas sous-estimer sa célébrité. On en parle tous les jours ».

Qu’apporte-il à l’Angleterre? Jansson: « C’est un excellent entraîneur. Son approche est claire, très différente de celle des entraîneurs anglais. Il ne crie pas, il reste calme, précis. Sévère, aussi. Jamais il n’élève la voix pour obtenir ce qu’il veut. Il a rendu le 4-4-2 populaire en Suède, de concert avec Roy Hodgson, qui entraînait Malmö. Cette tactique nous a valu beaucoup de succès car le football suédois n’a pas les moyens d’attirer des vedettes ».

Peter T’Kint

« Nous aimons être des underdogs. Comme les Belges »

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