Effets de mode

Bruno Govers

Ils constituent eux aussi la vitrine d’un club.

Le samedi 17 mai passé, à l’occasion de son ultime apparition en championnat devant son public, cette saison, Anderlecht a étrenné le nouveau maillot avec lequel il disputera ses rencontres à l’extérieur en 2003-04. Avec son fond mauve et ses manches blanches, il s’inspire de la vareuse sous laquelle le club bruxellois avait obtenu ses premiers grands succès aux prémices des années cinquante.

 » Pour les besoins du 25e titre du Sporting, en l’an 2000, nous avions pour la première fois été amenés à concevoir une tenue spéciale « , observe Frank Basters, public-relations d’Adidas, l’équipementier du RSCA depuis près de trois décennies.  » Cette année-là, en raison de l’événement lui-même et de la symbolique des chiffres, la direction du club et nous-mêmes avions finalement tranché en faveur d’un shirt de couleur dorée qui porta manifestement bonheur aux joueurs puisqu’il leur permit, en 2000-01 d’accéder au deuxième tour de la Ligue des Champions après plusieurs matches d’anthologie contre Manchester United et le Real Madrid, entre autres. Depuis cette date, Anderlecht s’est aligné sur ce que font la plupart des clubs, populaires comme lui, à savoir changer radicalement de look dans le cadre de ses matches à l’extérieur chaque année. Après ledit maillot jaune, ses responsables s’étaient prononcés pour une teinte en bleu la saison suivante. Celle-ci ne fut pas vraiment marquée sous le sceau de la réussite, puisque les Sportingmen ne renouvelèrent pas leur bail, en championnat, et ils firent long feu en Coupe d’Europe. En outre, le coloris choisi s’éloignait très fort des couleurs du club, le mauve et le blanc. C’est pourquoi, lors de la conception du nouvel équipement en vue de la campagne 2003-04, la volonté commune était d’en revenir à la tradition pure et simple. Dans cette optique, l’idée d’une livrée purement rétro eut tôt fait de germer. Et en observant le poster réalisé dans le cadre du 25e sacre, l’attention se porta très vite sur la photo de l’équipe championne en 1953-54 sous les ordres de l’entraîneur anglais Bill Gormlie. Une formation qui allait d’ailleurs réaliser un triplé, en compétition belge, sous le même ensemble. Un demi-siècle plus tard, et compte tenu du fait que le Sporting s’attellera sous peu à sa 40e apparition d’affilée sur la scène européenne, le retour à ce maillot mythique a paru propice à tout le monde « .

Arsenal inspire Anderlecht

A l’époque, Anderlecht, drivé comme dit par un coach britannique, s’était laissé séduire par ce qui était en vigueur aux Iles du point de vue vestimentaire. Et, notamment, du côté des Gunners d’Arsenal, club qu’il réussit par ailleurs à battre le premier, en tant que visiteur étranger, sur ses terres, le 21 octobre 1953 : 2-3. Les Londoniens, habillés eux-mêmes d’un maillot rouge avec manches blanches, étaient redevables de cette idée à celui qui a toujours rang, à l’heure actuelle, de manager légendaire chez eux : Herbert Chapman. L’attention de ce dernier s’était portée un jour, à l’entraînement, sur un footballeur en herbe du club qui avait tout bonnement enfilé un débardeur de couleur rouge sur une chemise blanche. L’homme fort d’Highbury, enthousiasmé par le tableau, le transposa au niveau du propre habillement de ses joueurs. Et, depuis lors, le club n’a jamais dérogé à cet équipement. Arsenal a, au demeurant, marqué l’histoire des maillots d’une autre empreinte indélébile. Au début de l’année 1969, l’un de ses commerciaux eut le trait de génie de lancer sur le marché un replica, autrement dit une copie conforme de l’équipement officiel des Gunners. C’était la première fois, au Royaume-Uni et plus que vraisemblablement dans le monde entier, qu’un club se prononçait en ce sens.

Au départ, l’initiative eut un succès mitigé. Mais aujourd’hui, près de 35 ans plus tard, le club du nord de Londres peut se gausser d’avoir été le pionnier d’une mode qui rapporte des dizaines de millions chaque année : le merchandising. Climalite

 » En matière de maillots, il y a lieu de discerner deux grandes évolu-tions « , précise Frank Basters.  » La première concerne le produit lui-même. Au départ, la plupart des maillots étaient en coton. Cette fibre naturelle avait l’avantage d’être bien acceptée par les organismes mais elle avait l’énorme inconvénient de doubler de poids en raison de la transpiration des joueurs. Il en résultait une charge supplémentaire à porter par les acteurs eux-mêmes ainsi qu’une augmentation sensible de la température corporelle. Deux éléments qui, ajoutés à une préparation physique moins pointue qu’aujourd’hui, expliquaient pourquoi les footballeurs baissaient de régime à mesure que les minutes s’égrenaient. Aussi, les concepteurs ont longuement planché afin de mettre au point un tissu susceptible de favoriser l’évacuation de la sudation. Après des années de recherche, la panacée fut trouvée avec une matière en polyester spécial : le climalite qui, comme son nom l’indique, est soucieux à la fois du climat û lisez la température û et de la légèreté. Cette vareuse en synthétique présentait toutefois un désavantage : bon nombre de footballeurs ne supportaient pas sa texture et n’hésitaient pas, dès lors, à enfiler d’abord un singlet, constitué le plus souvent d’un coton léger, afin d’éviter les irritations. Ce faisant, les problèmes d’imprégnation de sueur et d’accroissement de la température resurgissaient, évidemment. C’est la raison pour laquelle, depuis plusieurs années à présent, la plupart des marques se prononcent pour une doublure intégrée, appelée dynamic layery concept, faite d’une structure en gaze très aérée, qui aide au transport de la chaleur vers la couche externe. Cette technique s’est généralisée même si l’Italie s’est singularisée de la tendance générale à un moment donné. En effet, afin d’éviter les tirages de maillot, les designers mirent au point un maillot fit-size qui avait à la fois le don de remédier aux actes d’antijeu sur l’adversaire et de mettre en valeur le torse des joueurs du Calcio. Toutefois, quand il apparut que cet artifice ne servait finalement pas à grand-chose, sinon à encourager certains à s’agripper au short de son opposant direct, on en revint bien vite à la vareuse usuelle. Il faut croire que, friands de montrer leurs abdominaux, certains n’avaient manifestement pas trop envie de dévoiler autre chose (Ilrit) « .

Souci d’identification

 » La deuxième évolution a trait non pas au produit lui-même mais à ses à-côtés « , poursuit toujours Frank Basters.  » Au fil des ans, le football est passé du statut de sport à un style ou un art de vivre. Les Anglais ont donné l’exemple en s’associant pleinement à leurs favoris par le port d’un même maillot, au stade d’abord et même dans la vie de tous les jours. Arsenal a montré l’exemple et tous les autres ont suivi, au Royaume-Uni en premier lieu, puis sur le continent. Le souci d’identification est à ce point développé, de nos jours, que la majorité des clubs populaires optent pour ainsi dire chaque année en faveur d’une tenue away différente. En Belgique, Anderlecht en constitue une parfaite illustration puisque après le jaune or et le bleu, il portera à nouveau le mauve lors de ses matches à l’extérieur la saison prochaine. Pour les rencontres à domicile, c’est différent. Dans ses installations et devant ses partisans, un club veillera toujours à porter les couleurs avec lesquelles il est associé depuis la nuit des temps. C’est d’ailleurs pourquoi, en cas de confusion entre les deux équipes appelées à en découdre, ce n’est plus, de nos jours, l’équipe locale qui est priée de changer de tenue mais l’adversaire. Histoire de permettre aux visités de respecter leurs couleurs traditionnelles. Parfois, tout cela ne se passe pas sans grincement de dents. Surtout lors des joutes sur terrain neutre. Lors de la finale de l’EURO 2000, par exemple, la France et l’Italie voulurent à tout prix joueur sous leur couleur fétiche, le bleu. Et pas plus tard que le 28 mai dernier, l’AC Milan mit tout en £uvre pour disputer la finale de la Ligue des Champions, face à la Juventus, en blanc. Et pour cause, puisque c’est tout de blanc vêtus que les Milanais s’étaient imposés lors de leurs trois finales européennes en 1989, ’90 et ’94. Comme quoi la tradition rejoint parfois, aussi, la superstition « .

Bruno Govers

Un jour, un jeune Gunner passa un débardeur rouge au-dessus de sa chemise blanche…Vainqueur de trois finales en blanc, l’AC Milan a délaissé le rossonero à Manchester

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire