© BELGAIMAGE

Emma Meesseman, tout simplement: Comment la basketteuse a atteint le sommet de l’Amérique en restant modeste

Ce vendredi 6 mai, Emma Meesseman (28 ans) entame une nouvelle saison en WNBA, au Chicago Sky cette fois. La basketteuse yproise revient à la compétition qui lui a permis de se développer humainement et sportivement depuis 2013. Malgré son succès, elle n’a rien perdu de son réalisme ni de sa modestie au fil des années. Portrait.

Mi-février, quand on a appris qu’ Emma Meesseman allait quitter Washington pour Chicago, lors de la nouvelle saison de WNBA, Blake DuDonis, un ancien scout des Mystics, marié à Carly, la fille de l’entraîneur principal Mike Thibault, a divulgué une anecdote sur Twitter. Nous sommes lors de la soirée suivant la victoire décisive en 2019. Washington a enlevé le titre et Meesseman a été élue Finals MVP.

Emma Meessman veut qu’on se souvienne de la femme normale, humaine, bien plus que de la grande joueuse de basket.

« En se dirigeant vers la salle des fêtes, Emma m’a brusquement saisi le bras. Je lui ai dit: – I’m so happy for you! Elle a souri puis a enchaîné sur mon nouvel emploi. – Félicitations, parle-moi donc de ton équipe. (DuDonis avait obtenu le poste d’entraîneur de l’université du Wisconsin-Rivers quelques semaines plus tôt, ndlr.) Emma venait de remporter son premier titre WNBA, elle avait été élue MVP, mais elle voulait parler de moi. J’ai tenté d’infléchir la conversation mais elle n’a cessé de me demander des précisions. Elle est ainsi faite. C’est une femme fantastique, qui s’intéresse vraiment aux autres. Je suis extrêmement heureux que nos chemins se soient croisés. Emma, merci pour tout. Merci d’être aussi authentiquement toi-même. »

L’anecdote en dit long sur la modestie de la joueuse. Elle insiste souvent sur cet aspect. Ainsi, en septembre dernier, dans la vidéo de promotion de son sponsor, Nike, elle parlait de ses racines, soulignant qu’elle resterait toujours  » Emma from Ypres« . C’est ce dont elle est la plus fière, bien plus encore que de ses prestations sportives. « Ici, les gens connaissent mon véritable moi. Pas l’Emma qui évolue en Russie ou aux USA. Pas Emma la MVP. Pour eux, je suis tout simplement Emma. Je serais honteuse si quelqu’un disait que je me comporte en vedette au gros cou. Je détesterais ça! J’ai toujours voulu éviter ça. »

Ses parents lui ont inculqué cette mentalité au biberon: il faut rester normal tout en essayant d’exploiter au mieux ses capacités mais, si on réussit, il ne faut pas sombrer dans l’ostentation. En 2013 déjà, à vingt ans, Emma déclarait, alors qu’elle était encore méconnue: « Si je venais à planer, je suis certaine que mes parents s’empresseraient de me remettre les pieds sur terre. »

Quel compliment apprécierait-elle le plus? Le fait qu’elle n’a pas changé d’un pouce depuis qu’elle a quitté les Blue Cats Ypres, en 2012, pour son premier club étranger, Villeneuve-d’Ascq. C’est même le seul compliment qui lui plaît vraiment, car elle est mal à l’aise quand on vante trop ses qualités sportives. Comme en 2016, quand TheWall Street Journal l’avait comparée au célèbre Stephen Curry. Meesseman jugeait la comparaison excessive, ne voulait absolument pas être mise sur le même pied que la star des Golden State Warriors et n’avait d’ailleurs pas posté l’article sur ses réseaux sociaux.

Emma sous le maillot des Mystics en 2013, face à Chicago Sky, son équipe actuelle.
Emma sous le maillot des Mystics en 2013, face à Chicago Sky, son équipe actuelle.© GETTY

En 2020, elle a confié au Krant van West-Vlaanderen qu’elle souhaitait que plus tard, on se souvienne d’elle comme d’une femme normale, humaine plutôt que comme d’une grande joueuse de basket. D’une personne qui éprouvait plus de bonheur en donnant qu’en recevant. Par exemple, Emma Meesseman a envoyé une carte au lycée d’Ypres, pour le remercier de la formation dont elle y a bénéficié pendant son adolescence. Elle prend part avec plaisir aux initiatives que prennent les Belgian Cats en matière d’égalité et d’inspiration pour les jeunes. Malgré toute sa modestie, elle veut également être un exemple pour les enfants malentendants, puisqu’elle-même porte deux appareils auditifs depuis sa tendre enfance. Elle veut leur montrer que ce handicap ne constitue pas un problème insurmontable dans la vie et qu’il n’empêche pas de réaliser ses rêves.

Loin des feux de la rampe

La basketteuse aime endosser ce rôle parce qu’il lui permet ainsi d’aider les autres, mais elle a quand même dû s’habituer à son statut d’idole. Sa mère Sonja a raconté une anecdote éloquente au quotidien De Morgen en 2012. Elle se rendait à la boucherie en voiture, accompagnée d’Emma, quand le téléphone a sonné: Emma était élue Espoir européen de l’année. C’était formidable, mais Emma a interdit à sa mère d’en toucher mot au boucher. Car « Emma n’aime pas les feux de la rampe. »

À l’époque, sa fille rougissait chaque fois qu’on lui demandait un autographe. Elle n’en refuse aucun, surtout pas quand il s’agit d’enfants. Et bien qu’elle n’aime pas parler d’elle-même, elle essaie également de répondre positivement à toutes les demandes d’interview car elle sait qu’en se confiant, elle peut inspirer les jeunes et accroître l’intérêt des gens pour le basket féminin.

La Flandrienne aborde donc souvent des thèmes sociétaux, dans ses interviewes comme sur les réseaux sociaux. À sa manière puisqu’elle est introvertie. On ne la verra jamais prendre la parole devant un large public comme son ancienne coéquipière des Mystics, Natasha Cloud, l’a fait pendant les manifestations Black Lives Matter. Quand son statut de sportive de haut niveau la contraint à s’exprimer devant un groupe de personnes, elle n’a qu’une hâte: que ça se termine.

La géante de 1m92 a toujours été timide. Elle l’avoue: quand, à 17 ans, elle s’est entraînée pour la première fois avec les Belgian Cats et leur figure de proue, Ann Wauters, elle aurait voulu disparaître sous le parquet quand celle-ci lui a adressé la parole. Pendant l’entraînement, elle s’est retenue dans un duel avec Wauters et lui a même demandé pardon en la bloquant. Car on lui a inculqué le respect des aînés, qu’il s’agisse de ses coéquipières, des coaches ou des arbitres. Jamais Emma Meesseman n’est entrée en conflit avec un coach durant sa jeunesse, jamais elle n’a été avertie pour avoir protesté contre une décision.

Meneuse

L’Yproise a dû surmonter sa timidité afin de devenir une meneuse, sur le terrain comme en dehors. Ces dernières années, en équipe nationale, elle a laissé Ann Wauters s’adresser au groupe pour ne donner l’exemple que sur le parquet. Aux Washington Mystics aussi, elle était l’introvertie du groupe. D’ailleurs, durant les WNBA Finals de 2019, son armoire, dans le vestiaire, s’ornait d’une photo d’elle en compagnie de son amie et coéquipière LaToya Sanders, tout aussi réservée qu’elle.

Dès sa deuxième saison aux Mystics, en 2014, une des stars de l’équipe, Stefanie Dolson, l’a chapeautée: « Emma, si tu veux devenir une meneuse, tu dois être plus bruyante. » Elle a demandé à sa coéquipière de crier le plus fort possible. Ce n’était pas encore assez fort et Emma Meesseman est devenue rouge comme une tomate. Stefanie Dolson l’a donc emmenée derrière la tribune et ne lui a permis de s’en aller qu’après avoir crié si fort que toute l’équipe ait pu l’entendre. Elle s’est exécutée, mais sans se départir de sa timidité. Elle n’a compris que bien plus tard pourquoi Stefanie Dolson l’avait malmenée: au sein d’une équipe, il est important de communiquer, de s’imposer, de se fâcher même quand c’est nécessaire. Au Spartak Moscou, de 2014 à 2016, elle a dû grandir dans ce rôle afin d’entraîner dans son sillage ses jeunes coéquipières.

Depuis les adieux d’Ann Wauters à l’issue des Jeux Olympiques, Emma Meesseman remplit ce rôle en équipe nationale. Le nouveau sélectionneur, ValéryDemory, l’a félicitée pour ses consignes et encouragements, verbaux et non-verbaux, durant le dernier tournoi de qualification pour la Coupe du monde. Elle est désormais sa joueuse la plus expérimentée et elle s’est parfaitement glissée dans ce rôle pour mettre à l’aise des jeunes comme Maxuella Lisowa Mbaka et Ine Joris. « Ne stresse pas, tu en es capable! » Elle s’adresse aux autres entre quatre yeux et elle évite de commander toute l’équipe. Elle montre aussi l’exemple en restant parfaitement concentrée et calme durant les moments les plus stressants. Elle affirme d’ailleurs n’avoir jamais été nerveuse, à une seule exception: la nuit précédant le match décisif des WNBA Finals.

La Belgian Cat a dû surmonter sa timidité afin de devenir une meneuse, sur le terrain comme en dehors.

Le trophée MVP? Un serre-livre

Emma Meesseman place toujours les intérêts de l’équipe avant les siens, quel que soit son rôle. Sa mère Sonja et son père Gil ont également insisté sur cet aspect dès qu’elle a effectué ses débuts en basket, au Racing Ypres. Jamais ils n’ont compté le nombre de points et de rebonds de leur fille, aussi nombreux aient-ils été. Ils ont ainsi évité qu’elle attache trop d’importance à son succès personnel.

Cet altruisme ressort de toutes ses interviewes. Emma Meesseman souligne toujours que les trophées individuels ne sont guère plus que de chouettes compliments. Le trophée de MVP qu’elle a obtenu durant les Finals WNBA n’est qu’un serre-livre sur son armoire. D’ailleurs, après son retour à la maison, elle l’a laissé dans son emballage pendant deux semaines. Elle a même précisé qu’elle troquerait volontiers toutes ses distinctions individuelles contre une médaille d’or avec les Belgian Cats, à l’EURO ou au Mondial. En 2020, elle s’est moins réjouie de son titre de Sportive belge de l’Année que de l’élection des Cats au rang d’équipe de l’année.

Quelques mois plus tôt, elle avait vu confirmée l’importance de l’équipe dans The Last Dance, la série Netflix consacrée aux Chicago Bulls de Michael Jordan. Il s’était progressivement rendu compte qu’il avait besoin de ses coéquipiers pour s’adjuger des titres NBA. La série avait été diffusée durant le premier confinement. Pour la première fois depuis des années, Emma Meesseman avait passé des semaines à la maison à Ypres, et si une chose lui manquait, c’était la présence de ses coéquipières, leur confiance et l’alchimie du groupe.

Emma Meesseman durant le premier match des play-offs WNBA 2019.
Emma Meesseman durant le premier match des play-offs WNBA 2019.© BELGAIMAGE

Les propos qu’a tenus Emma Meesseman dans une séquence diffusée sur les réseaux sociaux de l’Euroleague, l’année dernière, sont tout aussi éloquents. Elle y exprime son amour de cette compétition, parce que le jeu d’équipe y est crucial, bien plus qu’en WNBA. « C’est l’illustration du basket qu’une jeune fille veut parvenir à développer. Sans esprit collectif, même les plus grands talents n’obtiennent pas de résultat. L’exécution parfaite d’un play? Pas de dribble, seulement des passes, conclues par un simple lay-up ou un trois-points. »

Le jeu collectif est la seule recette, selon elle. La douceur de sa personnalité ne l’empêche pas d’être motivée, ambitieuse, sans toutefois se préoccuper de son palmarès et de ses lacunes. Non, ce qui compte à ses yeux, c’est la rage de vaincre avec laquelle il faut entamer chaque saison, chaque tournoi, chaque match. Elle est prête à tous les efforts, tous les sacrifices. Elle a donc été fascinée par Dennis Rodman, un des bras droits de Jordan aux Bulls, en regardant The Last Dance. Un noceur en dehors du parquet, mais un battant en match. Emma Meesseman a découvert cette rage de vaincre en 2016 et en 2017, à l’UMMC Ekaterinbourg, en jouant avec l’icône américaine Diana Taurasi. Elle tente maintenant d’inculquer cette mentalité en équipe nationale, à sa manière: modeste.

Mauvaise perdante

Deux choses peuvent mettre Emma Meesseman de mauvaise humeur: devoir se lever tôt et… perdre. « Dans ce cas-là, mieux vaut me laisser tranquille. Mon entourage a tout intérêt à ce que je gagne », a-t-elle reconnu en 2020 dans le Krant van West-Vlaanderen, en ajoutant qu’elle ne supportait même pas de perdre un jeu de société, surtout quand on la charrie à ce propos, comme son frère Thijs. Elle a donc très mal vécu l’échec des Cats à Tokyo, ne pouvant supporter d’avoir loupé de si peu une médaille olympique. De retour chez elle, pendant deux semaines, elle n’a rien fait, si ce n’est ruminer dans son fauteuil. Elle n’a retrouvé le plaisir de jouer qu’au bout d’un mois et est alors retournée, en retard, à Ekaterinbourg.

L’internationale belge est perfectionniste, toujours motivée. Ces qualités lui ont également été inculquées par ses parents. Elle les possédait déjà en équipes d’âge du Racing et des Blue Cats Ypres. Elle manquait rarement un entraînement, animée d’un leitmotiv qui s’est accentué au fil des années: « Le jour où tu penses ne plus pouvoir progresser, arrête. » Ce n’est pas un hasard si feu Kobe Bryant est son principal modèle. Comme elle, il a toujours voulu s’améliorer, sportivement et humainement, même au terme de sa carrière.

Comme Bryant, Emma Meesseman s’astreint donc à des séances supplémentaires lors de ses jours de congé. Elle travaille inlassablement ses mouvements et ses tirs. Un jour sans basket? C’est rarissime. Elle ne s’en offre que quand elle est chez elle, à Ypres. Et même, là, son perfectionnisme refait surface dans les moindres tâches. Pendant le premier confinement, elle a repeint le garage, avec sa mère. À plusieurs reprises, elle a insisté pour que celle-ci repasse un coup de peinture sur une ombre. Durant cette période, elle a été privée de basket, mais elle l’a quand même pleinement savourée. Enfin, elle a pu se consacrer aux choses simples de la vie et être à nouveau  » Emma from Ypres ».

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire