» EN HIVER, IL FAISAIT -30° « 

Transféré dans  » le club d’Eto’o  » cet été, Kadir Bekmezci a vu son nom principalement apparaître dans les médias belges suite à l’arrivée du Camerounais en Turquie. Pourtant, le Sérésien est un vrai habitué de la Süper Lig turque où il est incontournable depuis 2007.

« Cela fait près de 10 ans que je suis en Turquie, mais j’ai toujours mon accent de Seraing. Les locaux savent bien que je suis un Turc  » à part  » et ils s’amusent de ça… même s’ils me comprennent, bien évidemment. Mes parents sont d’origine turque, mais je suis né et j’ai grandi à Seraing où j’ai commencé le foot à l’époque où le club était en D1. Par la suite, j’ai rejoint le Standard et c’est là que j’ai commencé à apprécier l’équipe première, parce qu’avant j’étais uniquement Sérésien !

Malheureusement, j’ai peut-être fait partie d’une des dernières promotions liégeoises qui ne recevait pas sa chance en équipe fanion, même si j’ai été le seul à être convoqué pour plusieurs matchs amicaux avec Michel Preud’homme. Ma malchance, c’est l’arrivée de Christophe Dessy à la tête de l’école des jeunes. Il a tout fait pour que je ne monte pas avec les A, comme ce jour où il a refusé de faire un amical prétextant que c’était lui qui décidait et pas Preud’homme. À la fin de mon contrat, il m’a dit clairement dit qu’il ne comptait pas sur moi au Standard. Donc je suis parti à Heusden-Zolder.

Là-bas, en D2, on m’a donné le numéro 10 et j’ai directement joué, même si j’étais encore un gamin de 20 ans sans expérience. Le problème, c’est que le club a fait faillite en 2006. Je me suis retrouvé sans emploi et avec des salaires non payés. C’est là que j’ai rejoint Eupen… pour quelques semaines. J’avais pourtant signé un contrat de deux ans, mais Gaziantepspor l’a racheté.

C’était, a priori, une situation parfaite, sauf que je ne savais pas que le club possédait deux teams, dont un en D2 où les dirigeants ont voulu m’envoyer après certaines magouilles. Je n’étais évidemment pas d’accord et je suis rentré en Belgique en assurant que j’allais porter plainte contre ces malhonnêtes qui m’avaient même envoyé un chèque en bois.

De retour au pays, j’ai contacté Fuat Capa, mon ancien coach à Heusden-Zolder, qui s’occupait alors de Geel. Je me suis entraîné un mois avec eux avant que ce ne soit… mon père qui règle l’affaire en contactant le président de Gaziantepspor pour que le club me libère.

J’ai fait une demi-saison en D3, au terme de laquelle on a été champion. C’est même moi qui ai marqué le but décisif en finale des play-offs contre l’UR Namur en partant du milieu du terrain. C’est un des meilleurs moments de ma carrière : passer de l’enfer turc au paradis geelois.

Heureusement, je n’ai pas vécu toute l’affaire Namur-Geel, parce qu’un nouveau club turc m’a proposé de tenter l’aventure en Anatolie : Hacettepe. Ça m’a fait plaisir, bien entendu, mais j’avoue que ça m’a touché de ne recevoir aucune offre de clubs belgesparce que mon rêve de gosse, c’était de jouer en Pro League. Je n’ai pas eu cette chance. Peut-être qu’il était plus facile pour moi de percer en Turquie vu mes origines…

 » SAMUEL ETO’O, CETTE STAR QUI FAIT TOUT  »

Maintenant, je ne vais pas me plaindre : après deux belles saisons à Hacettepe, où j’ai pu m’imposer notamment grâce à mes capacités physiques, plusieurs clubs se sont intéressés à moi. J’ai finalement rejoint Sivasspor pour jouer la Champions League, mais malheureusement trop tard pour affronter Anderlecht au troisième tour (5-0 à Bruxelles, 3-1 à Sivas, ndlr). Je me suis dit  » Merde, c’était l’occasion de me montrer en Belgique « .

J’étais par contre présent lors des barrages de l’Europa League face au Shakhtar Donetsk, qui nous a éliminés. Mais à part ça, tout s’est très bien passé à Sivasspor où j’ai très vite joué et mis tout le monde d’accord. Quand j’allais en ville, ça devenait même impossible d’être tranquille, il y avait toujours cinq-six personnes qui venaient pour des autographes et des photos.

Marquer des buts n’est pas ma spécialité, mais quand ça m’arrive, ce sont des beaux buts ou face à des grosses écuries, comme Besiktas ou Galatasaray. D’ailleurs, mon père avait parié avant un match contre le Gala qu’il payerait un agneau à ses amis turcs sérésiens pour un barbecue si je marquais… il l’a fait !

Après quatre saisons à Sivasspor, j’ai eu de nouvelles possibilités de départ, mais le président voulait vraiment que je reste. Il m’offrit donc le brassard de capitaine. Rester au club m’a notamment permis de rencontrer Cicinho, l’ancien espoir du Real Madrid qui était auparavant connu pour son goût pour les sorties et les femmes.

Mais là, il était tout calme : il avait une nouvelle compagne et ne bougeait pas, un grand professionnel ! En parlant de Brésiliens, j’ai aussi eu Roberto Carlos comme coach. Lui, par contre, il aimait toujours bien les femmes (rires). C’était sa première vraie expérience d’entraîneur, mais c’était son adjoint qui faisait tout.

À l’été 2015, après six saisons à Sivasspor, j’ai accepté l’offre d’Antalyaspor notamment parce qu’à la longue, la vie à Sivas me pesait. Je n’allais plus au club avec la même envie, c’était presque comme à l’usine, 6-14 h ou 14-22 h quoi. Et puis en hiver, on avait du -30° ! À côté de ça, Antalya était une belle ville bien chaude et pratique pour les enfants, c’est pour ça que j’ai choisi ce club.

Sur place, j’ai fait la connaissance d’un président, Gültekin Gencer, comme je n’en avais jamais vu : c’est un homme qui aime bien faire de la publicité autour de son club en citant des grands noms (Pirlo, Gerrard, Ronaldinho) que le club n’est pourtant pas capable de se payer. Samuel Eto’o nous a rejoints, certes, mais c’est un sponsor qui prend à sa charge une bonne partie de son salaire.

Le Camerounais est la première grande star avec laquelle je joue. C’est clair qu’il est très sûr de lui, c’est son caractère. Mais c’est quelqu’un de très bien, un vrai leader qui fait tout : il compose l’équipe, il joue, il marque et il est même directeur technique désormais. Maintenant, je ne sais pas si ça va fonctionner à long terme.

Personnellement, j’adore ma situation, mais ce n’est pas fini : je veux encore jouer 4-5 ans… et pourquoi pas en Belgique. Ça reste un regret de ne jamais avoir évolué dans mon pays où toute ma famille vit et où je suis toujours heureux de retourner. Donc, même pour une petite saison, je signe…  »

PAR ÉMILIEN HOFMAN – PHOTO ISTOCK

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