EDEN HAGARD

Comment redevenir hot après avoir été  » hazbeen  » : Eden Hazard rêve d’effacer une saison sombre par un mois de juin lumineux.

Mercredi 8 juin, passage de témoin. Vincent Kompany, ex-capitaine, lance à son successeur lors d’un passage à l’hôtel des Diables :  » Hazardinho comment ça va ? Est-ce que ce brassard n’est pas trop gros pour ton bras ?  »

Lundi 13 juin, 22H49. GrazianoPellè met fin à tout suspense. EdenHazard, hagard, se tourne vers le banc le regard dépité. Il a comme une envie d’ôter ce brassard jaune. Deux minutes plus tard, après avoir salué brièvement le contingent de supporters belges massés derrière le goal, il quitte le stade, retire ce brassard, croise MarcWilmots, évite ce qui ressemble à une tentative de main tendue et conclut sa soirée en passant devant la meute de journalistes avec un regard noir et sans dire un mot. Il est le premier à monter dans le car.

Quelques mètres plus loin, un Diable nous confie ses impressions sur la rencontre des Belges et sur celle d’Eden :  » Ils sont plus forts tactiquement, c’est comme ça. Nous, notre jeu est stéréotypé mais ce n’est pas nouveau, on le sait depuis longtemps. Pourquoi le coach ne fait pas des choix plus offensifs ? Il a trop la pression, donc il fait des choix que la presse soutient. Eden, je trouve qu’il a fait un gros match, mais il était seul. Comment tu veux faire la différence tout seul dans un match comme ça ?  »

Les Diables ont loupé leur entrée en matière. Hazard, lui, a fait ce qu’il a pu. Mais sans briller, sans exploit au bout du pied. Comme souvent, trop souvent chez les Diables. Impliqué, volontaire, donnant le  » la  » et de la voix même par moments, n’hésitant pas à râler sur un Jan Vertonghen multipliant les longs ballons ou un Radja Nainggolan qui a eu, lundi soir, la mauvaise idée de compliquer son jeu.

Le nouveau capitaine des Diables a débuté son deuxième grand tournoi en étant bien plus entreprenant qu’au Brésil où son seul fait d’armes lors de l’entrée en matière face à l’Algérie fut cette passe décisive pour Dries Mertens. Cette fois, Eden a longtemps cherché mais n’a jamais trouvé la solution. Pas mal d’activité sur le flanc gauche repiquant dans l’axe, enfilant un rôle de vrai numéro 10 à la 61e, boitant à la 67e, avant d’observer plus en retrait une brouillonne fin de partie. Un condensé de la vie d’Eden en Diable.

AMOURHAINE

Notre numéro 10 était attendu au tournant. Et le doute réel est compréhensible. Car l’histoire d’Eden Hazard en noir-jaune-rouge a tout d’une relation d’amour-haine. Beaucoup d’amour, certes, pour ce petit bonhomme d’un mètre 72, dont l’apport en termes de médiatisation et de reconnaissance est un cas unique pour la Belgique du foot.

Et la communauté  » Diables  » le lui rendbien. Que ce soit après le fameux burgergate d’il y a 5 ans ou lors de remplacements aux accents provocateurs sous Georges Leekens, le public a toujours choisi son camp. Et si le démiurge de Braine-le-Comte a préféré l’exil, certes proche, pour parfaire son écolage, ou si ses connaissances dans la langue de Vondel sont proches du néant, si sa tchatche est si française, ses prises de balle espagnoles, il symbolise un joli bout de Belgique, il est celui que l’on appelle Eden, sans jamais l’avoir vraiment croisé.

Il reste un peu de haine aussi, ou plutôt de déception pour ces partitions au goût de trop peu. Faites le test. A la question : quel est le match référence d’Eden Hazard en Diable, vous aurez toujours des réponses multiples et souvent suivies d’un long travail de réflexion ou alors un  » aucun  » lapidaire et proche de la vérité. Car hormis cette percussion côté gauche suivie du centre en retrait pour le plat du pied libérateur de Divock Origi en fin de match face à la Russie, difficile de trouver une action majeure dans la panoplie d’Hazard en Diables.

HAZBEEN

Les chiffres se sont inversés cette saison. S’il s’est montré décisif, sans être triomphant pour autant, en sélection, Hazard a connu pour la première fois l’échec en club. Quatre goals et trois assists sur l’ensemble de sa saison en championnat : des statistiques faméliques pour celui qui fut élu un an plus tôt meilleur joueur de Premier League avec 14 buts et 9 passes décisives. Le coup de barre s’est même éternisé pendant 31 matches et 2.358 minutes, durant lesquelles Hazard n’a jamais trouvé le chemin du but.

Pour la première fois depuis longtemps, le Blue s’est même loupé en dehors des terrains, livrant une interview maladroite ( » difficile de dire non à Paris « ) la veille d’affronter le PSG en Ligue des champions. Les chants anti-Hazard ont repris de plus belle. Ceux-là même qui résonnent dans Stamford Bridge depuis le limogeage de José Mourinho en décembre 2015, dont il est tenu pour l’un des responsables, au point d’être traité de  » rat  » à travers une banderole.

Les journaux britanniques ne l’ont pas non plus loupé. The Sun :  » Il a encore été complètement éclipsé sur la plus grande scène, celle à laquelle il pense appartenir.  » The Daily Telegraph :  » Hazard pense qu’il serait difficile de dire non au PSG mais, de la façon dont il joue, il serait facile au PSG de dire non à Hazard.  »

Ou ce tacle du rugueux Roy Keane sur ITV :  » Il a prolongé son contrat il y a seulement un an, et il arrive avec ces propos sans queue ni tête à la veille d’un grand match. Si j’étais l’un de ses coéquipiers, je lui en ferais voir de toutes les couleurs à l’entraînement. C’est un garçon talentueux, mais son attitude est celle d’un enfant gâté.  »  » Hazbeen « , titra même le Daily Mirror.

EQUILIBRE

En prolongeant son contrat jusqu’en 2020, le 17 février 2015, Hazard est définitivement entré dans une nouvelle ère, celle de ceux qui gagnent plus deux cent mille livres (270 000 €) par semaine. Un salaire qui démultiplie les attentes. Mais Mourinho l’assure peu après cette prolongation record :  » Il est devenu plus fort, non seulement dans son corps mais aussi dans son attitude. Il encaisse. Dans sa tête, il est plus dur.  »

Christian Benteke, l’ami indéfectible depuis leurs débuts en jeunes sous le maillot national, s’étonne de l’image erronée qui lui colle aux basques.  » Il est tout le contraire de ce qu’on peut penser, c’est quelqu’un de très sérieux, de très responsable.  » Rudi Garcia (ex-coach de l’AS Rome), qui l’a eu sous ses ordres à Lille, corrobore :  » Il n’est pas flambeur, il a deux enfants, il s’est casé très vite. Il a trouvé un équilibre à la maison. Du coup, il connaît ses priorités, il est loin du bling-bling. C’est aussi une solide personnalité.  »

 » Quelqu’un qui n’en a rien à foutre de ce qui peut être écrit ou dit de lui « , enchaîne Pierre Ménès, grande gueule du foot hexagonal, parti plusieurs fois à la rencontre de notre international depuis sa signature à Chelsea. Un caractère pour qui la mauvaise passe cette saison n’avait rien de dramatique.  » Il me dit tout le temps : T’inquiète frère, c’est le foot. Qu’est-ce que tu veux faire quand l’entraîneur ne veut pas de toi ? « , raconte poto Benteke.  » Il arrive à prendre les situations avec beaucoup de recul. Pour moi, c’est bien plus compliqué.  »

A L’ANCIENNE

Le sens des priorités pour celui qui a grandi plus vite que les autres, déjà père de 3 enfants à seulement 25 ans, mais a su rester en même temps un grand enfant, amuseur, espiègle et bordélique. Avec qui personne n’arrive vraiment à se fâcher. Même le Mou :  » Eden est un garçon fantastique, humble, très poli. Aucun égoïsme, aucun égocentrisme. On ne peut jamais transformer ces hommes fantastiques en une machine de compétition. Eden, c’est un joueur à l’ancienne.  » Une phrase à double sens pour celui qui ne sera véritablement jamais un homme de statistiques.

Eden, c’est un peu monsieur tout le monde en fait. Un clin d’oeil, un petit bedon et des gros fessiers. Un mec simple qui ne se prend pas la tête. Une sorte d’étendard du foot en claquettes, tranquille et décontracté. Simple dans la vie, funky dans le jeu.

 » Si Eden doit tirer un péno à la dernière minute de la Coupe du Monde, il s’en fout. Ça ne va pas du tout le stresser « , assure Bentek’. Une décontraction déconcertante qui avale les années avec assurance mais sans prétention.  » Après avoir signé à Chelsea, il m’a dit : j’y joue deux ans, je suis transféré au Real, je gagne le Ballon d’Or, puis je termine ma carrière à 30 ans au PSG « , raconte en guise d’anecdote l’un de ses proches.

CAPITAINE

 » Je peux prendre la parole de temps en temps mais vous me connaissez, je ne suis pas quelqu’un qui parle beaucoup. Je m’exprime plus sur le terrain.  » Un capitaine avec les pieds et sans la parole. Même si on note une implication plus importante depuis que le brassard lui a été confié. Hazard qui traverse le terrain pour sauter dans les bras du T2, Vital Borkelmans, après son but de la tête face à la Norvège, ça n’a rien d’anodin.

Comme quand il offre ses souliers à un enfant qu’il a quasiment assommé sur une frappe lors de l’entraînement des Diables à Genk. Hazard affiche son bonheur et celui-ci semble contagieux. Sauf en fin de match face à l’Italie où son ras-le-bol était compréhensible.

 » Ce brassard lui donnera certainement plus de responsabilités, au point de le booster encore plus. Quand tu es capitaine, c’est toi le leader qui montre la voie, mais qui te fait aussi montrer du doigt s’il y a un problème. Pour Eden, ça lui permettrait peut-être de devenir en sélection le joueur qu’il est dans son club. Ce brassard doit lui permettre de le responsabiliser « , nous raconte Romelu Lukaku peu avant le début du championnat d’Europe.

LE RETOUR

Face à l’Italie, Hazard a assumé son rôle de patron. Bien trop seul, pas assez aidé pour faire la différence. Et pourtant, il y a un mois, le 2 mai, on avait revu l’Eden. Face à Tottenham, Eden récupère le cuir au milieu de terrain, évite trois Spurs, prend appui sur Diego Costa avant d’enrouler une frappe dans la lucarne d’Hugo Lloris. Un but en or qui donne le titre à Leicester et qui est élu  » plus beau goal de la saison  » des Blues.

Hazard est retrouvé, évolue entre les lignes, libre, décrochant plus bas pour toucher le ballon et retournant plus haut pour briser les lignes. Que ce soit sur la scène nationale ou internationale, Chelsea a rapidement perdu toutes illusions. Ce qui a permis à notre numéro 10 de se refaire une santé et de se reconstruire après plusieurs mois difficiles.

 » Le dernier match où j’ai tout donné, c’était effectivement contre le PSG en Ligue des Champions. Après, je me suis blessé et la saison s’est terminée pour Chelsea. J’ai donc pris mon temps pour revenir à 100 %. Et là, je le suis. J’en ai profité pour souffler un peu.  »

Les malheurs des Blues font le bonheur des autres. Sauf que ça ne se concrétise toujours pas dans les faits.  » Devenir l’un des meilleurs joueurs de cet Euro « , comme espéré, on en est loin. Mais est-il le seul responsable du manque de jeu, d’effets de surprise chez les Diables ?

PAR THOMAS BRICMONT – PHOTOS BELGAIMAGE

 » Notre jeu est stéréotypé mais ça, on le sait depuis longtemps.  » UN DIABLE APRÈS BELGIQUE-ITALIE

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