El tanque

Personne ne pouvait penser que près de dix ans après son premier échec en Italie, l’attaquant argentin de l’Atalanta occuperait la tête du classement des buteurs de Serie A.

Les surnoms donnés aux footballeurs argentins sont beaucoup plus explicites que ceux collés à leurs collègues brésiliens. Quand un prof d’école l’appelle El Tanque, Gustavo Denis (30 ans) est catalogué : son jeu est celui d’un tank. On remarque déjà son style marqué du sceau de la puissance physique dès ses débuts pros, à 16 ans au Talleres de Remedios de Escala, dans la grande banlieue de Buenos Aires. Que ce soit lors de sa décevante saison à Quilmes (D2) ou en 2000-2001 à Los Andes, Denis est un centre-avant classique qui pèse sur la défense adverse, jouant essentiellement dos au but avec son 1m83 mais 87 kilos !

C’est avec cette étiquette de blindé qu’il débarque en janvier 2002 à Cesena, à l’époque en Serie C. En Emilie-Romagne, il ne frappera pas les esprits : 29 matches et 3 buts en deux saisons et un billet retour pour l’Argentine. Pour expliquer cet échec, Denis avance sa vie privée et l’absence de Natalia, copine de bancs d’école de 12 ans qu’il avait revue six ans plus tard dans un pub. Les deux jeunes ne s’étaient plus quittés et, après un an de fiançailles, la jeune fille était enceinte de leur petit premier enfant. Denis apprit la nouvelle au téléphone et fixa la date du mariage le 28 juin 2002, un jour mémorable : fâchés, les deux époux passèrent la nuit de noce chez leurs parents respectifs !

En 2003, il part en prêt à l’Arsenal de Sarandí dirigé par Jorge Burruchaga. Près des siens, il se sent bien et, en 2004-2005, il permet à son club d’obtenir son record de points (30) au cours du Tournoi de Clôture. Un boom qu’Arsenal veut exploiter et lève l’option en versant les 50.000 dollars exigés par Cesena, qui en avait sorti 200.000. Une man£uvre purement financière puisque le club s’empressera de le vendre à Colón (36 m/11b). En 2006, devenu coach de l’Independiente, Burruchaga se souvient de lui et propose de le rejoindre. Après une année de rodage, Denis marque 18 buts lors du Tournoi d’Ouverture 2007 : un nouvel exploit, personne n’ayant fait mieux que lui au club et seul MartinPalermo (Ouverture 1998) ayant empilé 20 buts.

Coup de foudre à Athènes

Le moment est venu de tenter une nouvelle aventure en Europe. Denis, qui a pour modèles Hernan Crespo et Gabriel Batistuta, débarque à Naples où l’a attiré le directeur sportif de l’époque Pierpaolo Marino, pote de Maradona.

En deux saisons au pied du Vésuve, malgré les 8 millions déboursés par le club, il comptera les minutes de jeu. Le président Aurelio De Laurentiis décide qu’il doit partir malgré son contrat courant jusqu’en 2013 ! On est bien loin de cette soirée de juillet 2008 quand, au retour d’un match amical à Panionios, le patron napolitain s’était montré dithyrambique :  » C’est la première fois que je le vois à l’£uvre en vrai. Nous avons trouvé un avant qui est une ligne d’attaque à lui seul : il conserve bien le ballon, aide l’équipe à avancer et frappe à la première occasion « .

En août 2010, De Laurentiis le cède en copropriété à l’Udinese où la concurrence du duo Antonio Di NataleAlexisSanchez n’est pas moins redoutable que celle exercée par la paire Ezequiel LavezziEdinsonCavani. Dans le Frioul, une inflammation au pied gauche compromet sa préparation et le Tank ne percute pas : seulement 4 buts et aucune reconnaissance.

L’Udinese accepte de devenir seul propriétaire du joueur dans le deal du transfert de GokhanInler à Naples mais Denis doit faire ses valises. Fin août 2011, il signe à l’Atalanta, qui vient d’apprendre qu’elle démarrera le championnat avec un handicap de six points. S’il accepte ce prêt avec option d’achat évaluée entre 4 et 5 millions, c’est parce qu’entre-temps Marino est devenu le responsable technique du club. Un dirigeant qui a dû faire face aux critiques d’une frange rebelle des supporters qui rageaient :  » Denis en est à sa quatrième expérience en Italie et c’est un joueur bidon « .

70.000 euros pour 10 buts

Mais la confiance de tous, et surtout celle du coach StefanoColantuono, fait le plus grand bien à l’attaquant qui joue seul en pointe comme ce fut généralement le cas en Argentine. Son jeu s’est affiné comme son physique suite à la diète imposée par son staff et qui lui a fait perdre 4 kilos. Le dispositif tactique est basé sur lui : l’Atalanta joue avec quatre demis et deux ailiers qui multiplient les centres dans sa direction. Et comme, en plus de sa force physique, il n’est pas mauvais techniquement, il score. C’est ainsi que contre Naples, il a marqué son 10e goal, ce qui lui a valu d’empocher le bonus de 70.000 euros promis par sa direction pour ce total. Et il aurait pu y parvenir plus tôt s’il n’avait pas loupé un penalty.

Cette percée lui a valu d’être rappelé en équipe d’Argentine par Alejandro Sabella en octobre pour les matches du Mondial 2014 contre le Chili et les Vinotintos du Vénézuela (contre lesquels il avait fêté sa première sélection en 2007). Dans le schéma du coach argentin, il doit évoluer comme pointe centrale devant Lionel Messi, un rôle où il doit affronter la concurrence de GonzaloHiguain et SergioAgüero. Même s’il est resté sur le banc, ce n’est pas mal pour un garçon qui ne joue pas au Real Madrid ou à Manchester City mais dans un club dont l’objectif reste le maintien…

PAR NICOLAS RIBAUDO – PHOTO: IMAGEGLOBE

En équipe d’Argentine, il doit affronter la concurrence de Higuain et Agüero.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire