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Ivica-Ivica, c’est le match au sommet de deux amis: le divin chauve mauve et le capitaine des Rouches.

Vendredi 31 janvier 2003, 20 h 30.

Le choc entre les deux ennemis héréditaires du football belge promet une fois de plus d’être très tendu. Le résultat de ce classique des classiques influencera les ambitions des deux équipes. Au bord du terrain, les deux coaches s’installent sur leur petit banc respectif.

Le Standard de Dominique D’Onofrio est venu à Bruxelles avec la ferme intention de confirmer son renouveau dans le cadre du championnat. Le coach liégeois aligne son équipe habituelle en respectant son schéma habituel en « 4-3-1-2 » avec un Almani Moreira très proche des deux attaquants. Hugo Broos est beaucoup plus nerveux. Il se souvient que le public du Stade Constant Vanden Stock l’avait chambré après le match aller des quarts de finale de Coupe de Belgique face à St-Trond. Les habitués du Parc Astrid n’avaient pas apprécié ses choix tactiques en fin de rencontre, jugés trop défensifs, avec la montée au jeu de Besnik Hasi et de Marc Hendrikx.

« Ceux qui ont sifflé ne sont pas de vrais supporters », lança alors le coach de la capitale. Ambiance. L’enjeu est important. L’arbitre compte les joueurs. Parfait Anderlecht a gagné le toss et met la balle en jeu. Le Croate Ivica Mornar se déplace tout de suite sur la droite et se place près de Gonzague Van Dooren, sur le flanc gauche de la défense du Standard. Son vieil ami, le Yougoslave Ivica Dragutinovic, l’homme fort de la défense de Sclessin, le surveille du regard.

Ils adorent se retrouver autour d’une bonne table comme au Folklor, un restaurant d’Etterbeek connu pour ses spécialités slaves où tout le monde écoute la RTBF-radio dont une des voix les plus connues se trouve au Stade Constant Vanden Stock. Jean, le micro est ouvert…

Soucis bruxellois, renouveau liégeois

?20 h 40. Jean Duriau: « Allô, allô, mais ça fait déjà un petit temps que je demande l’antenne. Mais enfin, ce n’est pas possible. S’il y a du folklore, c’est bien sur le terrain. C’est 0-1 pour le Standard après dix minutes de jeu. Glen De Boeck n’avait pas à commettre une faute inutile sur Ole-Martin Aarst à l’entrée du rectangle. Quand il y a Johan Walem en face, c’est unmanque de jugeote. Et Walem a évidemment surpris Daniel Zitka. Une merveille de coup franc, allez passez Johnny Hallyday« .

Ivica Mornar et Ivica Dragutinovic sont décisifs dans le paysage de leur club. Tous deux y assument des rôles importants. Si les Liégeois sont repartis du bon pied après leur début de championnat calamiteux, les gars d’ Hugo Broos ont eu des ratés après la trêve des confiseurs.

? « Mais de là à parler de crise, il y a de la marge », rectifie Ivica Mornar. « Les comptes se font à la fin de la saison et c’est à ce moment-là, seulement, qu’on pourra parler de déception ou pas. Bruges a forgé une énorme différence en championnat mais je maintiens que ce groupe n’est pas plus fort que le nôtre en matière de talent. Bruges travaille plus ou moins avec le même effectif depuis cinq ans. Quand il sera au bout de son cycle, il faudra aussi le réorganiser comme c’est le cas à Anderlecht qui avait tout gagné, ou presque, il y a deux ans. Il y a des hauts et des bas, mais nous sommes présents sur tous les tableaux: championnat (la deuxième place mène à la Ligue des Champions), Coupe de Belgique, Coupe de l’UEFA.

Le débat de la recherche tactique est dépassé. Il y a 100 ans ans, on jouait en 4-4-2 rigide. Un ailier restait dans sa zone. C’était simple et cela a beaucoup changé. De nos jours, il faut déborder, être présent dans le rectangle, peser, se replacer en perte de balle, passer quand il le faut du 4-4-2 au 4-3-3 ou à autre chose. Le football n’est pas figé et notre problème est de rencontrer des formations qui ne jouent qu’en contres. Quand cela ne rentre pas vite, notre jeu a tendance à se dérégler. Face à Westerlo, après vingt minutes, tout le monde a cru que cet adversaire serait atomisé. Or, nous avons finalement perdu. Ce fut un échec mental. Quand cela tourne moins bien, chacun doit simplement apporter au collectif ce qu’il sait ce qu’il sait faire de mieux.

Il est possible que l’équipe ait parfois peur. Est-ce dû à un manque de personnalité? Non. Mais je constate plus de hargne à l’entraînement qu’en match. En semaine, impossible de reprendre ou de garder un ballon. Il faut tuer son opposant pour l’avoir. En compétition, nous sommes moins conquérants dans ce genre de batailles. On accuse la ligne médiane. Walter Baseggio ne serait pas un meneur de jeu. C’est une bonne chose. Walter a ses atouts mais on ne peut pas lui demander d’être l’unique penseur. Quand une équipe n’a qu’un organisateur, il est facile de la réduire au silence ».

? Ivica Dragutinovic a joué un rôle important dans le retour à la vie de son club, marqué par le rapide départ de Robert Waseige remplacé par Dominique D’Onofrio, le transfert d’ Ali Lukunku, la fin de la traversée du désert, etc.

« Je n’aime pas parler de notre début de saison », dit-il. « Mais quand on me le demande, je ne peux pas nier que c’était la crise. Pas de points, pas de jeu, rien. Avec Robert Waseige, le Standard n’avait pas de système de jeu. Personne ne savait exactement ce qu’il fallait faire. Après cinq matches, c’était la catastrophe: derniers, des tensions des problèmes avec tout le monde. Dominique D’Onofrio a remis de l’ordre sur le terrain. La défense est plus sûre, FredrikSöderström est un bon pare-chocs, JonathanWalasiak émerge sur le flanc droit. Moreira joue librement, c’est le plus important. Walem est plus à l’aise car toute l’équipe joue mieux, Aarst marque car il est bien servi, Goossens profite du départ d’Ali Lukunku et j’espère qu’il confirmera ses bonnes dispositions. La suite dépend de lui. Le Standard a désormais un système et s’y tient à domicile comme en déplacement. Mais c’est surtout le travail qui a fait la différence. Si cela avait été tout de suite le cas, nous ferions la course en tête ».

Où vont Ivica et Ivica?

?21 h 13.Jean Duriau: « Oui, oui, magnifique, égalisation: 1-1 par Walter Bassegio à la 43ème minute de jeu sur un centre d’Ivica Mornar. Quelle fusée des 25 mètres. Cette reprise de volée en un temps, c’est la carte de visite que Walter offre à ceux qui doutaient de lui. C’est mérité car la ligne médiane d’Anderlecht a pris le dessus sur celle du Standard où Söderström abat un gros boulot. Attendez, attendez, YvesVanderhaeghe vient de sécher Moreira. Rien, même pas une carte jaune mais c’est scandaleux. On peut tout faire sur un terrain. C’est le repos: 1-1, logique bon petit match mais le niveau technique n’est pas élevé. A part Walter Baseggio, Johan Walem et Moreira: c’est maigre côté talent, si vous voyez ce que je veux dire… »

Ivica Mornar et Ivica Dragutinovic sont souvent cités dans le carrousel des transferts.

?En décembre, il fut question de Mornar au Standard. « C’était dans la presse », dit-il. « En fait, elle se demandait pourquoi je ne jouais pas. Je me sens bien à Anderlecht et je suis fier d’y avoir obtenu l’estime de tous. Mais j’ai 29 ans et je suis un pro. Il ne me reste qu’un an de contrat. Je ne veux pas vivre dans l’incertitude du lendemain en 2003-2004. Dès lors, à la fin de cette saison, il faudra que je prolonge afin de terminer ma carrière ici ou que je cherche ailleurs. J’ai eu des contacts et des clubs s’intéressent actuellement à moi. En Belgique ou ailleurs? Peu importe. S’il le faut, je signerais même sur la planète Mars. En décembre, les médecins me déclarèrent apte au service après mes ennuis au genou. Là, j’attendais une explication à propos de ce qu’on attendait de moi. Je ne pouvais pas attendre vainement en jouant avec des jeunes en Réserve. Cela a tardé, je ne comprenais pas cette absence de dialogue et je me suis un peu énervé car je ne suis pas un enfant. Puis, échange il y a eu et… Nom de Dieu, comme dit Hugo Broos, cela va mieux ».

?Capitaine Drago est un peu dans le même cas que Mornar. Son contrat actuel prendra fin en juin 2004. Tout comme Moreira, il est courtisésur le marché international des transferts. Nul doute que Luciano D’Onofrio ne tardera pas à lui proposer un contrat à long terme, histoire de le garder et de multiplier sa valeur marchande. Marseille mais aussi des clubs italiens, allemands et italiens songeraient à lui.

« Je n’ai pas de manager et on verra tout ce que cela veut dire », avance-t-il. « J’aurai 28 ans en novembre de cette année. C’est un moment charnière dans une carrière. Je mettrai les problèmes à plat avec le club en fin de saison. Je dépanne pour le moment à l’arrière central. Pas de problème, je le fais pour le Standard mais cela ne peut pas être éternel. Même si cela va bien, je prétends que ma meilleure place se situe sur le flanc gauche. Le sélectionneur national yougoslave, Dejan Savicevic, me scoutera bientôt en prévision du match contre l’Azerbaïdjan. Je suis son back gauche mais je risque de perdre ma place en m’éternisant à l’arrière central: c’est important pour moi. Décisif même quand on parlera prolongation de contrat, dès la fin de saison ».

Des jeunes qui percent

?21 h 50.Jean Duriau: « Allô, but de Jestrogoal. Celui-là, on le sentait venir. C’est classique à Anderlecht. Seol n’était jamais parvenu à griller Onder Turaci. Il aura fallu attendre la 77ème minute de jeu: centre au cordeau, entre Okpara et Carini. Le gardien est resté sur sa ligne et Jestrovic a surgi pour marquer. Il était temps pour lui après quelques matches moyens: 2-1 et la défense du Standard en a plein les bottes. Mais enfin que signale le juge de touche? Hors-jeu de Mornar? Mais il rêve: Okpara annulait le hors-jeu: je lui donnerai l’adresse de mon opticien… »

Ivica Mornar et Ivica Dragutinovic sont bien placés pour constater que de bons jeunes montrent le bout du nez dans les deux clubs.

? « L’éclosion de Jonathan Walasiak a requinqué la ligne médiane », avance Ivica Dragutinovic. « Il m’impressionne par son calme, sa maturité, l’équilibre qu’il a trouvé entre son job défensif et ses habitudes d’ancien attaquant. Il n’est pas le seul. D’autres jeunes sont là dont Onder Turaci qui n’a que 22 ans. Onder se débrouille bien au back droit mais c’est d’abord un homme d’axe. Quand il sera installé au centre de la défense, ce sera pour dix ans. Il deviendra vite Diable Rouge et ira très loin car c’est un arrière moderne, offensif et technique ».

? Mornar a constatéles progrès d’ Olivier Deschacht et surtout ceux de Goran Lovré. Il estime que ce dernier a tout pour réussir une très grande carrière. Dans son secteur, le bouillant Aruna Dindane n’a que 21 ans. Mornar a marqué des points par rapport à lui. « La concurrence fait du bien à tout le monde », reconnaît-il. « C’est simple: le meilleur doit jouer. Devant, on a Seol, Gilles DeBilde, Jestrovic, Zane, Aruna, moi: c’est riche, personne n’a plus de forces offensives que nous. Pour ne pas cirer le banc, il faut se battre ».

Qui veut quoi?

?22 h 15.Jean Duriau: « Trois minutes de temps additionnel. C’est beaucoup pour un match disputé assez sportivement. Walem change d’aile vers Walasiak qui lance Goossens vers le point de corner. Attention, les Anderlechtois ont oublié Aarst. Bon centre et Aarst, tout seul, marque de la tête comme à la parade. 2-2, c’est fini. Anderlecht doit se mordre les doigts. Sa défense a eu un moment de déconcentration stupide tandis que le Standard y a cru jusqu’au bout. Hugo Broos fait la gueule, passez moi l’expression. Je le comprends car même la deuxième place ne sera pas un objectif facile à atteindre pour les Mauves. Ah oui, c’est cela le football mais dans l’ensemble, c’est un résultat logique ».

Ivica Mornar et Ivica Dragutinovic savent que leur club visent au moins une distinction à l’heure de la remise des prix.

?Mornar: « Il faut réussir ce championnat, arracher un billet pour la Ligue des Champions, aller le plus loin possible dans cette Coupe de l’UEFA, où Bruges a été éliminé, et j’aimerais disputer la finale de la Coupe de Belgique. J’ai pris un pari avec Hugo Broos: sion arrive en finale de la Coupe de Belgique, j’invite toute l’équipe chez mon ami Fabo du restaurant Folklor. Cela me coûtera cher mais ils découvriront de succulentes spécialités ».

? Dragutinovic se lèche les babines. Le Standard ne songe-t-il pas aussi à la Coupe de Belgique, désormais leur chemin le plus court vers l’Europe. « Je ne dirai rien: c’est important mais le championnat l’est aussi. Restons calmes et vivons tout cela match après match ».

Pierre Bilic

« Je suis un pro: s’il le faut, je signerais même sur Mars » (Mornar)

« Avec Waseige, le Standard n’avait pas de système de jeu » (Dragutinovic)

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