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 » Elle joue le tennis du futur « 

Bianca Andreescu (19 ans) a enlevé l’US Open, devenant la première Canadienne à gagner un tournoi du Grand Chelem. Numéro quatre mondiale, elle espère se distinguer aux WTA Finals en Chine.

Les spectateurs ont été surpris par cette prédiction.  » Bianca Andreescu va gagner un tournoi du Grand Chelem.  » Les Canadiennes venaient de s’imposer de justesse face au Kazakhstan et Louis Borfiga, le directeur technique de Tennis Canada, semblait s’être laissé emporter par l’euphorie du moment. Andreescu venait de battre Yaroslava Shvedova (WTA 51) et s’était inclinée face à Yulia Putintseva (WTA 31) mais d’un rien et elle n’avait que seize ans. Elle n’était encore que 188e mondiale.

Quelques semaines plus tôt, la Canadienne avait été la meilleure à Rancho Santa Fe (USA) et à Santa Margherita di Pula (Italie) mais de là à jouer avec la fine fleur, il y avait encore une marge.

A Wimbledon, par exemple, elle n’avait franchi que le stade des qualifications. L’année suivante, elle n’y était même pas parvenue et fin 2018, elle avait à peine progressé au classement mondial, pour atteindre le rang 152.

 » Patience « , a réagi Borfiga début janvier 2019 aux questions critiques de journalistes canadiens, avides de se trouver une nouvelle star du tennis, suite au déclin d’ Eugénie Bouchard.

Moins de neuf mois plus tard, ces mêmes journalistes étaient pendus à ses lèvres dans les coulisses de l’Arthur Ashe Stadium. Andreescu venait de s’adjuger l’US Open 6-3, 7-5 contre Serena Williams, devant 23.711 spectateurs. Avec hardiesse.

 » Elle a repris le flambeau. Elle joue le tennis de l’avenir. Varié, tout en puissance et en finesse, avec un excellent jeu de pieds.  »

A l’issue du tournoi, elle était numéro cinq mondiale, comme Bouchard en 2015. Sa saison a été mémorable. Elle a gagné 45 matches, ne s’inclinant que face à Julia Goerges (WTA 14), Anastasija Sevastova (12), Sofia Kenin (35) et Anett Kontaveit (19).

Après sa défaite contre Naomi Osaka, à Pékin, après trois longs sets ardemment disputés, son bilan est de 48-5. En neuf parties contre une joueuse du top dix, elle n’a été battue que par Osaka.

Eclectique

Pam Shriver, une ancienne joueuse qui est analyste pour ESPN, a été sincère au moment d’interviewer la Canadienne.  » Je ne pense pas avoir entendu parler de toi l’année passée.  » Andreescu a éclaté de rire. Elle a l’air d’une adolescente décontractée mais ce n’est pas l’avis d’ Angelique Kerber. A la mi-mars, l’Allemande a perdu contre elle la finale du prestigieux tournoi d’Indian Wells, en trois sets, puis le Miami Open.

La jeune fille souffrait de l’épaule et avait été soignée sur le terrain mais elle avait serré les dents.  » Tu es la plus grande drama queen que j’aie jamais affrontée « , lui a glissé Kerber quand elles ont échangé une molle poignée de mains. Mais Andreescu n’avait pas fait de cinéma : son épaule allait l’écarter du circuit pendant cinq mois. A son retour, début août, sans le moindre rythme, elle a remporté la Rogers Cup de Toronto en battant entre autres Kiki Bertens (WTA 5), Karolina Pliskova (3) et Serena Williams.

Bianca Andreescu est née à Mississauga, une ville de 720.000 âmes de l’Ontario, mais elle était encore petite quand ses parents sont retournés en Roumanie, leur pays natal. Là, elle a tâté du football, de la natation, du patinage et de la gymnastique. Elle s’est mise au tennis à sept ans. Ses parents, Nicu et Maria, ont ensuite emménagé définitivement au Canada et elle a intégré le programme officiel de Tennis Canada à onze ans.

En U14, elle s’est entraînée aux côtés de Nathalie Tauziat, finaliste de Wimbledon 1998, qui avait aussi travaillé avec Bouchard. Elle a beaucoup observé sa (demi) compatriote Simona Halep.  » On me dit souvent que nous avons le même style de jeu et que je dégage la même détermination qu’elle sur le court « , a-t-elle déclaré en janvier 2014, après avoir remporté Les Petits As à Tarbes. Jelena Ostapenko (2011), Rafael Nadal (2000), Kim Clijsters (1997), Olivier Rochus (1995) et Martina Hingis (1991, 1992) figurent au palmarès du tournoi, un des plus prestigieux pour les U14.

Survivante

A la fin de la saison, elle a aussi gagné l’Orange Bowl de Floride en U16 et elle a remis le couvert en U18 l’année suivante. A quinze ans… C’était une étape importante dans la réalisation de son objectif : la victoire à l’US Open. Pour se motiver, elle avait réalisé une copie du gros chèque dévolu au lauréat de son grand chelem favori. Chaque année, elle en adaptait le montant. Fin août, quand elle a reçu le véritable chèque, la somme se montait à 3.850.000 dollars (3,4 millions d’euros). Elle s’est mise à pleurer.

Elle a réalisé que tout était allé très vite car un an plus tôt, elle avait été éjectée du premier tour des qualifications. Elle avait reçu 7.188 euros, un montant à peine suffisant pour couvrir ses frais.

 » J’ai longtemps été blessée au dos. J’ai traversé une période très pénible, pas seulement sur le terrain. J’ai également eu des problèmes dans ma relation, ce qui m’a fait ruminer encore un peu plus. Mais les mauvais moments peuvent être utiles quand on en tire des leçons. J’ai donc été plus forte, physiquement et mentalement, à l’entame de l’année 2019.  »

Une survivante. Comme à l’US Open contre Elise Mertens, qui avait gagné le premier set et semblait filer vers un break à 2-2 15/30. Mais Andreescu s’est battue pour revenir, elle a gagné cinq jeux d’affilée puis le troisième set (6-3).  » Parfois, un point peut faire basculer un match.  »

Elle est très présente sur le court. Elle crie, elle serre les points, elle veut se glisser dans la tête de sa concurrente, quel que soit son statut. Certaines joueuses le ressentent comme un manque de respect mais Serena Williams s’est répandue en compliments.  » La manière dont elle place la pression est impressionnante. Quelle intensité !  » Osaka partage son opinion.  » Pendant tout le match, j’ai eu l’impression qu’elle me prenait à la gorge.  »

Son coach, Sylvain Bruneau, doit parfois la modérer, la protéger contre des attentes trop élevées. En 2014, il était dans l’équipe de Bouchard quand celle-ci avait disputé la finale de Wimbledon et était devenue numéro cinq mondiale. Actuellement, la blonde de 25 ans est 220e…

 » Nous restons sur une année très excitante mais nous ne pouvons absolument pas planer « , précise Bruneau, quelque peu embarrassé quand il a reçu un trophée à l’US Open.  » Tout ça est nouveau pour moi.  » Andreescu lui a fait un clin d’oeil :  » Tu devras t’y habituer.  »

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