« Elle peut faire mal aux Williams »

Kim Clijsters -élue pour la quatrième fois – , vue par Ivo Van Aken, le DT de la Ligue flamande de tennis.

Kim Gevaert constituait une concurrente redoutable mais la majorité des journalistes sportifs a voté pour Kim Clijsters. Pour la quatrième fois consécutive et malgré un parcours jalonné d’obstacles: une blessure tenace à l’épaule et sa rupture inattendue avec Carl Maes, son coach depuis des années. Elle n’a pas disputé de finale du Grand Chelem mais a gagné quatre tournois pour achever en beauté avec les Masters.

« Ce qui vaut un Grand Chelem », d’après Ivo Van Aken, le directeur technique de la Ligue flamande de tennis. « Kim a clôturé en beauté une année difficile. Cette finale des Masters a constitué un grand moment. Cette épreuve vaut un Grand Chelem car toutes les grandes joueuses convoitent ce titre. La seule différence, c’est que les Masters ne s’étalent pas sur deux semaines. Dès le premier match, il faut battre un ténor.

Ce titre ouvre une nouvelle étape de la carrière de Kim. C’est sa première victoire sur Serena Williams. Mentalement, Kim était terriblement forte. Elle rayonnait d’assurance. Elle était prête à gagner. J’ai aussi été agréablement surpris par sa précision. Kim n’a jamais manqué de puissance. Elle a un tennis agressif mais elle a souvent manqué de précision alors que la qualité technique de ses coups est maintenant très élevée. Elle a fait courir Serena, qui n’a pas l’habitude d’une telle concurrence et qui a commis beaucoup de fautes. Elle n’était pas prête, mentalement et physiquement, à voir la balle revenir une troisième fois. Kim a tenu en conservant vitesse et contrôle. Elle peut faire mal aux soeurs Williams. éa ne signifie pas qu’elle les battra chaque fois mais elle leur a donné matière à réflexion pour l’hiver.

Autre point positif, Kim a prouvé, cette année, qu’elle pouvait gérer un mauvais passage. Pendant quelques mois, son épaule l’a gênée. Evidemment, on n’accomplit pas une carrière sans blessures. Elle font partie du sport, comme les contrecoups ou les mauvais tirages au sort mais seules les grandes parviennent à les gérer, voire même à en sortir plus fortes, comme Kim.

Son épaule lui a causé des problèmes à l’Open d’Australie. Pourtant, elle n’a pas paniqué et elle a quand même atteint les demi-finales. Ensuite, elle a adapté son programme et s’est ménagé des pauses. Elle n’a plus joué en double, afin de ménager son épaule. C’est là un comportement sage de la part d’une fille qui n’a pas 20 ans. Elle a adjoint une kiné à son staff. Elle a vraiment réalisé des investissements,cette saison. On se focalise sur les millions qu’elle gagne mais il ne faudrait pas oublier qu’elle doit payer son entourage.

Seulement le troisième tour à Roland Garros, le deuxième à Wimbledon, le quatrième à l’US Open. Est-ce dû à son épaule? C’est difficile à dire. Ses rivales progressent aussi et on place la barre plus haut pour Kim et pour Justine Henin alors qu’elles ne sont quand même pas des robots. Kim n’a pu s’entraîner comme elle l’aurait voulu et elle n’a pu compenser sa perte de précision par sa seule puissance. Il s’agit de bien placer la balle et de développer une stratégie. Elle en a été partiellement empêchée mais elle n’a pas perdu son assurance.

C’est en de tels moments qu’on remarque l’importance de l’entourage. Il faut pouvoir recharger ses batteries à l’abri de la pression. Pour cela, il faut que quelqu’un vous permette de prendre vos distances. Lei excelle en la matière. Peu de gens comprennent ce qu’implique le tennis à ce niveau. Pour progresser, il faut s’entraîner, jouer et se reposer. Prenez Filip Meirhaeghe en VTT: il remporte l’argent à Syndey, mais il gère mal ce succès. Il a savouré l’attention dont il était l’objet et a réalisé une mauvaise saison ensuite. Mon message aux sportifs de haut niveau, c’est donc: -Faites-le pour vous, pas pour les autres. Je sais à quelles dérives les sportifs sont exposés. Lors d’un congrès d’entraîneurs au Japon, la première question fut: Racontez quelque chose de bizarre sur Kim Clijsters. Or, je n’avais pas encore parlé d’elle de toute la journée. Je pense que la famille Clijsters est confrontée à ce genre de situations tous les jours ».

Changement de coach

« Sa rupture avec Carl Maes aurait pu déséquilibrer Kim: il s’occupait d’elle depuis ses 12 ans et l’avait propulsée dans le top-cinq. Kim et Carl formaient le meilleur couple joueur-entraîneur du circuit. Le monde extérieur a sans doute été étonné de cette séparation. Pas moi. A Paris, ils étaient las l’un de l’autre, ce qui est normal après une si longue collaboration. Il ne faut pointer personne du doigt. C’est un phénomène d’usure et ils l’ont compris tous les deux, en se séparant de manière très adulte et correcte.

Le changement est salutaire. Votre premier entraîneur reste le plus important. C’est lui qui pose les jalons. Ses successeurs doivent travailler avec ce qui a été fait -ou non. Un nouveau coach place d’autres accents, peut-être surtout en dehors du court, et ça peut faire la différence. A ce niveau, la communication est décisive: il est impératif d’écouter l’athlète, sentir s’il faut l’entraîner ou pas. C’est une forme capitale d’entraînement mental. En ce sens, Kim a bien fait de travailler avec Marc Dehous. Elle le connaît bien et le courant passe entre eux.

Marc Dehous est inconnu du grand public mais il a préparé beaucoup de très bons joueurs pendant leur jeunesse. Il est professionnel et ambitieux. Diriger Clijsters, c’était la chance de sa vie. Il n’a d’ailleurs pas hésité longtemps avant d’accepter. Nous sommes évidemment heureux que Kim ait choisi un membre de notre Ligue. éa prouve qu’elle estime nos méthodes.

éa démontre aussi que Kim est restée elle-même. Elle a beau être quatrième mondiale, elle se comporte toujours de la même façon que quand elle était numéro 20 ou 500. Elle demeure une jeune fille sociale, ouverte et charmante, dépourvue de caprices de star, ce que j’apprécie beaucoup. Kim est un exemple, comme Justine. Toutes deux sont des professionnelles accomplies, très disciplinées.

L’année prochaine s’annonce bien pour toutes les deux. Je préfère ne pas parler du numéro un. Kim non plus ne s’est jamais laissée piéger. Elle se contente de répéter: – Chaque fois, je tente de livrer le meilleur de moi-même. On ne peut comparer deux saisons, surtout pas en matière de classement. Kim a terminé l’année dernière à la cinquième place. En janvier, elle a affirmé qu’elle serait heureuse de conserver ce niveau. Elle a dépassé son objectif initial, malgré ses problèmes. Elle n’a pourtant pu travailler ses points faibles comme elle l’aurait souhaité, à cause de son épaule. Maintenant qu’elle est guérie, elle va s’y attaquer. Vivre avec la douleur tout en restant à son niveau est fantastique. Elle est sortie plus forte de cette saison.

Maintenant, tout le monde s’attend à ce que Kim et Justine restent dans le top-cinq mais n’oubliez pas qu’elles appartiennent à une brillante génération et que leurs rivales travaillent d’arrache-pied. Qui les précède? Les Williams et Jennifer Capriati. Sans oublier toutes celles qui briguent le top-cinq. Ceci dit, deux Belges parmi les cinq premières, c’est merveilleux. La pire faute qu’elles puissent commettre serait de se focaliser sur la place de meilleure Belge. Dans ce cas, je vous le garantis, elles se retrouveraient 35 ou 36e. Mais je suis convaincu que ce sont surtout les observateurs qui pensent en ces termes. Il est tout aussi absurde de comparer les deux joueuses. Elles sont extrêmement différentes,par leur constitution, leur technique, leurs qualités. Et si Kim et Justine poursuivent sur leur lancée, elles peuvent toutes deux casser la baraque l’année prochaine ».

Inge Van Meensel

« Vivre avec la douleur en restant aussi forte est fantastique »

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