Pierre Bilic

Les Mauves ont retrouvé le chemin des filets face aux Loups et ont gagné pour Jean Dockx…

Cette minute de silence-là, personne ne l’oubliera: Jean Dockx méritait ce recueillement tout à fait impressionnant que rien ne déchira. Hommage de la famille mauve, respect identique dans le chef des supporters louviérois.

Tout le football belge, en fait, était à côté des joueurs déployés autour du rond central. Puis, le foot a progressivement repris ses droits: Jean Dockx aurait apprécié cet hommage tellement beau dans sa simplicité.

« Je ne l’ai guère connu mais l’annonce de sa disparition a ébranlé tout le club », raconte Manu Pirard. « Je suis revenu à Anderlecht, après mon opération aux adducteurs, au lendemain de sa mort. J’ai vu toute l’émotion de Pierre Leroy, notre délégué, des anciens du groupe qui avaient les mêmes mots aux lèvres: -Brave homme. J’ai lu son palmarès. C’était aussi un grand joueur ».

Manu Pirard était très intéressé par le film d’Anderlecht-La Louvière. Les Bruxellois ne pouvaient pas perdre une seule miette sous peine d’être écartés du festin de fin de saison. A Deurne, huit jours plus tôt, ils furent privés de dessert par Patrick Goots. Cela leur était resté sur l’estomac. Dès lors, Aimé Anthuenis opta cette fois pour un 3-4-3 face aux Loups. La première mi-temps ne fut pas de grande qualité. Les Mauves haussèrent le ton après la pause et les gars d’ Ariel Jacobs furent incapables de remettre le couvert comme ce fut, épisodiquement, le cas durant les 45 premières minutes de jeu: 5-2, score logique.

« Je ne crois pas que le coach en restera à ce 3-4-3 », dit Manu Pirard. « Il changera son approche sur le plan tactique en fonction du potentiel adverse. Même si le début de la rencontre ne fut pas emballant, je retiens l’apport de Nenad Jestrovic. C’est le renard des rectangles dont le club avait besoin depuis le début de la saison. Il a le nez fin, devine où il faut se placer pour hériter de bons ballons. Avec lui, l’attaque est mieux équilibrée: Ivica Mornar adore jouer à droite, Gilles De Bilde semble à l’aise de l’autre côté, notre ligne médiane dispose désormais de plusieurs solutions pour ravitailler la finition. Nenad manque encore de rythme, c’est normal. Pourtant, il a ouvert la marque et placé une balle sur la barre. C’est prometteur pour la suite des événements. Jestrovic respire la confiance. Il n’a jamais douté, je crois, de ses qualités. Son apport sera intéressant dans les duels du deuxième tour ».

Le calme et la simplicité d’Hasi

Walter Baseggio et Yves Vanderhaeghe ont retrouvé la complémentarité qui les aida tant la saison passée.

« Je ne crois pas que les problèmes d’allumage ont étonné le staff technique », lance Manu Pirard. « Il ne faut pas oublier que cette équipe a été un vrai chantier après le départ de joueurs importants: Jan Koller, Tomasz Radzinski, Bart Goor et Didier Dheedene. Sans une fameuse cascade de blessures, dont surtout celle de Jestrovic, la transition vers un autre style de jeu aurait été plus simple. Puis, il ne faudrait pas oublier que nous avions vécu une saison de grâce: tout réussissait à Anderlecht. J’ai même cru durant des mois que nous étions quasiment imbattables. Il faut digérer tout ça et découvrir une nouvelle dynamique quand la machine tousse un peu. Au départ de cette campagne, Anderlecht misait sur quatre joueurs pour sa défense avec Bertrand Crasson, Olivier Doll, Glen De Boeck et Aleksandar Ilic. Or, ce quatuor ne joua quasiment jamais de concert. Pour le moment, je trouve que le dépannage de Besnik Hasi au libero vaut le coup d’oeil. L’Albanais a du métier et il a opté pour le calme et la simplicité. Cela lui a permis, entre autres, de marquer le but du break.

Avant cela, il faut revenir sur le 2-1 signé par Bertrand Crasson. La Louvière venait de marquer par un excellent Nicolas Ouédec. Revenir au vestiaire avec un nul dans les poches, c’était idéal pour les Loups, pas pour Anderlecht. Walter Baseggio a délivré un caviar sur corner. Crasson était là, a marqué comme à Deurne et a bel et bien prouvé que le métier, ça compte. Ce but a été important car le moral des Loups en a forcément pris un gros coup. Le troisième but, celui de Hasi, a achevé le travail. C’était intéressant pour la bande des Mauves qui, pour la première fois depuis longtemps, a pu négocier calmement la seconde mi-temps. Cela lui a permis de fignoler ses mécanismes tactiques. La lutte pour le titre concerne de près cinq équipes. A mon avis, Gand lâchera prise le premier mais je retiens la progression de ce club. La lutte sera féroce jusqu’au bout entre les quatre autres clubs ».

Gaone, le Nicollin du Tivoli

Manu Pirard n’oublie pas qu’il porta la tunique des Loups.

« Ce genre de club assume un rôle de révélateur en D1 », dit-il. « Ce fut ma rampe de lancement et ce sera la même chose pour Proto et d’autres. Silvio avait été cité en Italie et à Anderlecht. Il a bien fait de rester au Tivoli car il y a la possibilité de jouer en D1, à son âge, et d’apprendre son métier de portier. Une D1 à 14 compliquera l’éclosion des jeunes: ils auront moins de débouchés ».

Qui dit La Louvière, dit Filippo Gaone, le Louis Nicollin du Tivoli. « C’est un personnage hors norme », affirme Pirard. « Il ne partagera jamais le pouvoir au Tivoli. On le suit ou on part. Jean-Claude Verbist a claqué la porte, d’autres dirigeants aussi. Gaone a mis la main au portefeuille pour relancer son club. Il a réussi dans les affaires, est devenu le plus gros vendeur de jeans de Belgique après avoir été garçon de café. Dès lors, il dirige son club comme ses affaires. Cela ne plaît pas à tout le monde, on aime ou on m’aime pas mais les Loups sont en D1. C’est un club où, finalement, la polémique fait partie du paysage. Le foot y est si important, dans un contexte économique difficile, que tout le monde en parle. C’est latin et explosif. La bande des copains de la montée en D1 n’existe presque plus. La Louvière a dû changer afin d’avoir une chance de survivre dans la jungle du professionnalisme. Ce sont des mutations de groupe très profondes. La Louvière doit encore franchir ce cap. J’ai apprécié le but de Nicolas Ouédec, dont la classe saute aux yeux, mais aussi le coup de tête victorieux de Frédéric Tilmant. S’il n’en reste qu’un, Loup dans l’âme et le coeur, Fred sera celui-là ».

La Louvière se bat pour sa peau.

« Je suis un peu chagriné par le renoncement hennuyer après le but d’Hasi », conclut Manu Pirard. « On ne se sauve pas à Anderlecht mais on peut y montrer les dents. La Louvière ne l’a pas fait après le repos. Les Loups devront lutter jusqu’à la dernière seconde de ce championnat. Nicolas Ouédec et Claude Rivenet leur apportent un gros acquis technique mais je retiens aussi le potentiel des absents comme Manu Karagiannis, suspendu à Anderlecht. Yves Buelinckx peut planter des buts décisifs. Benoît Thans a joué quelques minutes: il sera utile. Si la poisse les épargne, les Loups peuvent rester en D1. Mais ce ne sera pas facile ».

Pierre Bilic

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