En attendant Mbo

Histoire d’un transfert qui est signé mais qui ne se finalise toujours pas.

Il était prévu que Mbo Mpenza donne le coup d’envoi du derby entre Mouscron et La Louvière. Mais à sa place, c’est Lorenzo Staelens, flanqué d’une candidate régionale à l’élection de Miss Belgique, qui s’acquitte de cette tâche sous un vilain petit crachin. Mbo a préféré demeurer chez lui. A ruminer sans doute. A réfléchir probablement. Quoi qu’il en soit, il ne souhaite pas répondre aux questions que tout le monde se pose. Viendra, viendra pas?

Excepté nouveau renversement de situation toujours possible, quoi que peu probable, « viendra » représente la bonne réponse. Par contre à l’interrogation « quand », il est nettement plus compliqué de répondre. Tout va désormais dépendre de la FIFA. La coupole mondiale du foot devra trancher dans le vif. Le dossier nous a déjà valu des épisodes à rebondissement.

Sujet basique. En principe. Mbo Mpenza, contractuellement lié au Galatasaray, ne peut quitter ce club librement. Raison pour laquelle lors du week-end du 17 novembre, Mouscron se fend d’un communiqué on ne peut plus explicite. Résumé: Jean-Pierre Detremmerie refuse de trop se mouiller. Le président écrit: « Nous nous trouvons en attente d’une solution intervenant entre Galatasaray et son joueur ». Confirmation de la part de Hugo Broos: « Que pouvons-nous faire? S’aligner sur les chiffres pratiqués à Istanbul? Impossible! Faut même pas y songer. Seul Mbo détient la solution ».

Quelle solution? Le contexte est un peu particulier, les ramifications multiples, les causes éloignées et les effets secondaires. Rappel chronologique.

Août 2001: Jardel déclenche le problème

Mbo s’amuse beaucoup au Portugal. Il vante l’hospitalité locale et la qualité des services offerts par le Sporting Lisbonne. Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes si l’épanouissement sportif suivait. Tel n’est pas le cas. L’ancien joueur du Standard ne joue pas, ou si peu. Depuis plusieurs semaines, il fait part de ses états d’âmes à Luciano D’Onofrio. Jamais retardataire d’une guerre, ni en panne d’idée, le maître ès transferts du Standard entrevoit un montage alléchant. Le Sporting veut ramener Jardel en Lusitanie. Donc, il « suffit » de constituer le paquet pouvant servir de monnaie d’échange. Car évidemment, le Sporting entend nullement lâcher plus d’un milliard de francs pour l’acquisition du pistolero brésilien. Trois éléments appartenant à « l’écurie D’Onofrio  » feront l’affaire. Cette vieille connaissance de Robert Spehar, Mbo Mpenza et Pavel Horvat.

A propos du Tchèque, premier époux de la sculpturale Hedvika Köller, son transfert s’est concrétisé à partir du Standard, où il a forcément transité de manière purement officielle, et non du Sparta de Prague! Détail révélateur de la façon dont se traitent les affaires du ballon rond. Ceux qui se demandent ce que Vlcek est venu faire à Sclessin connaissent à présent la réponse. Il fallait acheter une paire d’internationaux, sinon rien. Derechef, on retrouve ici la règle du « paquet ».

Septembre 2001: Lucescu n’a pas besoin de lui

Accostant sur les rives du Bosphore, Mbo réalise une croustillante opération. Une clause de libération phénoménale exigible par le Sporting (plusieurs centaines de millions), a même servi les intérêts des deux parties. Ce montant exorbitant donnait du poids au troc tandis que le joueur voyait s’envoler un authentique fardeau. Le coeur léger, Mbo signe à Istanbul le premier septembre. Ses émoluments sont largement supérieurs aux précédents. Cependant, sans le savoir, il vient de s’immerger dans ce que nous pouvons surnommer « la nébuleuse Jardel ».

Gros problème: l’entraîneur Mircea Lucescu, l’homme qui parapha un bail au Standard avant de se rétracter, subit l’intégration, au sein de son effectif, d’un trio dont il n’a qu’une utilité relative. Le Roumain ne s’en cache d’ailleurs pas.

Mpenza: « L’entraîneur m’a signifié peu après mon arrivée que je n’avais pas la moindre chance d’obtenir du crédit en tant qu’attaquant. Je lui ai dit que je pouvais aussi évoluer dans l’entrejeu. A droite. Au cours de deux rencontres amicales, Lucescu m’a aligné à ce poste. Sans plus de succès ».

Mais une idée germe: partir! Immédiatement, quelques clubs anglais manifestent de la curiosité. Mbo ne saute pas de joie. « Il s’est rendu compte qu’un troisième échec d’affilée aurait des répercussions catastrophiques sur son avenir », dit Laurent Denis, l’avocat des deux frères. « Un retour sur le sol natal figurait par contre dans ses plans ».

Comme une traînée de poudre, l’information se répand. Le 28 septembre, son passage à Mouscron paraît prendre forme, même si Mbo soutient à l’époque: « Ce n’est pas à l’ordre du jour ». Prévoyant, il précise toutefois: « Au Canonnier, j’aurais l’avantage de respirer un air familier ».

Puis la perspective, devenue réalité, de voir la Belgique se qualifier pour la Coupe du Monde le travaille. Bien introduit un temps au sein du noyau, le turbo ne coiffe plus la moindre sélection depuis le 2 septembre 2000, quand il participe à la rencontre opposant nos Diables à la Croatie, doublant son frangin à la 75e minute. Mais reconquérir les faveurs de Robert Waseige implique une présence régulière en compétition. Aussi bien au Sporting du Portugal qu’à Galatasaray, semblable condition s’avéra loin d’être satisfaite. Il y a urgence.

Octobre 2001: Galatasaray ne paye rien

Aux soucis inhérents à la vie d’un footballeur confronté à la concurrence, l’aîné du clan nourrit de sérieuses inquiétudes. Pas le moindre franc de salaire n’atterrit sur son compte bancaire. Tracassé, oui. Pas vraiment surpris. Galatasaray affiche un découvert culminant à 40 millions de dollars! Quasiment un milliard et de demi de nos francs. « Tout devrait s’arranger », promettent les dirigeants turcs. A ce jour, aucune rentrée susceptible de combler le gouffre n’apparaît.

« Par mesure de prudence, nous avions rédigé un protocole », apprend Maître Denis. « Il stipulait noir sur blanc qu’un retard de 50 jours dans les paiements offrirait automatiquement la liberté à l’employé privé de son salaire ».

Encore faut-il que Galatasaray obtempère. Naïf de songer que l’ex-vainqueur de la Coupe de l’UEFA regardera s’évaporer sans broncher le capital acquis en compensation du départ de Jardel. Fort d’une sécurité identique à celle dont jouit Mpenza, Robert Spehar n’hésite pas. Il introduit le dossier à la FIFA. Le procès est inévitable. Tant pis si le jugement requiert une période d’inactivité.

« Le cas présenté par Spehar n’a rien de comparable. Robert a 31 ans. Son avenir matériel est largement assuré. Il peut se permettre d’attendre. Mais pas Mbo », argumente alors Laurent Denis. Pour l’avocat débute un travail de fourmi. A diverses reprises, il se rend au pied de la Mosquée Bleue, tentant de trouver l’arrangement intelligent, privilégiant le dialogue à l’épreuve de force.

Denis: « Nos adversaires gagnent du temps. Ils demandent la traduction anglaise de la convention. Ils invoquent une autre fois des prétextes fallacieux ».

Par ailleurs, Mbo avance. Ses deux anciens clubs, Mouscron et le Standard voient sa venue possible d’un oeil favorable.

Novembre 2001: le Standard est vexé

Le 8 novembre, un pas supplémentaire s’effectue. Le Standard pourrait ré-accueillir l’homme aux tresses. Alphonse Costantin espère le marché conclu lorsque Mbo Mpenza et Laurent Denis quittent le bureau directorial.

« Nous nous étions enquis de sa situation lors de l’intersaison », rappelle Costantin. « Mais vu la proposition émanant de Turquie, la transaction devenait impossible. Ensuite, un nouveau contact s’établit. Très vite, nous fûmes amenés à proposer un engagement courant sur 4 ans. Dont le cachet global se voulait supérieur à ce que le joueur avait perçu chez nous lors de sa période initiale. Mbo m’a fait part de la sollicitude dont il faisait l’objet de la part de Mouscron. Me précisant aussitôt que sa préférence allait au Standard. Très bien. Le lendemain ou le surlendemain, j’apprends par la presse, preuve photographique à l’appui qu’il se présente à l’Excelsior. En accord avec Luciano D’Onofrio, nous avons décidé de clôturer le dossier aussitôt. Le Standard n’a plus besoin de Mbo Mpenza! »

A cela, Laurent Denis rétorque: « L’offre mouscronnoise se veut simplement supérieure. Davantage intéressante. Deux autres facteurs interviennent. Un, la perspective sportive, se dessine davantage motivante au Canonnier où un collectif l’attend avec chaleur. Deux, mon client nourrit une sorte de nostalgie vis-à-vis de l’Excel. Le fait que sa femme provienne de la région en entretient l’attrait ».

Les parties concernées tournent autour du pot. Mais il est clair que Mbo Mpenza a signé un contrat de quatre ans et demi en faveur de l’Excel. Avec en prolongement la fin d’une affaire en charge de la justice depuis plusieurs années. Partis sur base d’un transfert C au Standard, les frères faisaient l’objet d’une demande d’indemnisation de la part de Mouscron. Le retrait de cette plainte incriminant non seulement Mbo mais aussi Emile figure en place de choix au coeur de la convention passée entre le club et le joueur.

Décembre 2001: Mbo à Mouscron?

Le jeudi 22 novembre, lassé de subir des palabres sans fin, Laurent Denis lance un ultimatum à Galatasaray. 48 heures, pas une de plus, pour offrir le papier de sortie. Passée cette date, la FIFA arbitrera le contentieux. Les Turcs tentent une dernière contre-attaque le samedi 24 sous la forme d’une somme de transfert de 25 millions.

Elle est raisonnable dans l’absolu, mais indécente vu les circonstances. Refus catégorique, alors que le Canonnier se remplit doucement pour offrir l’hospitalité à La Louvière. Laurent Denis: « Nous portons plainte auprès des instances responsables. Dès lundi, je conseillerai à Hugo Broos d’envoyer la demande d’affiliation. Compte-tenu du contexte, la FIFA devrait prendre une décision rapide, allant dans notre sens ».

C’est quasi-certain: Mbo portera le maillot des Hurlus dans peu de temps. Avant ou après la trêve? C’est dur d’émettre un pronostic. Evidemment, le plus tôt sera le mieux. Malgré sa cinquième victoire acquise sur la pelouse, Mouscron n’en a pas pour autant résolu ses problèmes. Il a peiné face à des Loups frileux et timorés.

« Qui en Belgique n’aurait pas envie d’aligner Mbo? », interroge Hugo Broos. « Oui, nous avons besoin de sa vitesse, de son explosivité ».

L’Excel, organisé et studieux, fait songer à un diesel. Le jeu est monocorde, rigoureux. Une imagination mâtinée de vivacité lui fait cruellement défaut. Si le kop, planté derrière un but met un point d’honneur à encourager les siens 90 minutes durant, l’ensemble du stade s’engourdit par contre. Loin, le temps où les gradins bouillonnaient.

« Nous manquons de panache », avoue Broos. « Mbo nous en apportera, même si je suis persuadé que l’allant suit l’accumulation de résultats positifs. Les joueurs ont peur. Vous avez vu, même à 2-0, ils se cantonnaient dans l’attente. Paralysés par la crainte de mal faire ».

Daniel Renard

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