En attendant Wilmots?

Pierre Bilic

Mika et le Standard se rapprochent de l’Europe en songeant à un ami bordelais.

Réserviste à Anderlecht, Michaël Goossens a eu du mal à surmonter cette mauvaise passe. Il n’avait pas fermé l’oeil de la nuit avant de se rendre à Bruxelles. Vivait-il une période de méforme ou devait-il accepter des choix tactiques collant à la réalité d’une mission? Ces interrogations s’entrechoquèrent dans sa tête. Puis, son ambition vit à nouveau le jour au moment où son épouse apprit que la famille s’agrandirait en septembre avec une petite Chiara, un prénom rappelant leur amour pour l’Italie. Deux événements qui ont éclairé le match de Mika contre les Lierrois…

Michel Preud’homme lui avait demandé de bien meubler le flanc droit devant David Brocken. Après un début assez calme, Goossens trouva ses marques et signa finalement un match intéressant dont la fin fut cependant placée sous le signe d’une nervosité assez inutile des Rouches.

Comment expliquez-vous que le Lierse ait pu vous inquiéter en fin de match?

Michaël Goossens : Nous avons voulu gérer notre avance de trois buts. A cette époque de la saison, il y a forcément des petits relâchements. Je les explique par la fatigue et la tension mais cela prouve aussi que le Standard a une équipe faite pour aller au charbon de la première à la dernière minute de jeu, même quand on joue à onze contre dix. La donne est à nouveau favorable à propos de la qualification européenne mais les deux buts lierrois constituent un avertissement : rien n’est fait…

Je me braque à fond sur cet objectif. Je n’ai pas été repris dans le noyau de l’équipe nationale pour le match amical en Tchéquie. Dommage mais normal car j’ai voyagé entre le banc et le terrain au Standard. Je sais que je reviendrai et ce sera plus facile si Sclessin retrouve l’ambiance européenne. On me verra un peu plus à l’oeuvre, en championnat et en coupe d’Europe : ce sera très important pour moi mais aussi pour tous mes équipiers. Cela donnera une nouvelle dimension à tout le monde.

Cela passera en quelque sorte par une revanche à l’égard de Genk qui vous a facilement battu en finale de la Coupe de Belgique la saison passée : vous y pensez encore?

Oui, évidemment. Ce jour-là, je m’étais aligné avec une épaule en compote. J’avais tout fait pour être dans le coup mais, une fois de plus, la récompense nous échappa. J’ai été opéré en été. Il m’a fallu plus de temps à la reprise de la nouvelle saison mais j’ai répondu par des chiffres. Nous vivons dans un monde qui aime les graphiques. Malgré un léger retard à l’allumage et une tourista qui a miné mon stage d’hiver à Valence, je suis le meilleur buteur du Standard.

Avec douze buts, je ne suis pas loin des grands réalisateurs de la série. Pour moi, ce fut un bon début compte tenu du fait que je n’avais pas du tout joué durant le premier mois du championnat. En décembre, j’ai fait de l’anémie car j’avais tout donné pour revenir. J’étais vidé, je payais cash la note, c’est toujours ainsi après une opération. Je n’avançais plus, j’étais mort même après un simple sprint à l’entraînement. J’ai joué un peu partout, même parfois au milieu défensif, afin de combler des trous. Il y a eu des blessés, Ivica Mornar a eu des mots avec Ivic et…

Et vous avez eu aussi des échanges assez rudes avec Dominique D’Onofrio, n’est-ce pas?

Je ne sais pas qui vous a dit cela car c’était de le cuisine interne. Il y a forcément de la tension dans tous les groupes quand approche l’heure de vérité. Rien de grave mais, bon, dans un vestiaire, c’est pas toujours le paradis. On s’explique, on se dit des choses, c’est normal. Moi, en gros, j’aime bien que cet endroit soit celui de la vérité. Il me déplairait d’apprendre l’une ou l’autre chose ailleurs, à mon propos, alors que je suis un des acteurs du groupe. Le vestiaire, c’est notre forum à nous, c’est là que tout se prépare.

Ce vestiaire n’a-t-il pas été étonné par le choix de Marseille en faveur de Tomislac Ivic? Bon pour l’OM et pas dans le coup pour les joueurs du Standard : est-ce un affront?

Un affront? Non. Il est engagé dans une mission de sauvetage qui lui convient bien. Nous avons été étonnés car Ivic a eu des problèmes de santé. Mais quand il a signé à Marseille, j’étais content pour lui. Pour le reste, il suffit de regarder attentivement son palmarès. Je l’ai rappelé à ceux qui ont un peu ricané en apprenant la nouvelle. Marseille reste un grand club à l’échelle europénne et Ivic est au sommet depuis vingt-cinq ans. Nous pas. S’il n’avait pas de qualités, Bernard Tapie ne l’aurait pas appelé au chevet de l’OM. Il y a peut-être eu un conflit de générations chez nous mais s’il réussit là, on pourra se poser des questions. Etions-nous dans le vrai par rapport à lui? Ce groupe a également eu ses torts.

Je vais vous dire : au top du foot actuel, Tomislav Ivic est finalement un tendre. On m’avait dit que c’était une terreur. Mais à Schalke, Huub Stevens pousse ses joueurs dans leurs derniers retranchements tous les jours. Si Stevens venait à Sclessin, j’en connais qui se tireraient très vite une balle dans la tête. Stevens hurle, vocifère, insulte ses joueurs, etc.

Preud’homme a aussi ses exigences, ses ambitions et il fait bien passer ses messages dans le groupe. Il connaît la maison, la mentalité de ce club et sait qu’on ne peut pas se déconcentrer. Le coach ne lâche rien et cela se fait aussi via un dialogue avec tout le monde. Tout le club doit vivre pour l’Europe. Son sens du travail bien fait et de l’application au quotidien nous fait du bien. Dans un premier temps, il a réuni le groupe autour de lui. Nous étions entre nous face à nos objectifs et c’était bien car il fallait serrer les rangs. Il se passait à nouveau de tas de choses chez nous (la maladie d’Ivic, quelques résultats assez moyens, l’intérim de Dominique D’Onofrio et Christian Labarbe) et Preud’homme a bien fait de nous isoler un peu par rapport à des doutes.

Il parle souvent de style liégeois et de fierté et part d’abord des forces du groupe. L’adversaire a ses valeurs, qu’il respecte, mais le Standard doit imposer son jeu et de la peur aux autres. Nous n’avons pas tout gagné mais après un échec, les accents restent offensifs. Le groupe était en attente d’une stabilité tactique. Il serait injuste de comparer Preud’homme et Ivic : l’un entame sa carrière d’entraîneur, l’autre la termine, c’est difficile, impossible même. Chacun a son style. Jean Thissen avait le sien et cela marcha bien aussi. Thissen écrivait de mots au tableau : vouloir, pouvoir, etc.

Tiens, comme Daniel Leclercq au Tivoli…

Un jour, Thissen a noté en grand le nom Standard au tableau et en petit celui de Genk. On a atomisé Genk : 5-1.

Vous allez à Genk ce week-end : il faut réécrire tout cela au tableau…

Peut-être, en tout cas, c’était une très belle période.

La semaine passée, David Brocken a exprimé des remarques acerbes à propos de certains jeunes ou même de l’ambiance dans le groupe : qu’en pensez-vous?

David avait raison dans ses propos mais il y a une nuance : il a exprimé des remarques, pas des critiques. Pour moi, une remarque, c’est souvent positif. Ce l’était dans son cas et il a voulu apporter quelque chose pour avancer. Il a critiqué El Yamanyi, sans le citer, qui a un talent fou. Mais notre Egyptien est toujours en voyage, avec les Espoirs de son pays, et se repose quand il s’entraîne avec nous. Dommage car El Yamanyi peut aller loin mais à condition de travailler. Il mérite des coups de pied au derrière. Un jour, il était convenu d’aller au resto mais on avait oublié de prévenir Brocken et Meyssen, je crois, et nos deux néerlandophones n’ont pas apprécié à juste titre. C’était bien sûr un accident car nous les adorons mais Brocken a voulu dire qu’on doit gagner même dans les détails.

Michel Preud’homme dispose de quatre attaquants qu’il fait tourner en fonction des rendez-vous : est-ce que cette rotation vous convient?

Pas toujours mais il faut faire avec.

Anderlecht vit avec deux attaquants : est-ce que cela ne vous conviendrait pas mieux?

Ce n’est pas l’ideal non plus. Si Anderlecht est sur les rotules en fin de saison, c’est peut-être parce que les Mauves se sont trop appuyés sur un onze de base. A mon avis, c’est ce qui pourrait coûter le titre à Anderlecht. Je crois que Bruges va émerger. La vision de Preud’homme est simple et logique. Il demande à ses deux attaquants de départ d’user la defense adverse. Nous savons tous le faire : Ivica, Ali, Ole-Martin, moi. Quand Michel sent que la garde baisse dans l’autre camp, il introduit deux autres avants et cela peut faire la différence. C’est dur à vivre car le temps de jeu diminue. Le coach a sa philosophie. Avoir quatre attaquants, c’est un luxe. Anthuenis a Koller et Radzinksi mais les autres sont un ton en dessous.

Globalement, notre équipe joue haut et est très offensive. A domicile, cela nous coûte parfois cher sur les contres. L’Antwerp a gagné chez nous, le Lierse a fini par nous poser des problèmes. La concurrence est utile dans tous les secteurs. J’ai écopé d’une carte jaune contre le Lierse et cela m’empêchera de jouer à Genk. Preud’homme a des solutions. Daniel Van Buyten est out jusqu’à la fin de la saison, Laurent Wuillot vient de reprendre le travail avec le groupe. Là, aussi, heureusement, il y a des alternatives (Petr Vlcek, Liviu Ciobotariu, etc.) qui ont déjà fait leurs preuves. On n’atteint pas des objectifs à onze mais avec tout un groupe.

A Bruges, vous avez joué à gauche mais à droite contre le Lierse samedi passé : n’êtes-vous pas un peu le dépanneur du Standard?

J’étais étonné à Bruges mais le but était de jouer avec trois attaquants et à gauche, pour la première fois de ma carrière, je pouvais surprendre en mettant les arrières adverses sur leur mauvais pied. Je devais rentrer dans le jeu et tirer au but. Je l’ai fait au début du match mais j’ai hélas été exclu injustement et rapidement. J’étais couvert au moment de ma faute, la balle fila vers le point de corner, c’était jaune sans plus. A l’époque, on nous a trouvé enfantins dans nos critiques contre les arbitres. Il faut tout de même croire que le débat était bel et bien justifié car tout le monde parle désormais de la crise de l’arbitrage. En attendant, ça nous a coûté cher.

Après Anderlecht-Standard, l’émissaire de Tottenham parlait plus de Runje, Van Buyten et Mornar que de Koller et Baseggio pour qui il était venu : qu’en pensez-vous?

J’en déduis qu’on a livré un bon match et qu’il n’est pas normal avec ce noyau de naviguer aussi loin d’Anderlecht et de Bruges. Il y a trois mois, le scout anglais serait rentré chez lui avec cinq noms anderlechtois dans sa tête et aucun du Standard. Même si Anderlecht est fatigué au terme de cette longue saison, ça prouve tout de même que nous sommes en progrès mais la récolte de points ne reflète pas cette évolution. Nous devons être plus compétiteurs et placer la gagne au centre du débat. Il faut plus rentabiliser tout ce que nous faisons sur le terrain. Comme on n’y parvient pas toujours pour le moment, cela peut expliquer des hésitations. C’est peut-être pour cela que nous avons eu peur de nous faire plaisir contre les Lierrois. A part cela, la hausse de régime me semble nette…

Je reviens à une question chronique en ce qui vous concerne : quelle est votre place préférée?

Le plus près possible de la zone de percussion mais c’est vaste comme domaine : au centre, en retrait, à droite, à gauche. C’est au coach de décider.

Très diplomate…

Non, réaliste.

Le Standard est-il toujours une étape menant à l’étranger comme vous l’aviez déclaré en revenant de Schalke?

L’Europe, c’est cela mon seul souci. J’avais connu cela avec le Standard. Je me souviens d’un match assez fabuleux contre Auxerre. C’est cela que j’ai envie de revivre. Après, on verra mais je ne suis pas mécontent d’avoir joué à Genoa et Schalke. On dit parfois que le palmarès doit être au centre de tout. Exact mais il y a aussi l’aspect financier. Une carrière doit être rentable. A 35 ans, il faut avoir des économies.

Le footballeur professionnel pense-t-il uniquement à l’argent?

Je ne crois pas, il y a d’abord le plaisir du jeu mais les carrières sportives me semblent plus courtes qu’avant. Il est assez logique de songer à son avenir et à celui de sa famille. Le mien a la couleur du Standard. Je ne dis pas que ce sera éternel, je n’en sais rien, mais c’est comme cela pour le moment. Et cela me plaît même si ce n’est pas évident tout le temps.

Michel Preud’homme a dit que ce groupe sera renforcé mais sans chambardement : votre avis?

Tout recommencer à chaque fois ne sert à rien car on perd du temps. Ce groupe arrive à maturité. En changeant quelques petits détails, cela devrait nous permettre de franchir une étape supplémentaire.

Vous avez un meneur de jeu mais il vous manque un patron : Marc Wilmots?

Je le connais. Humainement, sportivement, c’est un exemple. On en parle dans les journaux mais je ne connais pas ses intentions et il a encore deux ans de contrat à Bordeaux. En tout cas sur le plan de la volonté et du mental, on ne fait pas beaucoup mieux en Europe. Avec lui, on ne doute jamais de rien. C’est peut-être ce dont nous avons besoin pour grandir…

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Pierre Bilic

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