« Emilio est comme Sollied »

Pierre Bilic

L’ancien Buffalo a relevé le gant de l’ambition en venant à Molenbeek.

De petites lunettes soulignent la profondeur du regard de cet homme qui a été capable de se battre, de se remettre en question, d’imposer une image de marque de grand professionnel. Il a quitté Gand avec la fierté d’avoir participé activement à la relance de ce club: « Il ne sera jamais question de revanche dans mes propos à l’égard de mon ancien club. Patrick Remy ne comptait plus sur moi et il me l’avait dit à la fin de la précédente saison. Dans la ligne médiane, le coach français a donné la priorité à Matthieu Verschuere tandis que Nenad Vanic s’est imposé au poste d’arrière central. Il n’y avait plus de perspectives d’avenir pour moi à Gand. J’en ai tiré mes conclusions ».

Du jour au lendemain, Edin Ramcic quitte le club de ses débuts en Belgique, alors premier au classement général, pour se retrouver dans les rangs de la lanterne rouge, le RWDM.

« Je mesurais en mon for intérieur que c’était une situation passagère », avance le médian des Coalisés. « J’avais eu une longue conversation avec Emilio Ferrera qui venait de reprendre le club. Son discours était clair et direct. Cela me plaisait. Le RWDM avait tout juste engagé Jimmy Smet et Mike Origi. Autrement dit: le désir de se battre et de rester en D1 était fortement ancré dans les ambitions. J’ai immédiatement senti que le coach et le club me voulaient. Après le premier entraînement, je me suis rendu compte que le RWDM avait un bon groupe sous la main. Je ne dis pas qu’on trouve des stars chez nous. Mieux vaut tout de même avoir un bon collectif sans vedettes que des noms et pas d’esprit d’équipe. Après deux mois sous la direction d’Emilio Ferrera, le RWDM voit déjà la vie autrement. Notre souhait est de vivre une saison tranquille, loin du stress de la lutte pour le maintien, afin d’entrer plus tard dans des cycles de progrès ».

Boskamp lance Gand

Polyvalent, Edin Ramcic a offert son métier à une équipe sans gros vécu en D1. Avec Kris Temmerman, il s’occupe de récupération au coeur de la ligne médiane, derrière Lambert Smid. Ce triangle soutient comme il peut les trois attaquants: Bernard Allou, Alexandre Kolotilko et Mike Origi. Son calme est un atout quand cela chauffe. Ramcic est alors un refuge pour les jeunes, le phare qui reste allumé quand les vents mauvais secouent le RWDM comme les îles situées près du Cap Horn. Le vieux marin garde toujours le cap: « Je crois que c’est pour mon métier et ma stabilité qu’on m’a engagé. Je veux justifier cette confiance qui a été placée en moi ».

En huit ans de présence sur nos pelouses, Edin Ramcic a bossé avec quelques caïds de la corporation des entraîneurs: Walter Meeuws, Lei Clijsters, Johan Boskamp, Trond Sollied, Patrick Remy et Emilio Ferrera.

« Quand je suis arrivé à Gand, Meeuws m’a oublié après un mauvais match », commente-t-il. « Or, je devais m’adapter à un autre style de jeu où la dépense physique est énorme. Pas question à l’époque pour un arrière central de lâcher son homme. Gand avait un problème: le club avait engagé des noms mais l’équipe n’était pas bien balancée. Puis avec Clijsters, je n’ai pas joué durant six mois avant d’émerger après avoir ajouté une autre dimension athlétique à mon jeu. J’étais enfin adapté au style de jeu du football belge. J’avais été critiqué, je sais, mais je n’ai jamais perdu confiance. Johan Boskamp provoqua le déclic. Pas seulement pour moi. Le Hollandais a tout bien redéfini à Gand. Il est venu avec des joueurs qu’il connaissait, surtout des jeunes. Rien que des promesses pleines d’avenir. Le club se professionnalisait en profondeur.

Il y a eu des changements sur le terrain. Boskamp avait l’expérience de grands clubs et il nous plaça de façon plus moderne sur la pelouse: ainsi, la défense gantoise joua à quatre en ligne. Je me sentais comme un poisson dans l’eau car nous jouions de façon plus avancée. A cette époque, Gand a eu de gros problèmes financiers. Quelques jeunes gars recrutés ou lancés par le Bos furent cédés en Angleterre ( Laurent Delorge, Cédric Roussel, etc.). Plus tard, les étrangers ( Ole-Martin Aarst, Ivica Dragutinovic, Ahmed Hossam) rapportèrent des fortunes à Gand. Ils sont sauvé ce club. Johan Boskamp lança ce mouvement en même temps que ses idées tactiques. Il ne m’appartient pas de juger la dispute qui l’opposa ensuite à la direction flandrienne ».

Sollied fait la différence

La Gantoise déniche alors un entraîneur norvégien qui fera son chemin chez nous: Trond Sollied. Le coach venu du Grand Nord observe le groupe durant deux semaines, prend des notes puis établit son plan de bataille. Trond Sollied reprend la défense de Johan Boskamp et automatise à fond son 4-3-3, avec un triangle renversé vers le haut dans la ligne médiane, un attaquant de pointe, deux ailiers, etc.

« Le Norvégien est de loin le meilleur coach de ma carrière », affirme Edin Ramcic. « Il est très ouvert au dialogue mais change difficilement d’avis car il a une vision. Beaucoup d’entraîneurs bricolent car ils n’ont pas de concept tactique. Ils s’adaptent au gré du vent ou des événements et ce n’est pas bon pour les automatismes. Sollied est surtout un coach offensif mais la récupération est bien organisée. Tout le travail de placement est soigné jusque dans les derniers détails. Chaque joueur sait ce qu’il doit faire en toutes circonstances. Les zones sont bien découpées et on les connaît si bien que tout semble finalement très facile. Cela demande un effort de concentration.

Trond Sollied exige une concentration totale à l’entraînement. Le système est primordial et il ne cesse de le dire. Je ne connais pas d’entraîneur désireux d’avoir autant de matches amicaux, et cela surtout contre des équipes étrangères. Pour lui, ce sont des tests face à des cultures tactiques qu’on ne connaît pas bien. Sollied veut que ses joueurs apprennent toujours quelque chose. Les entraînements sont importants mais ne durent jamais plus d’une heure et demi même quand on doit revoir des automatismes.

En dehors du boulot, il sait être proche du groupe et il est assez détendu. Trond Sollied fait confiance aux joueurs quant à leur discipline de vie. Il replace bien le foot dans son contexte: c’est d’abord un jeu. Le Norvégien est toujours calme, ne met jamais la pression sur le groupe. Je me rappelle d’un match important que nous devions disputer à Malines. Gand était dans l’obligation de gagner afin de se qualifier pour la Coupe de l’UEFA. Avant ce choc, il fut désarmant de calme et de simplicité en nous disant: -Il y a trois conclusions possibles: on remporte trois unités, on en garde une ou on perd la totalité de cet enjeu. C’est un jeu, jouez. Nous avons empoché les trois points à Malines ».

La discipline selon Remy

Quand Trond Sollied file en direction du Club Brugeois, les Buffalos dénichent leur nouveau coach en France. Patrick Remy a ses lettres de noblesse et fut, notamment, un artisan du renouveau de Sedan. Gand entend profiter d’un des secrets des qualités gagnantes du football français: la compétence de leurs coaches. Patrick Remy ne jure que par la gagne.

« Lui aussi a une ligne de conduite sur le terrain et il s’y tient », raconte Edin Ramcic. « Sur le plan des résultats, le Français fait aussi bien que Sollied. Mais la manière est un peu différente. Remy insiste plus sur la récupération. Quand on a la balle, elle doit fuser dans le camp adverse. Si on arrive en moins de huit secondes en zone de conclusion, l’autre équipe n’a pas le temps de se réorganiser. C’est évidemment percutant et cela se met aussi au point à l’entraînement. Les séances de travail de Remy sont plus longues que celles de Sollied. Il arrête une phase de jeu, dit ce qui ne va pas mais cela se fait en français et son adjoint doit traduire en anglais ou en néerlandais. Cela prend du temps, les gars n’aiment pas trop car certains doivent rester trop longtemps les bras croisés. Les entraînements durent parfois trois bons quarts d’heure de plus qu’avec Trond Sollied. Ce dernier maniait couramment l’anglais tandis que Patrick Remy est parfois le seul à comprendre son franglais.

Cela dit, et les résultats le prouvent, c’est un grand coach qui sait tirer le maximum de ses troupes. Si Sollied faisait confiance à ses joueurs, Remy surveille tout, veut savoir ce que vous mangez à la maison et combien d’heures vous dormez. Pour lui, tous les détails son importants et le professionnalisme à la française tranche tout de suite par rapport à certains côtés cool de Sollied. C’est un peu pour cela que certains ont eu des problèmes d’adaptation. Remy est très sûr de lui et cela se voit. Les succès du football francais, champion du monde et d’Europe, offrent peut-être à leurs sujets une aura un peu hautaine. Remy profite aussi de ces succès. Il sait que ses méthodes peuvent mener au succès sportif ».

En janvier dernier, Edin Ramcic fut contacté par un club chinois. Il se rendit en Asie mais ne tarda pas à revenir en Belgique. L’arrière ne veut pas prendre part à des essais alors qu’un nouvel entraîneur russe, qui n’a jamais entendu parler du Belgo-Bosniaque, arrive avec des joueurs à lui dans ses valises. Ramcic revient en Belgique. « J’étais parti en Asie avec la bénédiction de Gand et la promesse que je retrouverais tout de suite ma place dans le noyau si l’offre chinoise ne me convenait pas », se souvient-il. « Huit jours plus tard, je rejouais en championnat. J’ai apprécié le respect de la parole donnée par mon ancien club et Patrick Remy ».

Rencontre avec Emilio

Au RWDM, Ramcic a découvert le « golden boy » du foot belge: Emilio Ferrera, qui se distingue aussi par son coaching pointu.

« En fait, Emilio Ferrera a les mêmes idées que Trond Sollied », avance Edin Ramcic. « En gros, il travaille un peu comme lui et mise en priorité sur les qualités de ses joueurs, veut d’abord marquer mais est attentif à la récupération. Il a confiance et communique bien cet état d’esprit à ses joueurs. Il n’a peur de personne. C’est important quand il faut s’extraire au plus vite de la zone dangereuse ».

La semaine passée, Edin Ramcic a été victime d’une collision en chaîne sur l’autoroute de la mer: voiture réduite en compote, lèvre fendue, mal de tête, etc. Rien de dramatique mais il n’a pas pu jouer en Coupe de Belgique à Mouscron. Les Coalisés n’y furent pas à la hauteur et éliminés sans leur médian slave: Edin Ramcic est déjà indispensable au RWDM…

Dia 1

Pierre Bilic

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