Transféré pour 4 millions d’euros à Lille, Baptiste Guillaume est le nouvel attaquant prometteur belge du club de l’Hexagone. Portrait.

Il y a quelques semaines, la Belgique s’est découvert un nouveau talent. Un gamin de 20 ans, transféré pour 4 millions d’euros. Le Nord-Pas-de-Calais, lui, s’est trouvé un nième sujet de discussion, voire de discorde. En passant de Lens à Lille, Baptiste Guillaume a réveillé les démons d’une rivalité ancestrale entre les deux clubs du Nord de la France. Alors que sous nos latitudes, les fans du Standard commencent à s’habituer à voir un des leurs porter le maillot d’Anderlecht, ce n’est pas le cas à Lens.

Depuis dix ans, seuls deux joueurs sont passés de Lens à Lille et inversement. Sur twitter, les insultes ont commencé à pleuvoir, tant du côté des supporters lensois, trahis de voir un de leurs espoirs filer à Lille au moment même où le club connaît une nouvelle relégation, que du côté lillois où on n’apprécie pas tout ce qui a porté la vareuse sang et or.  » Il a vraiment assumé ce transfert avec aplomb « , explique le journaliste de L’Equipe, Joël Domenighetti, qui suit les deux clubs.  » Il a dit que les insultes étaient déplacées et il a expliqué son choix avec calme et maturité.  »

Ça, c’était devant les médias car, quelques jours plus tôt, il a dû être défendu par son ancien coéquipier, Benjamin Bourigeaud, avec qui il était sorti en boîte du côté d’Arras, face aux quolibets des supporters. Résultat des courses : des échauffourées et un doigt cassé pour Bourigeaud. Depuis lors, le LOSC a décidé de le protéger. Plus d’interviews individuelles pendant quelques mois, le temps que la tension née de son transfert retombe.

Son père, Gilles Guillaume, ancien joueur de D2 à Mons, explique :  » Il savait qu’il ne choisissait pas la facilité en signant à Lille mais il a le caractère nécessaire pour passer au-dessus de cela.  » Mais qui est donc ce jeune joueur, encore inconnu en Belgique mais qui déchaîne déjà les passions de l’autre côté de la frontière ?

UN PREMIER BUT CONTRE MARSEILLE

Nous sommes le 2 novembre dernier. Ce jour-là, alors que Lens mène une contre-attaque, le ballon ricoche et arrive dans les pieds de Guillaume. Il contrôle, efface Rod Fanni et trompe le gardien de l’OM. C’est son premier but chez les professionnels. Quelques mois plus tôt, il évoluait encore en CFA et était loin d’imaginer marquer au Vélodrome. Le coup de pouce du destin, il le doit paradoxalement à cet actionnaire azéri de Lens, Hafiz Mammadov qui, ruiné, manque à ses obligations, oubliant d’injecter les 18 millions prévus dans le Racing Club de Lens que la DNCG a même relégué administrativement avant que la commission d’appel du comité olympique français ne le maintienne en L1.

Sans argent, Lens ne peut transférer et est obligé de miser sur ses jeunes. Guillaume fait partie de cette promotion issue de la CFA. Lui qui a à peine connu la L2, deux ans plus tôt avant d’être relégué en CFA suite à une hernie inguinale, il passe sans transition de la CFA à la L1. Un conte de fées qui aurait pu ne jamais avoir lieu. Malgré cette obligation de valoriser les joueurs du cru, l’entraîneur Antoine Kombouaré décide dans un premier temps de le prêter. Pourtant, suite à une préparation réussie (et deux buts contre Charleroi), l’ancien coach du PSG revient sur sa décision et le garde au sein de son groupe.

Quelques mois plus tard, il finit cette saison délicate (Lens descend en L2) avec 27 matches au compteur (dont 15 comme titulaire) mais il s’est fait remarquer. C’est le principal. Il ne manque pas d’atouts. Il est grand, puissant, élégant, sa technique lui permet de bien contrôler le ballon et de faire jouer la deuxième ligne. Pourtant, ses statistiques restent maigres. Deux buts. Pas assez pour un attaquant. Comme les acquéreurs potentiels sont nombreux, le président Gervais Martel en parle à Kombouaré qui lui lâche – regarde ses statistiques, pour moi, tu peux le vendre. « 

Ça tombe bien car Lille en est fou. Le club du président Michel Seydoux le suit depuis 18 mois et il répond parfaitement à la nouvelle philosophie du club (jeune et régional) comme l’a affirmé l’homme fort du LOSC lors de la conférence de presse de présentation.  » Il correspond parfaitement au profil recherché. Il est jeune, a du talent et est Belge. Ce qui est important pour un club proche de la frontière comme le nôtre.  »

Lille en a en effet fini avec une génération et a vu partir de nombreux joueurs cet été. Pour recréer un cycle, le LOSC a décidé de miser sur un nouvel entraîneur (Hervé Renard, ex-Sochaux et vainqueur de la CAN avec la Zambie et la Côte d’Ivoire) et des jeunes joueurs. En attaque, Guillaume devra composer avec un jeune Guinéen arrivé de Laval (Sehrou Guirassy) et un Ivoirien Junior Tallo (ex-Ajaccio et ex-Bastia, propriété de l’AS Rome). Soit trois joueurs pour une place en sachant que Tallo peut également évoluer sur un côté et que Renard a décidé de jouer en 4-3-3.

 » Son jeu de tête, sa technique, sa capacité à s’intégrer dans un collectif et à garder le ballon, l’éducation qu’il a reçue de sa famille, tout cela m’a plu « , explique Jean-Michel Van Damme, directeur général adjoint de Lille.  » Le challenge consistera à garder son aisance technique tout en lui inculquant l’instinct de tueur. Car il peut et il doit marquer plus. Il doit avoir l’obsession de marquer.  »

UN BAC SCIENTIFIQUE ET ÉCONOMIQUE EN POCHE

L’ambition lilloise est de retrouver l’Europe dans les deux ans, avec comme objectif pour cette saison 2015-2016 de se situer entre la 6e et la 9e place.  » Le potentiel est très intéressant « , confie Domenighetti.  » Le mélange entre vieux briscards (Enyeama, Basa, Civelli, Mavuba et Balmont) et les jeunes peut fonctionner. Quant à Guillaume, je pense qu’il sera soit titulaire, soit joker au poste d’attaquant central. Il aura en tout cas du temps de jeu, c’est certain.  » Ses débuts lors des matches amicaux furent encourageants et son adaptation réussie au point que Mavuba l’a déjà affublé d’un surnom (El Nino pour sa ressemblance avec Fernando Torres).

Et voilà comment cette jeune pépite est devenue un des joueurs de -20 ans les plus chers de l’histoire du football belge. Lui qui a grandi dans la maison familiale deCasteau et signé sa première carte d’affiliation à quatre ans dans le club voisin du RAEC Mons.  » Il était fou de foot « , explique Gilles Guillaume.  » Quand je revenais du boulot, il m’attendait, déjà habillé, et prêt à partir à l’entraînement, parfois une heure à l’avance. Très vite, on s’est rendu compte qu’il avait du talent. Dans chaque nouvelle catégorie, ses entraîneurs me répétaient qu’il pouvait devenir joueur professionnel.  »

A 14 ans, le Standard et Anderlecht se succèdent auprès des parents.  » Au niveau scolaire, ils ne proposaient rien « , ajoute Gilles.  » C’était à moi de trouver des solutions. Le foot-études n’existait pas encore. Or, nous privilégions les études. C’est pour cette raison que nous avons repoussé ces deux offres. A l’époque, Anderlecht m’avait même dit que le train ne passerait qu’une fois.  »

Pourtant, un autre train s’arrête quinze jours plus tard. Siglé Racing Club de Lens.  » Nous avons été invités au centre d’entraînement de la Gaillette et là, on est arrivé dans un autre monde « , continue son père.  » Les études étaient prises en charge avec une vraie interaction entre les écoles et le centre de formation. Nous ne pouvions pas refuser une nouvelle fois. Mais on a posé une condition à Bat’ : qu’il passe son bac !  »

Petit à petit, sous la houlette de Pascal Plancque et d’Eric Sikora, deux anciens joueurs très importants dans son apprentissage, Guillaume passe les étapes. Il est champion de France avec les U17, passe en U19 et la CFA avant d’être incorporé au groupe pro par Sikora. La même année, il passe son bac économique et scientifique.  » Il n’a jamais eu de problèmes à l’école « , reconnaît son père. Et c’est le diplôme en poche qu’il aborde sa première année pro. Avec le succès qu’on lui connaît.

PAR STÉPHANE VANDE VELDE PHOTOS BELGAIMAGE

 » Anderlecht m’avait dit que le train ne passerait qu’une fois  » GILLES GUILLAUME, SON PÈRE

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