En MISSION

Le milieu veut entrer dans l’histoire avec la Tchéquie : le Footballeur européen 2003 sait que le titre est à la portée des siens.

Après avoir commis une faute stupide et inutile sur SteveMcManaman, la carte jaune que Pavel Nedved (31 ans) a reçue lui est restée en travers de la gorge.

Il y a un an, presque à lui tout seul, le médian de la Juventus a ramené le Real les pieds sur terre, en demi-finales de la Ligue des Champions. Son superbe football, couronné d’un but, a éliminé les Madrilènes. Mais pour le Tchèque, le match avait duré huit minutes de trop. En écopant d’une seconde carte jaune, il avait été suspendu pour la finale contre l’AC Milan, perdue aux tirs au but. Un succès international avec la Tchéquie et cette fameuse Ligue des Champions manquent donc au palmarès impressionnant de Nedved. Mais avant de jeter son dévolu sur la LC, il veut entrer dans l’histoire avec la Tchéquie. Tout le monde trouverait ça sympa car quand l’arbitre suisse Urs Meier avait brandi la carte fatale il y a un an, chaque amateur de football avait compati au chagrin de Nedved, qui pleurait à chaudes larmes. Dans un monde où l’argent et les paillettes semblent compter davantage que la simplicité et les valeurs, Nedved devrait constituer un modèle pour tous les jeunes talents. Il est dépourvu d’allures de star et se place toujours au service de l’équipe. C’est ainsi qu’il a rejoint l’élite absolue.

Lafuria cheka, la furie tchèque, comme le surnomment les tifosi, a été élue Footballeur européen de l’Année en 2003 mais Nedved troquerait volontiers son Ballon d’Or contre la victoire à l’Euro. Pendant des années, il s’est entraîné comme un spartiate, vouant une dévotion inégalable à son sport.

 » J’ai tout fait pour réussir « , explique le médian.  » Avant, la concurrence de joueurs au bagage technique plus développé était très rude. Je dispose de certaines qualités mais je dois mon statut actuel au fait que je sais à quel point je dois travailler, de manière presque inhumaine, de combien d’heures de sommeil j’ai besoin, ce que je dois manger et comment entraîner mon mental. J’avoue rechercher la reconnaissance de l’entraîneur, de mes coéquipiers et des supporters. Je veux qu’on apprécie mon engagement et mon professionnalisme, mais peut-être tombe-t-on dans l’excès, maintenant. Je ne peux pas me permettre de songer ne fût-ce qu’une seconde que j’ai atteint mon sommet avec ce Ballon d’Or. Je sais que je peux encore progresser « .

Nedved est le deuxième Tchèque à avoir reçu cette distinction, après Jozef Masopust, en 1962. Lorsqu’on lui demande pourquoi si peu de ses compatriotes atteignent ce niveau, il se lance dans des explications passionnées. Il se refuse à citer le nom de joueurs actuels qui, selon lui, ne se consacrent pas suffisamment à leur métier et préfèrent les plaisirs de la vie. Mais il sait pourquoi il est meilleur qu’eux.

La différence entre un bon pro et le champion

 » Beaucoup de détails font la différence entre un bon footballeur établi et un véritable champion « , explique Nedved, également élu Footballeur tchèque de l’année pour la cinquième fois en 2003.  » Plusieurs bons footballeurs seraient vraiment exceptionnels s’ils se comportaient avec plus de professionnalisme. Je sais par expérience combien il est difficile de ne se consacrer qu’au football. On tourne le bouton en début de saison et on n’y retouche qu’à la fin de celle-ci. Quand j’avais 13 ans, un de mes entraîneurs m’a appris à ne songer qu’au sport, à l’école et à ma famille. Je n’ai jamais modifié ce style de vie. C’est grâce à lui que je triomphe de la concurrence. Tous les footballeurs devraient mener cette vie durant leur carrière. L’avenir du football tchèque est rose, grâce à des joueurs comme Tomas Rosicky, Milan Baros et Petr Cech, mais ils doivent comprendre que jouer dans un grand club ne constitue qu’un début. Signer un contrat lucratif ne vous transforme pas en grand champion. C’est quand j’ai signé à la Lazio que j’ai commencé à m’entraîner vraiment dur. C’est ainsi qu’un joueur devient vraiment un grand « .

Marcello Lippi, son entraîneur à la Juventus ces dernières années, se demandait si Nedved se reposait parfois. Il jurerait que même dans son sommeil, le médian continue à courir. Il adore son travail, est trrrrrrès bien payé pour le faire et raffole des séances supplémentaires. Comme Sven-Göran Eriksson, Lippi a insufflé un nouvel élan à la carrière de Nedved.

 » Je ne suis pas un joueur spectaculaire mais je suis rapide. Eriksson m’a appris à abattre plus de travail que les autres, grâce à mon volume de course. Il m’a offert une certaine liberté, sans que je perde de vue mes devoirs collectifs. Si je deviens entraîneur, plus tard, j’appliquerai ses méthodes. Eriksson est un gentleman, qui traite chacun avec honnêteté. Comme Lippi, qui est un homme formidable et un excellent technicien. Celui-ci était convaincu que je gagnerais le Ballon d’Or. Il affirmait que son bracelet magique, offert par son filleul, le lui prédisait. Je pensais que c’était une plaisanterie mais il avait raison. Je ne suis pas un individualiste. Etre élu meilleur joueur d’Europe me gêne presque. Pareille étiquette ne convient pas à mon caractère. Je ne suis pas une star « .

Nedved mesure aussi l’étendue des sacrifices consentis par sa famille.  » Même quand j’ai deux jours de congé, je reste à la maison et je me repose, au lieu de sortir avec ma femme et mes enfants « .

Il veut jouer encore deux ans à la Juventus avant de tirer sa révérence et rattraper le temps perdu en compagnie d’ Ivana et de leurs enfants, qui s’appellent également Pavel et Ivana. Mais auparavant, il doit remplir une mission. Peut-être en mènera-t-il le premier volet à bien cet été.

 » Je voudrais remporter l’Euro et la Ligue des Champions avant de raccrocher. J’ai toujours pensé que football et plaisir étaient synonymes. En recevant cet avertissement contre le Real, je n’ai pu contenir mes larmes, pour la première fois de ma carrière. Le pire, c’est que Meier avait raison. J’avais commis une faute… Assister à la finale de la tribune d’Old Trafford a été un véritable cauchemar. J’ai tant travaillé toute ma carrière, non, toute ma vie, pour atteindre un tel événement… Si je ne joue pas une finale, je regretterai cet avertissement tout le reste de ma vie. Peut-être l’Euro m’offrira-t-il une autre chance « .

Marco Timmer, ESM

 » C’est quand j’ai signé à la Lazio que j’ai commencé à M’ENTRAîNER VRAIMENT DUR  »

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