EDEN HAZARD

C’est le petit génie que le foot mondial nous envie. Un Ballon d’Or en puissance aux dires de ceux qui l’ont vécu de près. Retour sur les records de précocité de l’aîné des Dalton brothers.

« Ce qu’il faut retenir ? Hmmm… Il y a quand même un jeune talent qui a frappé les esprits.  » Les mots viennent de Guillaume Gillet après un match de la honte pour les Diables Rouges. On est en novembre 2008, ils viennent de faire un triste nul (1-1) à Luxembourg. C’est l’époque de la pleine déconfiture avec René Vandereycken, et au moment où les joueurs remontent dans le car, les rares supporters belges qui ont bravé les routes enneigées pour assister à cette parodie de football leur balancent un  » Shame on you  » révélateur. Aucune chaîne belge de télé n’a jugé utile de retransmettre la rencontre, c’est tout dire.

Dans le marasme, Sport / Foot Magazine écrit à l’époque :  » Ah oui, il y a quand même ceci… Mercredi 19 novembre 2008 à 21 h 55, a star is born. Repris pour la première fois dans le noyau des Diables, Eden Hazard est monté au jeu pour les 25 dernières minutes. Il a vite montré qu’il était capable de trucs de fou, d’enchaînements de dribbles et de tirs qui font vibrer.  » On se souvient d’une percée magnifique et de jolis mouvements dans un petit espace, sur la gauche du rectangle. Il a même failli marquer un but.

Eden Hazard, né à La Louvière dans le même hôpital qu’EnzoScifo, a alors 17 ans. C’est précoce pour débuter en équipe nationale. Il devient le septième Diable Rouge le plus jeune de l’histoire et saute l’étape des Espoirs après avoir été international depuis les -15. Mais la précocité est le fil rouge de sa jeune carrière. Pendant les trois premiers mois de sa gestation, il était déjà sur les terrains de foot ! Sa mère, qui jouait en D1, a ensuite arrêté pour éviter des complications.

Eden a récemment déclaré dans un magazine anglais :  » Habiter près d’un terrain de foot m’a bien aidé. Avec mes frères, on n’avait qu’à passer une barrière et on y était. C’était très bien pour mon père, ça lui évitait de réparer les portes et les fenêtres de la maison.  » Son père Thierry jouait aussi au foot, en D2. Mais  » ce n’est pas parce que j’avais des parents footballeurs que je me suis senti poussé. Ils ne nous ont jamais mis la pression. Je ne me sentais pas obligé de devenir pro. Si j’avais eu envie de faire du piano, je suis sûr que mes parents m’auraient encouragé dans ce loisir-là.  »

Chez les Dalton (Eden à Chelsea, Thorgan à Zulte Waregem, Kylian au White Star, Ethan à Tubize), on fait tout très vite, pas seulement les dribbles et les infiltrations dans le camp adverse. Comment Lille a repéré Eden alors qu’il n’avait que 12 ans ? Dans un match contre des filles !  » Avec Tubize, on affrontait l’équipe nationale U17 des filles, on a perdu 4-0, j’ai fait une prestation horrible.  »

Toujours un temps d’avance

Précocité, suite. Eden Hazard a 16 ans, 10 mois et 17 jours en 2007 quand il fait ses débuts en Ligue 1 avec le LOSC (nouveau record de jeunesse pour le club), il entre pour le dernier quart d’heure. A Nancy, avec Claude Puel comme coach. Juste avant, Puel l’a aligné pour la toute première fois en équipe A. Dans un match amical contre le Club Bruges ! Il se souvient de celui qu’il appelait sa  » petite pépite belge  » et dit :  » C’est un joueur hors normes. Il était déjà hors normes quand il était gamin, par sa qualité et par l’approche qu’il a du foot. La pression glisse sur lui. Il a énormément de sûreté et il dégageait beaucoup de maturité dès son plus jeune âge.

En France, il était au-dessus du lot. Aujourd’hui, il ne fait que confirmer en Angleterre ce qu’il avait montré aux Français à l’âge de 16 ans. Il a un temps d’avance sur la plupart des autres joueurs. Dans une équipe, il faut des bons footballeurs et des gars exceptionnels. Il fait partie des exceptionnels. C’est le Monsieur Plus de l’équipe belge, comme Lionel Messi est le Monsieur Plus de Barcelone. Il peut remporter le Ballon d’Or, je ne me fais pas de soucis pour lui puisqu’il avait déjà tout à 16 ans.  » Son premier entraîneur le compare à Messi et n’hésite pas à ajouter une  » touche de Zinédine Zidane  » chez Eden Hazard.

Pendant sa première saison pleine avec Lille, à 17 ans, il dispute une trentaine de matches. Une seule fois, il n’est pas sur la feuille de match : une première indication de sa faculté à résister aux charges adverses. On s’en doute déjà à l’époque : Eden Hazard sera rarement abonné à l’infirmerie. Il marque son premier but en Ligue 1 en septembre 2008 ; il a 17 ans, 8 mois et 13 jours. Dans l’équipe du LOSC, il y a Rio Mavuba, qui va devenir un ami intime.

 » On l’a mis directement dans le bain, on lui a fait comprendre qu’il y avait des règles à respecter « , dit-il.  » Il a pris quelques gifles et quelques tacles bien appuyés à ses débuts chez les pros. Il a une énorme confiance en lui. De l’extérieur, ça peut même passer pour de l’arrogance. Mais il est tout sauf quelqu’un de suffisant.  »

Derrière la réussite lilloise de Hazard, outre Puel, il y a le coach qui lui succède et dirige notre nouvelle star pendant quatre saisons : Rudi Garcia.  » Il devient un des plus grands joueurs européens « , lâche-t-il aujourd’hui.  » Qu’il continue à bosser dur, il va obtenir tout ce qu’il pourra obtenir de son talent. Il est déjà devenu le ou un des meilleurs joueurs d’une équipe de très haut niveau dans un championnat majeur. Il s’est mis à marquer, et c’est pendant sa dernière saison à Lille qu’il avait commencé à prendre une dimension de buteur. Et en équipe belge, ce n’est pas un des joueurs les plus importants, c’est carrément le plus important.  »

Tony Parker ou Pablo Picasso ?

Garcia ajoute que son ancien joueur est occupé à  » tout exploser  » et il pense lui aussi que Hazard  » peut recevoir le Ballon d’Or un jour. La qualité première des grands joueurs comme lui, c’est de tout voir avant les autres et d’être capables d’exécuter dans les dix secondes les mouvements qu’ils ont en tête. Eden a tout ça. Je le compare à Tony Parker : il est insaisissable et capable de faire jouer les autres ou de scorer lui-même. A Lille, j’ai parfois dû être dur avec lui mais je savais qu’il avait la capacité de faire des choses extraordinaires.  »

Enzo Scifo confirme :  » Les joueurs qui possèdent une technique au-dessus de la moyenne sont souvent des hommes un peu à part, des artistes qui procurent du plaisir aux gens grâce à leur créativité. Si un amateur de peinture assistait à un match de foot, il comparerait sans doute Eden à… Pablo Picasso.  »

En 2009 et 2010, Eden Hazard est élu meilleur jeune joueur de Ligue 1. Logique. En 2011, c’est le carton plein : titre et Coupe de France avec Lille, mais aussi meilleur joueur du championnat. Il est désormais le plus jeune au palmarès, ça vous étonne ? Quelques-uns des grands noms qui ont reçu ce trophée, mais à un âge plus avancé : David Ginola, Zinédine Zidane, Marco Simone, Pauleta, Didier Drogba, Michael Essien, Florent Malouda, KarimBenzema,…

On le rencontre quelques semaines plus tard dans un hôtel du centre de Lille, toujours accompagné de son agent bodyguard, John Bico. Il nous dit :  » Je suis encore un grand bébé.  » Ben oui ! Et il s’attarde longuement sur sa précocité maladive, sur son manque d’expérience aussi :  » Je suis un des plus jeunes du groupe et ce n’est pas mon genre de l’ouvrir beaucoup dans le vestiaire. Je suis un vrai calme. Je vais grandir, peut-être que ça changera. Mais ce n’est pas sûr. Devenir leader, on a ça dans sa nature ou on ne l’a pas. Fernando Torres était capitaine de l’Atletico Madrid à 20 ans, idem pour Steven Defour au Standard.  » Encore cette remarque sur sa jeunesse :  » Fatigué, moi ? Jamais. Si je souffre de la fatigue à 20 ans, qu’est-ce que ce sera plus tard ?  »

Toujours en 2011, Hazard célèbre deux autres événements : ses débuts en Ligue des Champions et son premier but chez les Diables. Ce goal contre le Kazakhstan a beaucoup de valeur. Parce que Hazard a dû attendre près de trois ans pour trouver l’ouverture avec l’équipe nationale, parce qu’il vient juste après son conflit avec Georges Leekens sur l’histoire du hamburger, et aussi parce qu’on commence à dire que le Brainois est rarement aussi bon avec son équipe nationale qu’avec Lille. Cela apparaît clairement dans le communiqué diffusé par le clan Hazard après l’annonce de sa suspension pour trois matches – toujours à cause du  » scandale du hamburger « . On y lit qu’il est impliqué dans 89 % des buts du LOSC, en ne tirant pas les penalties et en bottant peu de coups francs. Et son entourage en profite pour signaler qu’il a rarement la confiance de Leekens, qu’il a peu joué lors des matches précédant le clash du sandwich devant le Stade Roi Baudouin.

Un n°10 sur le banc

C’est clair que le coach national se moque de la précocité du joueur et ignore à la limite son talent. Marc Wilmots s’y prend autrement. Il voit évidemment que Hazard n’est pas le même dans son club et chez les Diables. Alors, il accepte de lui accorder l’un ou l’autre avantage. Traitement de faveur. Belgique – Ecosse, octobre 2012. Alors qu’il veut que ses 11 titulaires portent systématiquement les numéros 1 à 11, et c’est comme ça depuis son arrivée, Wilmots fait une exception ce jour-là. Hazard commence sur le banc mais il conserve son numéro 10.

 » J’ai décidé de lui laisser le 10 « , dit le coach.  » Ce n’est pas parce qu’il est réserviste qu’il ne peut plus avoir son numéro fétiche. Je fais une exception pour lui parce qu’il sera très important dans le futur. On est en train de le former et un jour viendra où il lâchera les gaz.  » Pour exprimer les choses autrement,  » oui, le maillot numéro 10 est intouchable. Mais le 10 peut aussi aller sur le banc.  »

Eden Hazard signe un nouveau record quand il signe à Chelsea en 2012. Il devient le footballeur belge le plus coûteux, avec les 40 millions de son transfert. Il n’y a que pour Fernando Torres que ce club a dépensé plus d’argent. En février de cette année, il est devenu le plus jeune joueur de Chelsea à réaliser un hat-trick : 3-0 contre Newcastle, le tout en moins de 40 minutes. Après ce match, la presse anglaise revient avec les comparaisons, évoque Lionel Messi et Cristiano Ronaldo. Hazard répond que la différence, c’est que l’Argentin et le Portugais font régulièrement une triplette, eux. Pour lui, ce n’était que la deuxième chez les pros.

En tout cas, José Mourinho le considère comme  » le meilleur jeune joueur du monde et comme l’homme autour duquel Chelsea doit construire. Eden balaie les rumeurs qui l’envoient régulièrement du côté du PSG mais la presse française maintient qu’il réfléchit quand même à ce transfert et que les propriétaires qataris de Paris mettront le prix qu’il faudra. On parle de 80 millions, ce qui en ferait le troisième joueur le plus cher de l’histoire.

Côté salaire, il est déjà dans le top 20 mondial. Il est le plus gros salaire de Chelsea (11,5 millions) et empocherait près de 5 millions supplémentaires en rentrées sur des pubs, lignes de parfums, vêtements,… Il se cale entre Thiago Silva et Franck Ribéry. Chez Nivea, son dernier partenaire, on dit :  » On cherchait une personnalité du foot connue de tout le monde. Mais qui ? La Belgique est un pays compliqué et il nous fallait un joueur apprécié autant en Flandre qu’en Wallonie. Hazard présente cet atout. Mais c’est aussi un footballeur qui prend soin de lui et qui plaît aux femmes. Sachant que de nombreuses femmes achètent elles-mêmes les produits cosmétiques pour leurs hommes, c’est un détail important.  »

Un nouveau gros coup financier pour la pépite ?  » Confidentiel « , dit-on chez Nivea. Donc, oui, c’est sûrement un très gros coup.

PAR PIERRE DANVOYE – PHOTOS : BELGAIMAGE

 » C’est le Monsieur Plus de l’équipe belge, comme Lionel Messi est le Monsieur Plus de Barcelone.  » Claude Puel

 » Eden Hazard est notre joueur, le porte-drapeau de Chelsea pour les dix prochaines années. On veut construire l’équipe autour de lui.  » José Mourinho

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