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EN PASSANT PAR LE LORRAIN

Depuis les années 80, la ville d’Arlon a presque toujours eu deux représentants en Promotion. Mais dans quelques semaines, il n’y aura plus personne suite à la relégation en P1 du Lorrain… qui s’apprête également à perdre son président mythique.

Aische, un samedi soir de match. L’équipe locale, qui reste sur un bilan de 4 sur 6, reçoit la lanterne rouge de Division 3 amateurs : le Lorrain Arlon. Débarqués avec le car des joueurs, les cinq-six supporters luxembourgeois présents sont bien décidés à ne pas se la couler douce après avoir avalé 148 kilomètres de route. Du coup, même si leur équipe a toutes les chances de repartir bredouille de son déplacement en terre namuroise, ils donnent de la voix pour encourager la FCJLA.

Cela semble fonctionner puisqu’à après 80 minutes de jeu, c’est 0-2. Un score qui a le don d’énerver certains fans locaux qui ne trouvent rien de mieux à faire que de provoquer et dédaigner leurs invités par rapport à leur place au fond du tableau. Pas déstabilisés pour un sou, les Arlonais poursuivent leurs encouragements avec bonne humeur avant qu’une jeune supportrice ne mette fin aux débats en se retournant vers les vieux grincheux :  » Mais on s’en fout du classement ! « 

 » S’il y a eu cette réaction, c’est que les mauvais supporters n’étaient pas de sortie « , rigole YvesLemaire, le mythique président du club luxembourgeois. Installé en haut des tribunes du stade de l’avenue Longwy, le quasi octogénaire affirme être fatigué. Par les différentes tâches inhérentes à son rôle, certes, mais aussi par le harcèlement de tous ces parents qui pensent avoir engendré Maradona.

 » Et puis, certains spectateurs ont dépassé les bornes suite à notre mauvaise saison « , déplore le président.  » Ils ont le verbe haut et ont été très méchants dans leurs propos. Pas au point de me casser la gueule, mais je n’avais jamais été incendié comme ça. Cela m’a pas mal démoralisé…  » Pour toutes ces raisons, Yves Lemaire devrait quitter son poste de président dans quelques semaines, à l’issue de la saison. Après 45 années émaillées de derbies, de désertion de stade, de Promotion et même de Philippe Albert.

Originaire des Ardennes, Yves Lemaire est arrivé à Arlon peu après la trentaine. C’est lors d’un jour de liesse à LaTable Ronde (une sorte de Rotary Junior) qu’il a décidé de lancer un club de foot avec deux amis. Le problème, c’est qu’à Arlon, il existait déjà la Royale Jeunesse.

DERBIES ENGAGÉS

 » On avait essayé d’intégrer le club, mais ça ne les intéressait pas du tout « , se souvient Yves Lemaire.  » Ils avaient leur rythme de vie, un fonctionnement fort traditionaliste et voulaient préserver leurs privilèges.  » Les trois copains fondent alors le Football Club Le Lorrain Arlon en 1972. Ils connaissent une rapide réussite (deux promotions en deux saisons) qui fera dire à certains que les dirigeants arlonais ont des accointances à l’Union Belge.

 » Tout ça parce que notre équipe a profité d’une réforme pour être promue d’une division alors qu’elle avait fini troisième « , sourit encore Yves Lemaire. Très vite, le Lorrain atteint le niveau national du football belge et se retrouve donc à affronter le voisin de la Jeunesse.

Jean-Yves Chapelle, l’actuel coach du FCJLA en D3A, a transité par les deux clubs en tant que joueur.  » Il suffisait de traverser la route pour se retrouver dans l’autre stade « , se souvient-il.  » C’était bourré de monde (jusqu’à 3000 personnes), ce qui nous occasionnait un stress positif pour gagner ce match. Ces derbies étaient porteurs, passionnés et engagés, ce n’était clairement pas le grand amour.  »

Pourtant, les deux formations arlonaises ne sont pas amenées à se rencontrer régulièrement, la RJ ayant ainsi un sérieux penchant pour la relégation (12 au total de son existence) là où Le Lorrain se montre régulier au point de posséder désormais le titre de club belge le plus souvent présent en Promotion, d’après des chiffres officiels de la Ligue des Promotions.

En 2010, Le Lorrain se retrouve ensuite définitivement premier club de la ville suite à la cessation des activités de la Jeunesse.  » Mais contrairement à ce que beaucoup pensent, il n’y a pas eu de fusion « , précise Yves Lemaire. La Jeunesse a été mise en liquidation. Sont alors venus ici les gens qui le voulaient, c’est-à-dire une infime partie. Il n’y a donc pas eu de transformation. Cette disparition supprimait un peu de concurrence, mais ça ne nous a pas spécialement renforcés, même en termes de supporters.  »

REPRENEUR MONTOIS ?

Au cours de son histoire, Le Lorrain a pourtant eu l’occasion d’accueillir des centaines de personnes dans ses travées. En plus des derbies, les réceptions amicales du Standard et d’Anderlecht ont ainsi marqué les esprits.

 » Je m’occupais, à l’époque, de Philippe Albert. Aussi, au moment de la négociation de son transfert à Anderlecht, j’ai demandé que les Bruxellois viennent faire deux matchs amicaux avec leur équipe complète ici. Et ils ont respecté leur engagement « , se félicite le président.

Désormais, le temps n’est plus à la fête en termes de supporters.  » On n’est plus à l’époque où les gens n’avaient que le foot et les vêpres comme seules distractions « , observe Yves Lemaire. Et puis, il faut dire que les récents résultats de la FCJLA n’ont pas incité les gens à quitter leur chaumière. La cause de cette méforme remonte à l’été dernier, à l’issue d’une saison qui s’est terminée dans un mauvais esprit, quand la majorité des joueurs ont déserté le club.

 » Seuls deux joueurs sont restés « , souligne Jean-Yves Chapelle.  » Et quand on ajoute à cela la disparition dans la nature de 15 gars en cours de saison, ça n’arrange rien… Le point positif, c’est que ça a permis à plusieurs jeunes de prendre de l’expérience en D3 amateurs.  »

Même si l’ombre du grand-duché du Luxembourg plane toujours au-dessus du vivier de jeunes Arlonais, vu la gratuité des transferts internationaux de joueurs amateurs et la possibilité pour eux d’avoir un bon salaire ainsi qu’un job en passant la frontière, l’avenir n’est pas si noir.

 » Je ne suis pas marqué par le fait qu’on descende. Je pense que c’est une cure de jouvence nécessaire pour se relancer avec notre blé en herbe « , relativise ainsi Yves Lemaire, qui s’apprête donc à laisser sa place pour devenir président d’honneur.

Si rien n’est encore officiel, le repreneur de la FCJLA devrait être un Montois qui ne vient pas du tout du monde du football.  » Il serait immensément riche et souhaiterait investir « , dit Lemaire.  » La reprise n’est pas encore réglée, on a encore des points de divergence. Je veux par exemple que les gens qui m’ont suivi depuis des années soient épargnés et privilégiés. Enfin, pour ceux qui vivent encore, parce que la majorité de mes amis sont morts…  »

PAR EMILIEN HOFMAN – PHOTO PG

 » La descente sera une cure de jouvence pour se relancer avec le blé en herbe.  » YVES LEMAIRE, PRÉSIDENT DU LORRAIN ARLON

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