» ÉCRIVEZ-LE : HASI VA DEVENIR UN TOUT GRAND COACH « 

Dimanche, au Club, Anderlecht abat son ultime carte mais il a déjà tiré les leçons de cette saison, affirme Herman Van Holsbeeck, en poste depuis treize ans.  » Je saurai dans deux semaines si ce chiffre porte bonheur ou pas.  »

« Cette saison est caractérisée par notre irrégularité « , déclare Herman Van Holsbeeck.  » On se focalise sur les matches où nous avons été très faibles, comme contre Waasland-Beveren et Ostende. D’autre part, nous avons signé une belle série en Europa League, contre des équipes face auxquelles on ne nous donnait pas de chance et nous avons mis fin à la série du Club en le battant 1-4 au Jan Breydel. Bref, nous avons bien joué contre les grandes équipes et très mal contre les petites. Nous étudions les causes du problème.  »

Les connaissez-vous ?

HERMAN VAN HOLSBEECK : Oui, mais je ne procéderai à une évaluation complète, avec la direction, qu’à l’issue de la saison. Nous avons donné le ton en offrant leur chance aux jeunes tout en obtenant des résultats. Youri Tielemans n’a encore que 18 ans, nous avons encore Dennis Praet, Lukebakio, Michael Heylen. Ils ont fatalement des contrecoups. Comment assurer la post-formation, pour que leurs performances aillent crescendo ?

Vous pourriez opter pour l’argent en vendant directement les jeunes ?

VAN HOLSBEECK : Notre objectif est d’amener des joueurs en première et de profiter de leurs qualités deux ou trois ans. Dans le passé, nous avons perdu des talents à la Januzaj et Musonda Jr avant même qu’ils n’intègrent l’équipe première. Nous les conservons, maintenant. Le défi consiste à trouver un équilibre entre les jeunes et les moins jeunes. Or, le puzzle s’effondre tous les trois ans. Nous avons conservé Mitrovic deux ans. Disputer deux saisons de suite les demi-finales de la Youth League est fantastique mais ce noyau ne va peut-être fournir qu’un ou deux joueurs.

Jusqu’où allez-vous pour garder un jeune comme Dennis Praet ? Est-il surprotégé et pense-t-il à Séville quand il joue contre Waasland-Beveren ?

VAN HOLSBEECK : L’encadrement des joueurs prend de l’importance. A mon arrivée ici, il y a treize ans, j’ai constaté, après le Soulier d’Or d’Aruna Dindane, qu’un jeune pouvait perdre la boussole quand il n’était pas encadré. Nous avons mis en place une cellule sociale de sept personnes qui s’en occupent quasi à temps plein. Mais nous constatons que plus on aide les joueurs, plus ils s’appuient sur ce soutien. Il faut veiller à ce qu’un jeune étranger trouve ses marques mais quand il est installé, il doit prendre plus d’initiatives, sans faire appel jour et nuit à d’autres. Nous les surprotégeons peut-être. Mais je ne parle pas, dans ce cas-ci, d’un jeune comme Dennis Praet.

 » AVEC BOUSSOUFA, LE DEAL ÉTAIT CONCLU À 95 %  »

Quel est le problème de joueurs comme Praet et Tielemans ?

VAN HOLSBEECK : Je trouve normal que Praet, qui joue ici depuis quelques années, qui a gagné des titres et le Soulier d’Or, ait envie de relever un nouveau défi mais il faut que toutes les parties en sortent gagnantes.

Reste à espérer que le club intéressé soit venu voir le match contre Gand et pas celui contre Ostende.

VAN HOLSBEECK : J’ai appris qu’un manager devait collaborer avec les joueurs dans leur plan de carrière. Quand on retient un Dindane contre son gré, tout le monde est perdant. Nous convenons donc de certaines choses avant la période des transferts. Mbemba et Mitrovic savaient exactement où ils en étaient. Dennis aussi, depuis le stage à La Manga. S’il continue à jouer comme ça, ça profitera à tout le monde. Un club s’intéresse à lui mais il y a des kilomètres entre son offre et notre demande. Tout le monde approche les joueurs qui n’ont plus qu’un an de contrat, sachant que les clubs en difficulté négocieront vite. Mais nous n’avons pas de problèmes financiers et nous pouvons nous permettre d’attendre.

La plupart des gros transferts ont lieu en août.

VAN HOLSBEECK : C’est dans la dernière semaine qu’on fait les meilleures affaires. Etre champion est idéal car cette place est synonyme de qualification directe pour la phase des poules de la Ligue des Champions, ce qui permet d’être tranquille jusqu’en septembre. Dans les autres cas, il faut être prêt plus tôt. Cette année, nous avons un avantage : hormis Praet et Proto, tous nos joueurs sont encore sous contrat pour au moins deux ans et en principe, personne ne peut partir sans notre accord. C’est aussi pour ça que Mbark Boussoufa n’est pas venu. On ne peut pas dépenser autant d’argent pour un joueur qui ne vient que pour un an.

La semaine dernière, en voyant l’entrée au jeu de Boussoufa, avez-vous été satisfait de ce choix ?

VAN HOLSBEECK : On ne peut pas le juger sur cette entrée au jeu. Le conseil d’administration jugeait l’impact financier de ce dossier trop important pour un an. Si Boussoufa nous avait accordé la possibilité de le garder un an de plus, il serait ici. Le deal était conclu à 95 %. Nous regrettons toujours l’issue des discussions et Bous aussi, sans doute.

 » NOTRE IRRÉGULARITÉ N’EST PAS UNIQUEMENT LA FAUTE DU COACH  »

Anderlecht n’est visiblement pas assez fort mentalement pour prester chaque semaine. C’est une constante.

VAN HOLSBEECK : Il est difficile de composer un noyau où le courant passe entre les jeunes et les anciens, où les premiers acceptent d’être éduqués par les plus âgés. Lukebakio est arrivé cinq fois en retard lors de son premier stage. Quand le directeur des jeunes actuel, Jean Kindermans, a été convoqué à son premier stage, il était le premier au petit-déjeuner. Ce qui compte, c’est que le staff soit soudé et sache que faire.

Peu importe donc que ce soit Hasi ou Vanhaezebrouck qui dirige le groupe ?

VAN HOLSBEECK : Non, si l’équipe bénéficie de la bonne structure. L’irrégularité de la saison n’est pas uniquement la faute de l’entraîneur. Le mal est plus profond et la direction doit oser reconnaître qu’elle peut mieux faire. Mais il faut replacer les choses en perspective. La semaine dernière, le président s’est adressé aux joueurs qui ont gagné la première Coupe d’Europe du club, il y a 40 ans. Pendant ces années de gloire européenne, en neuf ans, Anderlecht n’a été champion que deux fois.

C’est aussi votre faute. C’est vous qui avez lancé le terme de football champagne et  » nous sommes Anderlecht « .

VAN HOLSBEECK : Absolument. Si nous nous qualifions cette année, nous serons en Europe pour la 54e année d’affilée. Nous avons aligné deux joueurs ayant disputé la finale d’un Mondial, Rensenbrink et Haan. Il y a deux ans, un de nos joueurs a disputé la finale du Mondial juste après son départ : Lucas Biglia, honni par tous ici. Il est maintenant capitaine de la Lazio et titulaire en Argentine. Tout ne va donc pas toujours aussi mal qu’on le dit ou l’écrit.

Râlez-vous quand Rensenbrink, interrogé au sujet de Stefano Okaka, répond qu’il préfère ne pas faire de commentaire ?

VAN HOLSBEECK : Son transfert m’a valu les pires critiques de toutes ces années. Depuis qu’il est chez nous, il a été appelé trois fois par l’Italie et a marqué presque autant de buts que Mitrovic quand il a été meilleur buteur. Les critiques ne me dérangent pas car elles ne sont pas objectives. Idem avec Biglia avant. La critique nous affûte. En treize ans, le Sporting a été troisième à deux reprises. Sinon, il a toujours été premier ou deuxième. Si nous faisons une saison comme celle du Standard, je ne suis plus en poste. Nous avons nous-mêmes placé la barre haut mais il n’est pas évident de trouver un équilibre avec une équipe qui change tous les deux ou trois ans, compte tenu des exigences du football moderne.

 » NOUS AVONS DÛ POUSSER MITROVIC VERS NEWCASTLE  »

Okaka vous a-t-il surpris ?

VAN HOLSBEECK : Je savais quel type d’avant Hasi voulait. Des connaisseurs du football italien m’ont dit qu’en Belgique, Okaka rendrait la vie dure aux défenseurs.

Mais il va peut-être partir.

VAN HOLSBEECK : Je pense qu’il veut rester, à moins de recevoir une offre pharamineuse de l’étranger. Nous avons dû pousser Mitrovic à Newcastle : les étrangers se plaisent ici. Mitrovic voulait rester, moyennant une adaptation salariale mais nous ne voulions pas bouleverser les rapports salariaux. S’ils ne gagnent pas plus ailleurs, les joueurs préfèrent rester : les joueurs du subtop italien ou espagnol comme Okaka, Djuricic, Pozuelo, Vazquez ont retrouvé le chemin de la Belgique, grâce au classement de l’équipe nationale et aux résultats européens de Gand, du Club et de nous-mêmes.

Mais vous manquez de leaders.

VAN HOLSBEECK : Biglia parlait peu mais on pouvait toujours lui confier le ballon. Steven Defour aussi mais… il est arrivé de Porto avec le titre d’international et l’année dernière, Marc Wilmots ne l’a plus repris, pour un match amical, alors qu’il sélectionnait Tielemans et Dendoncker. Ça ne nous a pas fait du bien, sachant comment sont les jeunes d’aujourd’hui.

Le sélectionneur a bouleversé votre puzzle.

VAN HOLSBEECK : Il ne nous a pas fait du bien.

Defour aurait pu réagir en montrant ce dont il était capable.

VAN HOLSBEECK : Si on peut reprocher quelque chose à Steven, c’est de ne pas attirer assez le jeu à lui. Il est capable d’encaisser mais il est introverti. Ce qui s’est passé à Roulers l’a profondément touché. Il n’a pourtant pas manqué d’engagement cette année. Nous lui avons demandé de taper du poing sur la table car sur le terrain, il affiche la mentalité que réclament les gens. Dans les matches où nous avons vu trop peu de bonnes choses, Defour était un des rares avec Deschacht à toujours se livrer à fond alors que les autres se demandaient comment il était possible de tomber aussi bas en deux semaines.

Comptez-vous toujours sur lui ou parle-t-on d’un mariage raté ?

VAN HOLSBEECK : Dans nos projets, Steven est toujours là l’année prochaine mais il doit comprendre que son statut lui permet de taper du poing sur la table.

 » ON NE DOIT CRAINDRE PERSONNE. C’EST NOUS NOTRE PIRE ENNEMI  »

Hasi a-t-il retiré tout ce qu’il pouvait du noyau ?

VAN HOLSBEECK : En vingt ans de métier, j’ai connu beaucoup d’entraîneurs. Besnik Hasi est un tout grand en devenir. Il a beaucoup appris cette saison. On parlera encore de lui.

Mais il n’est pas encore un tout grand ?

VAN HOLSBEECK : Le manager que j’étais à mes débuts et celui que je suis maintenant sont deux personnes différentes. Dans dix ans, Hasi sera un autre entraîneur aussi.

Il se sent visé, accorde peu d’interviews. Un entraîneur du Sporting ne doit-il pas être au-dessus de la mêlée ?

VAN HOLSBEECK : On ne change pas le caractère des gens. Besnik est droit et correct. C’est beaucoup à l’heure actuelle. Il est issu des Balkans. Il est un leader et veut être respecté. Il est le seul entraîneur depuis mon arrivée à conserver toute sa raison malgré la pression incroyable qui règne ici. J’ai vu beaucoup d’autres s’étioler, pas Hasi.

Besnik Hasi sera-t-il encore entraîneur en chef la saison prochaine ?

VAN HOLSBEECK : C’est tout à fait possible. Le président, lui et moi procéderons à une évaluation au terme de la saison.

Vous ne vous êtes pas toujours autant mouillé.

VAN HOLSBEECK : Pour qui ?

John Vanden Brom.

VAN HOLSBEECK : On ne doit sacrifier un entraîneur que quand les joueurs-clefs l’ont lâché. Ceux-ci nous avaient transmis ce signal quand nous avons mis fin à notre collaboration avec John. Ce n’est pas le cas pour l’heure, que du contraire. Les joueurs plus âgés sont toujours derrière Hasi. Ecrivez-le : il va devenir un tout grand entraîneur.

Vos supporters sont divisés. Ça doit être difficile à vivre ?

VAN HOLSBEECK : Oui mais ce n’est pas parce qu’ils crient  » Hasi dehors  » que nous devons les suivre. Les responsabilités sont partagées, à moins de recevoir un budget illimité. Mais alors, que se passe-t-il quand cet entraîneur s’en va ? Enfin, un constat : nous ne devons craindre personne dans notre championnat.

Anderlecht est son pire ennemi.

VAN HOLSBEECK : Oui.

 » PARFOIS, TIELEMANS N’A MONTRÉ QUE 10 % DE SES QUALITÉS  »

Gand et Vanhaezebrouck ont été loués toute la saison pour leur système…

VAN HOLSBEECK : La cause de nos moins bons matches est plus profonde que le système mis en place car il était le même contre Tottenham et au Club. Certains joueurs sont restés très en deçà de leur niveau dans certains matches. Parfois, Youri n’a montré que 10 % de ses qualités.

Gand a-t-il reçu trop de louanges ?

VAN HOLSBEECK : Non. Vanhaezebrouck a fait progresser de 30 à 40 % des joueurs qui étaient inconnus avant son arrivée. Gand est maintenant confronté au problème que nous connaissons.

Vanhaezebrouck pourrait-il réussir la même chose avec des joueurs  » arrivés  » ?

VAN HOLSBEECK : Il peut travailler avec tout le monde mais Hasi aussi.

PAR GEERT FOUTRÉ – PHOTO KOEN BAUTERS

 » Peut-être surprotégeons-nous nos jeunes joueurs.  » – HERMAN VAN HOLSBEECK

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