En Chine ou ailleurs…

Enfin ! On en blablate depuis si longtemps que je finissais par m’inquiéter qu’ils n’arrivassent jamais ! Mais cette fois nous y sommes, les JO débutent dans huit jours. A Pékin. En Chine. Dans un pays qui, parce que son gouvernement dit tintin au Tibet (*) et en raison de quelques autres vilenies, n’est pas précisément médaille d’or des Droits de l’Homme : c’est même plutôt l’inverse, il y a en Chine beaucoup trop d’hommes avec trop peu de droits, faut dire aussi qu’il y a beaucoup d’hommes tout court, et autant de femmes d’ailleurs. Eh bien, cela n’empêche pas que le CIO a fort bien fait d’attribuer à Pékin les Jeux de 2008, n’en déplaise aux partisans du boycott jacassant sur Jacques et rogues envers Rogge (*)… au lieu de lui dire merci !

Car en fin de compte, l’idée est bonne de choisir un pays qui énerve les moins vilains que lui, et c’est peut-être tous les quatre ans qu’il faudrait aller olympique-niquer dans une dictature : ceux qui se scandalisent dans les médias ont alors un rôle important à jouer et c’est fort bien ainsi,… faudrait vraiment être à présent le dernier des analphabètes ahuris pour encore ignorer que la Chine contemporaine n’est pas le Pérou de l’humanisme ! Profiter d’une désignation olympique pour gueuler sur les tares éthiques de l’heureux désigné, ça participe de la démocratie : plus le désigné est éthiquement taré, plus il y a matière à gueuler à bon escient ! La menace d’un boycott n’existe que grâce au CIO : si le CIO se bornait à désigner tous les quatre ans Stockholm, puis Bruxelles, puis Londres, les boycotteurs gueuleraient sur un £uf plutôt que sur un b£uf, ou sur rien du tout, pendant que la Chine continuerait d’être un mystère troublant non visité. Serait-ce préférable ? Réclamer haut et fort le boycott des Jeux de Pékin est fort utile, ne pas avoir de Jeux à Pékin eût été plus triste. Paradoxe ?

Evidemment que les pro-boycotts disent vrai, et que les autorités chinoises voudront camoufler les choses pas jolies à voir, ainsi que les dissidents pas commodes s’ils causent ! De là à prétendre que cette répression interne, effectivement accentuée, s’avérera plus négative que ce que la Chine devra concéder positivement d’ouverture interne, fût-ce pour seulement calmer la curiosité des visiteurs, des huiles politiques et des 25.000 journaleux qui vont l’investir durant deux semaines, il y a un pas hasardeux à franchir… Mais là où les pro-boycotts s’emmêlent les pinceaux idéologiques, c’est en clamant que le choix pékinois du CIO « place la Chine en position de modèle politique, social, économique et sportif pour toute la planète « . Pas du tout. Clamer ça, c’est prendre la planète pour des cons, et le CIO pour plus pervers qu’il n’est.

En dépit de ses dérives affairistes, le CIO ne cautionne rien : il continue de croire mordicus au sport en tant que moyen pour rapprocher les peuples. A partir de là, ou bien tout jugement moral sur le pays susceptible d’accueillir les Jeux est banni et doit l’être, ou bien on arrête les frais et les Jeux. Dans la lignée du grand naïf qu’était Pierre de Coubertin, le CIO a pris le parti de maintenir l’utopie, de cultiver la part du rêve. Il est curieux qu’on puisse à la fois être opposé aux JO de Pékin, et accro à ce brin d’idéalisme qui vous sommeille dans le p’tit c£ur… Et si les purs et durs du boycott, comme les militants de l’idéal olympique, n’étaient en fin de compte que deux groupes antagonistes luttant pour un même monde plus fraternel ? ! S’ils étaient les mêmes optimistes indécrottables, rapport à l’avenir de l’Homme ? !

Il n’est pas navrant que les Jeux aient lieu à Pékin. Il est plus navrant que les Jeux, où qu’ils se déroulent, ne soient pas plus éthiques que n’importe quel autre événement sportif d’envergure mondiale… alors qu’ils en affichent l’ambition : sans qu’y soient légion les vrais amateurs, les sélectionnés qui fraternisent au village olympique, ceux pour qui le plaisir d’en être l’emporte sur la gagne, les corps sains rendant superflus les contrôles antidopage, les conflits guerriers s’interrompant durant l’olympiade… Touchons du bois pour que le sport-spectacle soit encore porteur de valeurs humanistes, mais le sport olympique n’est en tout cas qu’un sport-spectacle comme les autres. Que nous sommes libres de regarder ou pas via le petit écran, sauf si la zapette fait la loi sous nos doigts.

(*) J’ai pas pu m’empêcher…

par bernard jeunejean

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