En retenant le jeune distributeur ostendais dans sa pré-sélection, Tony Van den Bosch a commencé à bâtir l’équipe nationale de l’avenir.

Il habite la Zegelaan: Avenue de la Victoire. Bel endroit pour un sportif. Et il s’appelle Major, comme la Major League aux Etats-Unis. A 21 ans, il a été retenu pour la première fois dans la sélection nationale de Tony Van den Bosch. Une douce revanche pour un garçon qui, la saison dernière, s’était vu asséner un coup bas dans son propre club. Plutôt que d’exhiber les produits du cru, les décideurs ostendais avaient préféré lui fourrer dans les pattes un pâle Estonien répondant au nom de Rauno Pehka, qui n’a jamais convaincu. « J’ignore qui a pris la décision et je ne veux pas le savoir », rétorque Gerrit Major. « Le fait est qu’à Ostende, seul le rendement compte. Il y a peu de place pour les sentiments ».

Il aurait pu claquer la porte, partir à Wevelgem ou à Estaimpuis comme les frères Van de Keere, pour acquérir du temps de jeu dans un club moins ambitieux. Il a choisi de demeurer à Ostende, parce qu’il souhaitait rester fidèle au club de son coeur mais aussi parce qu’il voulait se donner une nouvelle chance d’évoluer dans une formation de pointe et qu’il a mesuré tout le profit qu’il pourrait tirer d’une apparition hebdomadaire sur les parquets de l’Euroligue. Sa persévérance a été récompensée. Eddy Casteels, réputé pour faire confiance aux jeunes, l’aligne de plus en plus souvent dans le cinq de base à un poste où deux joueurs américains se sont déjà succédés cette saison: Eric Elliott d’abord, Ed Cota actuellement.

D’autres, à votre place, auraient logiquement tiré leurs conclusions du peu d’estime dont vous jouissiez à Ostende la saison dernière. Aujourd’hui, on peut dire que vous avez effectué le bon choix en décidant de rester.

Gerrit Major: J’ai eu un peu de chance. Si Michael Huger avait satisfait à l’examen médical, la situation aurait peut-être été très différente pour moi. Il a dû partir, on ne lui a pas trouvé de successeur du jour au lendemain et je me suis retrouvé, un peu par la force des choses, premier distributeur. J’ai pris mes responsabilités, j’ai essayé d’orchestrer la manoeuvre sur le terrain et cela a réussi. J’ai progressivement gagné la confiance du coach.

D’autant qu’Eric Elliott n’a jamais convaincu.

Je ne tiens pas à le critiquer. Pour l’avoir affronté quotidiennement à l’entraînement, je sais ce dont il était capable. Mais il l’a rarement démontré en match.

Contre Villeurbanne, le public avait manifesté son courroux lorsqu’Aaron McCarthy vous avait retiré du jeu pour faire monter Eric Elliott. Ce fut le début de la fin pour le coach américain.

J’avais trouvé la réaction du public ridicule, ce soir-là. J’avais moi-même sollicité mon remplacement, mais les supporters l’ignoraient. Ils voulaient sans doute me soutenir, et j’étais plutôt gêné. Ce n’était pas très correct à l’égard d’Eric Elliott, qui manquait déjà de confiance, et ce n’était pas non plus la meilleure manière d’aider l’équipe. Car, après tout, nous luttons tous pour la même cause. Et chacun a le droit de connaître un mauvais jour, que l’on soit Américain ou Belge.

« Le soutien du public est un stimulant »

Ed Cota ne semble pas être un foudre de guerre non plus.

Laissons-lui le temps de s’adapter.

N’est-ce pas décourageant, pour un jeune Belge, de constater la facilité avec laquelle les clubs engagent des joueurs étrangers alors qu’ils ont peut-être ce qu’ils cherchent à portée de mains?

Je m’efforce de voir les choses différemment. Il faut essayer d’apprendre au contact des joueurs étrangers qui débarquent dans notre championnat. Après tout, ce sont des gens qui ont souvent une carrière bien remplie derrière eux et dont l’expérience peut être précieuse. Les joueurs étrangers prennent la place des joueurs belges? A chacun son avis. Je crois que le coach essaye toujours d’aligner la meilleure équipe possible. Si l’on n’y figure pas, on doit se dire que l’on a encore du travail à faire et réagir en conséquence. Réussir, aujourd’hui, c’est s’imposer malgré la concurrence. Les supporters, à Ostende, apprécient de me voir sur le terrain. Parce que je suis originaire de la région et qu’ils me connaissent depuis les équipes d’âge. Je dois considérer cela comme un stimulant, mais ne pas imaginer que je bénéficierai d’un privilège et qu’une place me sera réservée d’office dans l’équipe.

Au contact de quel joueur étranger avez-vous appris le plus?

Il y a eu J.R. Holden, bien sûr. Qui m’a fait prendre conscience de mon manque de vitesse. J’aurais pu me lamenter d’avoir été moins gâté par la nature. Mais, en travaillant, il y a toujours moyen de s’améliorer. Aujourd’hui, j’apprends aussi au contact d’Eric Elliott et d’Ed Cota. Chaque distributeur a des qualités différentes et il y a moyen de retirer quelque chose de chacun d’entre eux.

Les distributeurs américains sont de plus en plus nombreux dans notre championnat.

La tendance s’est accentuée au fil des ans. Parce qu’elle a apporté des résultats. Encore une fois, les jeunes distributeurs belges ne doivent pas se décourager. Au contraire, il faut essayer de se motiver pour rivaliser avec ces gens-là. J’admets que ce n’est pas toujours facile. On a l’impression qu’on ne recevra jamais sa chance et on préfère descendre en D2. Là, on se retrouve généralement dans une équipe où l’on ne s’entraîne que trois fois par semaine et on perd le rythme. C’est un cercle vicieux dans lequel il faut essayer de ne pas tomber. Il faut mordre sur sa chique.

« Casteels travaille pour le basket belge »

Vous êtes-vous forgé le caractère à travers les épreuves que l’on vous a imposées la saison dernière?

Peut-être. J’ai toujours témoigné d’une grande force de caractère. Il en faut pour réussir comme basketteur au plus haut niveau. On ne peut jamais s’accorder un moment de répit. Ce n’est pas comme en football où, parfois, les défenseurs peuvent se reposer lorsque leur équipe attaque à outrance. J’admets que, la saison dernière, le coup fut dur à encaisser. Je n’avais pas encore eu l’occasion de démontrer quoi que ce soit que, déjà, le club avait engagé Rauno Pehka. Du coup, je ne figurais même plus sur la liste de dix joueurs inscrits sur la feuille de match. J’ai dû m’accrocher pour remonter la pente. Mais je n’avais pas envie de quitter Ostende de cette manière. J’ai débuté dans ce club alors que j’étais tout jeune et je n’ai pas voulu opter pour la solution de facilité. J’ai continué à travailler. Aujourd’hui, je peux me féliciter de mon choix. C’est plus grisant de se frotter chaque semaine aux ténors européens que de devoir se contenter du championnat de Belgique au sein d’un club moyen.

Eddy Casteels a la réputation de faire confiance aux jeunes Belges. Le ressentez-vous?

Absolument. La confiance qu’il nous voue transparaît à chaque instant: à l’entraînement comme en match. Là où, autrefois, je devais parfois me contenter de trois minutes par match, je partage désormais mon temps de jeu avec Ed Cota. J’ai déjà commencé plusieurs matches dans le cinq de base. J’ai le droit à l’erreur. Le temps de jeu de Christophe Beghin, Bob Menama et Sam Rotsaert s’est accru également. Eddy Casteels a envie de travailler pour le basket belge, il l’avait déjà démontré à Anvers et à Ypres.

Pouvez-vous comparer Eddy Casteels avec vos coaches précédents?

Aaron McCarthy était plus volubile. Il parlait beaucoup à l’entraînement, organisait souvent des petits matches à cinq contre cinq. En revanche, il prêtait moins attention à l’exécution correcte d’un geste technique. Dans l’ensemble, je peux dire qu’il faisait moins confiance aux jeunes qu’Eddy Casteels. Son but était d’obtenir des résultats sur le court terme. Il faut être patient avec un jeune. Mais, lorsqu’un coach fait sentir aux joueurs qu’il est derrière eux, il en retire souvent de belles satisfactions. Lucien Van Kersschaever travaillait aussi avec les jeunes. Peut-être, en raison du poste qu’il occupait lorsqu’il était joueur, avait-il plus d’attention pour les pivots. Pour moi, l’arrivée d’Eddy Casteels est donc idéale.

Etes-vous un produit de l’Ajax Team?

Oui. J’ai suivi toute la filière des catégories d’âge à Ostende. La formule de l’Ajax Team a porté ses fruits. On s’entraînait tous les jours avec des joueurs de qualité et on affrontait chaque semaine une équipe de D3 en match amical. Chacun fréquentait l’école de son choix. Comme j’habitais tout près, je pouvais rentrer chez moi tous les soirs. Les autres joueurs vivaient pour la plupart en internat. J’étais de la génération de Dimitri Lauwers, Julien Defossé, Anthony Denoyel, Jochen Ceyssens et consorts. J’ai obtenu mon diplôme en électro-mécanique. Actuellement, je continue des cours du soir en comptabilité et en informatique. C’est du même niveau qu’une école supérieure. C’est parfois dur, quand on a deux entraînements par jour et que le rythme de l’Euroligue conduit à des déplacements à l’étranger tous les 15 jours, mais je m’accroche. Je ne veux pas mettre tous mes oeufs dans le même panier.

Avez-vous un plan de carrière?

Non, c’est trop aléatoire. Parfois, la récompense arrive plus tôt que prévu, comme c’est le cas cette saison. Mais il arrive qu’il faille patienter très longtemps. Je préfère, dès lors, prendre les choses comme elles viennent.

Une sélection en équipe nationale est-elle encore accueillie avec fierté dans les circonstances présentes?

Bien sûr. En tant que jeune joueur, je m’étais fixé comme premier objectif d’atteindre l’équipe fanion d’Ostende. Il a été atteint. Aujourd’hui, voilà que je frappe à la porte de l’équipe nationale! Qu’y a-t-il de plus beau que de défendre les couleurs de son pays? Et tant pis si les primes de victoires sont moins importantes qu’en club, si l’organisation n’est pas parfaite et si d’autres personnes considèrent les Belgian Lions avec dédain. Ce n’est pas mon cas. Je suis prêt à consentir des sacrifices. En tant que joueur, il ne faut pas se préoccuper des luttes d’influence qui s’exercent parfois au-dessus de sa tête. Il faut simplement mouiller son maillot.

Daniel Devos

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