Eduqués par le voisin

Parmi les acteurs du derby, sur le terrain ou en coulisses, ils sont plusieurs à avoir appris leur métier de l’autre côté de la chaussée de Ninove.

Fidèle à son habitude, le manager anderlechtois MichelVerschueren prend directement la parole.  » Le derby ? J’ai promis au président adverse JohanVermeersch de collaborer pour en faire la fête du football bruxellois. Mais j’ai un problème avec la dénomination de notre adversaire. C’est comment, encore ? FC Molenbeek Brussels Strombeek ? De mon temps, c’était plus simple…  »

De son temps, effectivement. Car, comme son bras droit HermanVanHolsbeeck, MisterMichel a appris son métier de manager au stade Edmond Machtens.  » C’est toute une histoire, qu’il est peut-être bon de rappeler « , enchaîne-t-il.  » Au départ, j’étais préparateur physique, une fonction que j’ai exercée à Alost de 1957 à 1963, puis à Anderlecht de 1963 à 1969, où j’ai travaillé sous la direction de PierreSinibaldi, AndrasBeres, NoulleDeRaeymaecker et NorbertoHöfling. Lorsque ce dernier a quitté le Parc Astrid en 1969 pour partir au Daring de Molenbeek, je l’ai suivi. Toujours comme préparateur physique, et en combinaison avec mes jobs d’enseignant et de kiné. Quelques mois plus tard, MarcelFluche, le patron du Daring à l’époque, s’est effondré au terrain du Lierse, terrassé par une crise cardiaque. Il a laissé un vide énorme dans les bureaux du stade Edmond Machtens. JeanBaptisteL’Ecluse m’a proposé le poste. C’est ainsi que je suis devenu manager. Parmi les joueurs que j’ai transférés, il y avait un certain Johan Vermeersch, arrivé d’Ypres pour 300.000 francs de l’époque. Au bout de quatre années, en 1973, le Daring a fusionné avec le Racing White pour devenir le RWDM, qui a remporté le championnat en 74-75. L’équipe était emmenée par JohanBoskamp et je pourrais encore vous citer les noms de tous les joueurs « .

Un cadeau tombé du ciel

Michel Verschueren était donc le manager du RWDM lorsque ce club a conquis son unique titre de champion de Belgique. A-t-on eu alors, du côté de la rue Charles Malis, les yeux plus grands que le ventre en voulant concurrencer le puissant voisin anderlechtois ?  » Je ne tiens pas à rouvrir d’anciennes blessures aujourd’hui cicatrisées « , argue MisterMichel.  » Ne comptez pas sur moi pour mettre le doigt sur d’éventuelles erreurs qui auraient été commises. Je me souviens d’une saison où nous étions restés invaincus durant 14 matches en Coupe de l’UEFA, pour être éliminés en demi-finales par Bilbao, toujours sans être battus, sur base du but inscrit à l’extérieur (1-1 et 0-0). Les relations étaient au beau fixe entre Jean-Baptiste L’Ecluse et le bourgmestre de l’époque, EdmondMachtens. Après le décès de ce dernier, les problèmes ont commencé. J’ai senti le vent tourner, et après quatre années au Daring et sept au RWDM, je me suis mis sur le marché. J’ai discuté avec RogerPetit pour un éventuel contrat au Standard, mais ConstantVandenStock s’est montré plus prompt. J’ai retraversé la chaussée de Ninove en 79-80 pour retourner à Anderlecht, cette fois comme manager. Des joueurs ont suivi le même chemin : NicoDeBree, JeanDockx et BennyNielsen, notamment. Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis mon départ du stade Edmond Machtens, et je crois que désormais, il n’y a plus que Johan Vermeersch qui me connaisse là-bas. Il est l’un des joueurs de football ayant le mieux réussi sa reconversion, au terme de sa carrière, puisqu’il est désormais un entrepreneur avisé. Je le respecte énormément. Malgré tous les problèmes qu’il a connus dans le passé, il a choisi de revenir sur les terres de feu le RWDM pour lancer un nouveau club. Cette décision lui appartient et je ne me permettrai pas d’émettre un jugement. Pour moi, il y a de la place pour deux clubs à Bruxelles. Sur quelles bases ? C’est à Johan Vermeersch et à son nouvel allié, le bourgmestre PhilippeMoureaux, de voir ce qui est possible ! Dans l’optique d’une publicité pour leur nouveau club, le match de Coupe de Belgique contre Anderlecht est sans doute un cadeau tombé du ciel pour eux. La Région Bruxelloise a offert un autre cadeau : elle a décidé, voici quelques jours, d’allouer une subvention d’un million d’euros aux deux clubs, pour leur rôle auprès des jeunes. Le FC Brussels consacrera surtout cet argent au social. Anderlecht l’utilisera pour développer le centre de formation de Neerpede. J’espère que la fête annoncée ne sera pas gâchée par nos supporters. Je souhaite qu’ils prennent exemple sur ceux du Celtic, qui encouragent leur équipe de façon merveilleuse sans créer le moindre incident, et qu’on vivra un vrai derby, comme au temps de Daring-Union. Du folklore, oui. Des bagarres, non « .

Lierse et RWDM x 25

Pour Herman Van Holsbeeck également, tout a commencé chez le voisin. Il était même, au départ, employé comme délégué commercial au sein de l’entreprise de construction de Vermeersch.  » A ce moment-là, il avait quitté le milieu du football « , se souvient-il.  » Tout comme moi, d’ailleurs, puisque j’avais entraîné auparavant des clubs comme le RJ Wavre, Londerzeel et le SCUP Jette. Lorsque Johan Vermeersch a repris le RWDM, il s’est souvenu de mon passé footballistique, et m’a demandé de m’occuper du scouting et de l’école des jeunes pour le club. C’est ainsi que j’ai mis la main, un jour, sur un certain WesleySonck. Après deux années, lorsque des problèmes ont surgi entre Johan Vermeersch et la Compagnie Immobilière de Belgique (CIB), conduisant au départ de mon ancien patron, je suis devenu manager général à la demande de cette dernière. Un poste que j’ai occupé pendant deux autres années. Pour ce faire, j’ai dû quitter l’entreprise de Johan Vermeersch et je crois qu’il m’en a un peu voulu. Malgré tout, je dois lui être reconnaissant car il m’a relancé dans le football et j’ai énormément appris à son contact. D’abord, avec lui, il ne faut pas compter ses heures. A ce niveau-là, on peut le comparer à Michel Verschueren. Il connaît aussi très bien le football. J’ai été à très bonne école. Par la suite, j’ai volé de mes propres ailes et je pense pouvoir dire que je ne me suis pas mal débrouillé, notamment au Lierse où j’ai passé quatre années, mais je ne peux pas oublier que c’est avec Johan Vermeersch que tout a commencé. Ce qu’il m’a enseigné va m’être utile à Anderlecht. A cettedifférence près qu’Anderlecht, c’est le Lierse et le RWDM multipliés par 25 « .

Autre public, autres sponsors

Par rapport à sa période molenbeekoise, Van Holsbeeck a acquis de l’expérience.  » Et celle-ci est d’une valeur inestimable « , affirme-t-il.  » Au RWDM, je débutais dans la profession. J’ai connu des réussites et des échecs. Parmi les réussites, je pense pouvoir citer la collaboration avec Feyenoord. J’avais déjà compris qu’un club comme le RWDM, aux moyens assez limités, ne pouvait subsister qu’en collaborant avec un grand club européen et en mettant l’accent sur la formation des jeunes. Je n’ai jamais tenté un rapprochement avec Anderlecht, car je crois que cela aurait été mal perçu : la rivalité était encore trop vive. Sans avoir totalement disparu, j’ai l’impression qu’elle s’est atténuée aujourd’hui : les deux clubs ne chassent plus sur le même terrain. Parmi les échecs, j’ai sans doute commis une erreur au moment où le club est descendu en D2 : celle de vouloir remonter tout de suite. De trop lourdes dépenses ont été consenties pour présenter une équipe compétitive, et lorsque le succès n’est pas au rendez-vous, elles ne peuvent pas être récupérées. Il aurait sans doute été préférable de se serrer la ceinture pendant quelques années, pour reconstruire progressivement avec des jeunes, mais cela aurait alors signifié une perte d’ambition et les supporters (comme la presse et le président d’ailleurs) l’auraient difficilement accepté. Je crois, effectivement, qu’il y a de la place pour deux clubs à Bruxelles. Si ce n’est pas possible dans la capitale de l’Europe, où le serait-ce ? Mais un club fusionné a généralement besoin de dix ou quinze années pour se créer un public. Le RWDM, même à sa meilleure période, avait une moyenne d’à peine 8 à 9.000 spectateurs payants. Combien de temps mettra le FC Brussels pour atteindre ce chiffre ? Il y aura tout un travail à faire à ce niveau, mais je crois aussi que le nouveau club ne doit pas nécessairement viser le même public qu’Anderlecht. Au Sporting, sur les 20.000 abonnés, un infime pourcentage provient de Bruxelles. La majorité provient de la périphérie et même d’autres provinces, notamment d’Anvers. Les deux clubs ne doivent pas nécessairement viser les mêmes sponsors non plus. C’est une leçon que j’ai apprise durant ma période lierroise. J’avais constaté que, lors de la fusion entre le Germinal et le Beerschot, les dirigeants du nouveau GBA avaient directement contacté des multinationales, qui sont nombreuses au port d’Anvers. Or, celles-ci ne s’intéressent pas à des clubs de ce niveau. Pour le Lierse, j’ai préféré sensibiliser une multitude de PME locales « .

Daniel Devos

 » Il y a de la place pour deux clubs de D1 à Bruxelles  » (Michel Verschueren)

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