» Eden ? Le plus grand talent belge « 

Le meilleur ami d’Axel Witsel évoque en long et en large ses premiers pas chez les Diables, son avenir en club et ses grandes ambitions avec la Belgique. Rencontre avec un éternel optimiste.

Tout va très vite en football. Nacer Chadli (21 ans) en est l’exemple parfait. Quasi inconnu il y a un an, le joueur de Twente est aujourd’hui titulaire du onze de Georges Leekens après avoir éclaboussé de sa classe l’ Eredivisie. Rares sont ceux qui n’ont pas été séduits par les prestations en Autriche et face à l’Azerbaïdjan de ce technicien à l’apport athlétique surprenant. En marge des terrains, ce Liégeois pur jus ne se la raconte pas. Disponible et bien dans ses baskets, Chadli ne semble pas encore happé par le vedettariat. Tout juste une montre Cartier (avec son nom gravé au dos) habille son poignet, cadeau du club pour une saison longue et riche. Un incentive typiquement  » footballeur de haut niveau « …

Transfert à Twente, Ligue des Champions, les Diables, la Coupe des Pays-Bas, en un an seulement. Comment voyais-tu ton avenir il y a 12 mois alors que tu évoluais toujours pour Apeldoorn en D2 hollandaise ?

Nacer Chadli : Je n’en savais encore rien. Je n’ai signé à Twente que le 2 août, c’est-à-dire le jour de mon anniversaire. Je n’avais pas envie de retourner en Belgique. Mon objectif était de poursuivre ma carrière aux Pays-Bas, voire de tenter ma chance en Allemagne car je savais que des clubs m’y suivaient. J’aime le foot pratiqué en Hollande, c’est un jeu ouvert, offensif, où l’on joue un maximum au sol, ce qui me convient.

Un retour en Belgique aurait-il pu t’intéresser ? Au Standard par exemple où tu as évolué chez les jeunes ?

Si j’avais eu le choix entre Twente et le Standard, j’aurais de toute façon choisi Twente. Et ce toujours à cause du jeu proposé aux Pays-Bas. De plus, le Standard ne participait pas à la Ligue des Champions, Twente bien.

Avec Mehdi et Axel

Tu en veux au Standard de ne pas t’avoir fait confiance chez les jeunes ?

Non, pas du tout. Lors de ma dernière année là-bas, je n’ai pas suffisamment démontré mes qualités. J’ai aussi connu pas mal de blessures liées à des problèmes de croissance et je me retrouvais donc souvent sur le banc. Quand Christophe Dessy (ex-directeur des jeunes au Standard) m’a signalé que le club ne me conserverait pas, j’étais déçu mais je m’y attendais. Ça faisait huit ans que je jouais au Standard, j’aimais beaucoup le club mais à cette période, très peu de jeunes réussissaient à intégrer l’équipe première. On n’avait pas véritablement d’exemples. Beaucoup de parents décidaient d’inscrire leur fils ailleurs pour cette raison.

Tu es de la génération des Axel Witsel et Mehdi Carcela. Tu imaginais que ce duo allait réussir ?

Mehdi… Ben !, il avait quelques petits problèmes disciplinaires ( il rit). Donc il se retrouvait souvent sur le banc avec moi. Axel, lui, jouait tout le temps. Chez les jeunes, il était pour moi le meilleur de l’équipe. Il lisait le jeu à la perfection, techniquement il était habile, et déjà très mature pour son âge. Ça ne m’a pas étonné qu’il se retrouve dans le noyau des pros à 17 ans.

Tu le jalousais ?

Non, il le méritait. C’était mon meilleur ami, j’étais content pour lui tout simplement.

En étant mis de côté chez les jeunes du Standard, tu pensais devoir faire une croix sur ton ambition de devenir pro ?

C’est évident que mes chances diminuaient. Mais après une seule saison à Maastricht, j’ai signé à Apeldoorn en D2 hollandaise où j’ai obtenu un contrat pro. Tout a changé pour moi dès cet instant : j’habitais seul, j’ai pris de la bouteille. La première saison, j’ai observé, je me suis adapté. La deuxième je suis devenu titulaire, et la troisième saison un joueur cadre…

Comment expliques-tu cette évolution ?

J’ai pris des centimètres à partir de mes 17 ans. Physiquement, je me suis beaucoup développé. Et puis, les conditions de travail aux Pays-Bas étaient très bonnes. Peter van Vossen ( NDLR, ancien attaquant de Beveren et d’Anderlecht qui affichait de 1989 à 1993 une magnifique toison blonde à crolles) qui était mon entraîneur adjoint, m’a transformé au niveau du caractère : il était dur, exigeant. Et vu qu’il avait joué à ma position, il m’a donné beaucoup de conseils, comme par exemple de frapper au but davantage. C’est lui aussi qui m’a orienté vers le flanc gauche : il me disait que c’était une place pour spécialistes, pour joueurs qui savent faire la différence. Et que, si un jour je voulais gagner beaucoup d’argent, c’est à cette place que je devais m’imposer ( il rit).

Pour un dribbleur, être droitier et évoluer sur la gauche, c’est la place rêvée non ?

Oui, ça permet de rentrer dans le jeu, de varier les coups, c’est très vite devenu ma place favorite. Chez les jeunes du Standard, je jouais numéro 10 avec Axel dans mon dos. A Maastricht, j’ai continué à cette position. A Apeldoorn, j’ai débuté au milieu défensif avant de me retrouver sur la droite. Ce n’est que lors de ma dernière année que j’ai occupé le couloir gauche.

Maicon en poche

Ce qui est frappant, c’est ta faculté d’adaptation. En quelques mois, tu es passé de la D2 à la Ligue des Champions, d’un anonyme défenseur hollandais à Maicon, dont tu as même pris le dessus quand l’Inter s’est déplacé à Twente en début de saison.

Que dire ? Je ne me suis simplement dit que c’était un match de foot comme un autre, sans plus. Que Maicon avait deux jambes, deux bras comme moi. Après coup, je dois reconnaître que j’étais fier de moi, même si je m’en voulais des trois-quatre pertes de balle sur le match.

Qu’est-ce qui t’a frappé chez Michel Preud’homme ?

Il est très exigeant car c’est un gagneur. Son discours est sans cesse dirigé vers un seul objectif : la victoire. Et puis, c’est un perfectionniste, il analyse les moindres détails de l’adversaire, toutes ses petites faiblesses. S’il estime qu’il y a un coup à jouer sur phases arrêtées, on y travaille. Il peut également modifier son système de jeu en fonction de l’adversaire.

Preud’homme est particulièrement louangeur à ton propos. Il estime par exemple que tu peux arriver très haut car ta marge de progression est très importante. Tu as aussi ce sentiment ?

Oui, quand même ( il rit). Je suis ambitieux, je ne vais pas le cacher. Je ne vais pas vous dire non plus que je peux m’installer au Real Madrid ou au Barça. Pour jouer à pareil niveau, il faudrait que je m’améliore dans tous les secteurs de jeu. Mais dans d’autres clubs pourquoi pas.

Le choix des Diables

A quand remonte ton premier contact avec un membre de la fédération belge ?

C’était aux environs du mois d’octobre. Georges Leekens a d’abord appelé Michel Preud’homme pour prendre quelques renseignements. Ce n’est que fin décembre, que j’ai eu un entretien privé avec le sélectionneur.

Et avec la sélection marocaine ?

Eric Gerets m’a appelé début septembre. Il n’était pas encore officiellement sélectionneur du Maroc mais ce n’était qu’une question de jours. Il voulait savoir si j’étais intéressé par le fait de jouer une rencontre amicale en Irlande. Il m’avait bien précisé que ce match n’aurait aucune incidence sur mon choix d’équipe nationale.

Un match en Irlande que tu as finalement joué, où tu as été très bon d’ailleurs. Aujourd’hui, tu ne regrettes pas d’avoir donné de faux espoirs au Maroc ?

Non pas du tout. Ce fut une expérience intéressante. J’ai la double nationalité, j’ai du sang marocain, ma famille est originaire d’Oujda et je n’ai pas une tête à m’appeler Albert ( il rit). Que j’hésite sur la question, quoi de plus normal…

On a pu lire que tu justifiais ton choix pour des raisons de carrière, que rejoindre les Diables était sur ce point un avantage.

Non, je n’ai jamais tenu de tels propos. La Belgique était le pays où ma famille a vécu, où j’ai vécu, c’était donc un choix naturel. Aussi, certaines personnes ont été honnêtes avec moi, comme mon coach, Preud’homme. Il m’a clairement dit que de se passer d’un joueur un mois et demi pour cause de Coupe d’Afrique, c’est pas évident. Et que ce n’était clairement pas un avantage pour ma carrière.

Le public marocain a été très dur sur différents forums après que tu aies communiqué ta décision. Comment as-tu vécu les menaces et autres insultes ?

Les premières semaines n’ont pas été faciles. On a même piraté mon site internet personnel. Lors de mon premier match avec la Belgique face à la Finlande à Gand, il y avait lors de l’échauffement un supporter marocain en bord de terrain qui n’arrêtait pas d’insulter moi et Yassine El Ghanassy. En tant que joueur je ne pouvais évidemment pas répondre. Et Marc Wilmots s’en est occupé : il lui a dit que s’il ne la fermait pas, il irait le chercher. Et il s’est calmé. Pour le reste, les menaces et autres se sont éteintes avec le temps.

Chez les Diables, tu as encore démontré que tu n’avais pas besoin de période d’adaptation.

Je ne suis pas d’un naturel stressé d’autant qu’on me demande de faire ce que je fais le mieux : jouer au football. Avec un ballon, je me sens à l’aise partout.

Des joueurs t’ont chapeauté lors de ton arrivée dans le noyau ?

Je me suis naturellement retrouvé avec Axel mais aussi avec Dries Mertens qui est devenu un super pote depuis notre période à Apeldoorn. Et puis Vincent Kompany et Daniel Van Buyten, qui sont les deux joueurs qui encadrent le groupe, m’ont directement mis à l’aise. J’ai aussi dû être baptisé et pousser la chansonnette. Mon Frère Jacques a bien fait rire l’assemblée.

Tu t’attendais à pareil engouement du public belge ?

J’ai été positivement surpris, d’autant que j’étais venu voir les Diables à Bruxelles il y a un an face à la Bulgarie où il n’y avait quasi personne. A certains endroits du stade, on pouvait quasi compter les spectateurs. On pouvait aussi les comprendre vu les résultats des dernières années. C’est pas évident de supporter une équipe qui perd tout le temps…

Lukaku, trop jeune pour aller en boîte

Tu le sens bien face à la Turquie ?

Oui. On va le gagner.

La Belgique est plus forte que la Turquie ?

Je le pense, oui. Ok, un match n’est pas l’autre mais par rapport à celui que j’ai vu des Turcs face à l’Azerbaïdjan, j’estime qu’on a davantage de qualité.

Qu’est-ce que Leekens a de particulier ?

Il est comme Preud’homme, il veut gagner quel que soit le prix. Pour lui l’important c’est la gagne, rien d’autre.

Comme en Autriche où tu joues un match très dense, surtout défensivement.

Oui, j’ai conscience que ce n’était pas le plus beau match à regarder mais c’est une partie où on a appliqué les consignes du coach : collectif et compact. Et on est repartis avec les trois points. Wilmots a également un rôle important. Il a toujours ce côté joueur, c’est un leader.

Quel regard portes-tu sur la polémique autour de Hazard chez les Diables ? D’autant que tu es en quelque sorte celui qui lui piquait sa place ?

J’ai été un peu surpris par la dimension que tout ça a pris. Mais ça m’est vite passé au-dessus. Reste qu’Eden est un super joueur. C’est le plus grand talent belge, ça ne fait aucun doute.

C’est le joueur le plus doué avec lequel tu as joué ?

Dans le même style, on a Bryan Ruiz à Twente. Mais c’est sûr qu’il a les qualités pour jouer au top niveau. Tout dépendra de son évolution et de ses choix de carrière.

On l’a dit aussi un peu effacé, à l’écart dans le groupe. Tu confirmes ?

Non, c’est faux. Il a une super mentalité. On s’échange de temps à autre des sms. Je lui en ai envoyé un après sa victoire en Coupe, lui a fait de même après la mienne.

Et à l’entraînement, ça donne quoi ?

Il n’est peut-être pas comme un Vertonghen qui se donne à fond à chaque entraînement mais il ne faut surtout pas croire qu’il n’est pas appliqué.

Tu te réjouis de l’éventualité de jouer avec lui face à la Turquie ?

C’est sûr. On avait déjà débuté ensemble face à la Finlande et ça s’était vraiment bien passé. J’avais commencé à droite mais on a sans cesse permuté.

Beaucoup parlent de  » génération exceptionnelle  » en évoquant les Diables. Même la presse étrangère s’y met. Tu as aussi ce sentiment de faire partie d’un groupe brillant ?

Excepté Van Buyten au Bayern Munich, Thomas Vermaelen à l’Arsenal, ou Kompany à Manchester City, les autres ne jouent pas encore dans des clubs de ce calibre. On est encore tous à une étape intermédiaire. On doit encore grandir, et je pense que dans quelques années on sera très forts car beaucoup de joueurs évolueront alors à un très très haut niveau. Vincent est un modèle sur ce point. Même aux Pays-Bas, on me demande des infos sur lui. Tout le monde est impressionné par ses qualités.

Après la Turquie, tu t’envoles avec plusieurs Diables pour des vacances à Miami. Lukaku est malheureux de ne pas pouvoir vous accompagner, tu ne peux pas faire quelque chose pour lui ?

Malheureusement pour lui, il n’a pas encore l’âge.

Et s’il a un mot des parents ?

Il faut 21 ans pour aller en discothèque aux Etats-Unis. S’il les avait, il serait venu avec nous, y a pas de problèmes ( il rit)…

THOMAS BRICMONT ET GEERT FOUTRÉ – PHOTOS: REPORTERS/ GOUVERNEUR

 » Si j’avais eu le choix entre Twente et le Standard, j’aurais de toute façon choisi Twente. « 

 » Normal que j’ai pensé au Maroc : je n’ai pas une tête à m’appeler Albert ! « 

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