Ecoutez-moi !

Le Roumain a toujours fait parler de lui : voici ses messages.

Standard-Gand, mars 2007 : 0-1, but d’ AlinStoica. Le Roumain a laissé sa carte de visite dans la boîte aux lettres des Rouches. Un goal sans éclat comme on en voit tous les week-ends : un ballon dévié qui trompe Olivier Renard. Mais un goal qui sonnait comme une confirmation : Alin Stoica (27 ans) a été le king de cette soirée, il a profité de ce match à enjeu européen pour montrer que son retour sur le devant de la scène était une réalité. Il a souffert lors du premier tour : normal après autant d’années de galère à Anderlecht, à Bruges, à Sienne, à Bucarest, à Timisoara – une déchéance presque linéaire. Mais Georges Leekens, qui l’a rapatrié en Belgique l’été dernier, lui a laissé le temps de retrouver ses sensations et Stoica les a retrouvées. Après la victoire à Sclessin, il a soufflé la meute des médias qui se ruaient sur lui. Le ton était posé, le regard franc, le discours mature, l’artiste inspiré. Car Alin Stoica a des choses à dire.

… à Georges Leekens

 » C’est encore tôt. Je devrai attendre d’avoir travaillé plus longtemps avec vous pour être plus complet. Mais je peux déjà vous confier une chose : jamais, je ne m’étais senti aussi bien avec un entraîneur. Vous êtes le premier qui parvenez à vraiment me prendre comme je suis. Je sais que c’est un métier très compliqué. Une des priorités est de parvenir à mettre des caractères très différents sur une même ligne. A Gand comme dans n’importe quel autre club, les mentalités des joueurs varient. Mais ici, tout le monde pense de la même manière, l’atmosphère est toujours positive. Il fallait absolument que je quitte à nouveau la Roumanie pour relancer ma carrière. Vous m’avez offert ce défi à Gand. Si j’ai signé ici, c’est aussi parce que je savais que vous aviez l’art de relancer des footballeurs dans le trou. J’aime aussi votre art de ne jamais nous mettre sous pression. Le groupe reste toujours décontracté, quels que soient les enjeux. Vous m’avez fait confiance, et dès que j’ai signé mon contrat, j’ai eu une obsession : vous prouver que vous aviez eu raison de croire en moi.

Je suis sur la bonne voie, celle du retour au premier plan. Mais je ne suis pas aveugle, je sais que le chemin est encore long pour que je retrouve le niveau que j’avais au moment où j’étais un grand joueur du championnat de Belgique avec Anderlecht. Je veux aussi redevenir un gars d’une équipe qui gagne. Cette culture de la victoire me manque. Quand j’étais gosse, mon père gagnait tout en Roumanie. Puis j’ai gagné à mon tour des trophées à Anderlecht puis à Bruges. Aujourd’hui, je suis à Gand et c’est moins évident. Mais il y un coup à jouer en Coupe de Belgique : ce serait la première grande victoire de ma nouvelle vie. J’ai perdu beaucoup d’années et énormément d’argent : ma faim est énorme « .

… aux espoirs du foot roumain

 » Si vous comptez sur qui que ce soit pour réussir une carrière, vous êtes morts. Ne misez que sur vous-mêmes. Le foot professionnel est une jungle, vous devrez être forts pour vous en sortir. Très peu de gens m’ont aidé : mes parents, un ou deux amis, les supporters d’Anderlecht, c’est tout. Je peux aussi vous conseiller de partir le plus vite possible à l’étranger. Le championnat roumain a progressé depuis quelques années, le champion va pouvoir participer directement à la Champions League sans passer par les tours préliminaires, mais ce n’est pas un argument suffisant pour rester. Le foot roumain n’est pas suivi, sa visibilité est très réduite. Si on vous propose un contrat dans une grande nation, foncez. Même dès votre plus jeune âge « .

… aux supporters d’Anderlecht

 » Merci d’avoir tant fait pour moi. Sans vous, je n’aurais jamais réussi mes gros matches avec le Sporting. Vous avez parfois influencé certains entraîneurs qui n’avaient pas envie de m’aligner. Quand 25.000 personnes scandaient mon nom, il y en a qui ont craqué. Parce qu’ils ne voulaient pas se mettre tout un stade à dos. J’espère qu’aujourd’hui, vous avez compris les raisons pour lesquelles ça s’est mal terminé pour moi au Sporting. Certaines personnes du club voulaient que je reste mais d’autres ne voulaient plus entendre parler de moi et elles ont eu ma peau. Avant notre match contre Genk, Hugo Broos a confirmé ce raisonnement à la télé. J’aurais dû sortir de ma coquille quand il y avait des vents contraires à Anderlecht, taper du poing sur la table, dire publiquement que j’étais saboté par untel et untel, que mon départ n’avait rien à voir avec le sport. J’ai eu le tort de me taire. Ma grande satisfaction, c’est de pouvoir me regarder dans le miroir : tout le monde ne peut pas en dire autant. Qui peut dire avec certitude que je ne vous retrouverai pas un jour ou l’autre ? Après ce qui m’est arrivé, je sais qu’il ne faut jamais dire jamais « .

… à Walter Baseggio

 » Comme moi, tu as été chassé d’Anderlecht. Un club qui s’y prend parfois très mal avec ceux qui lui ont rendu service. Tu te souviens que même Enzo Scifo est parti sur la pointe des pieds ? Finalement, si on a fait ça à une légende comme Enzo, pourquoi aurait-on été plus respectueux avec toi et moi ? Le Sporting te donne maintenant une deuxième chance ; j’espère que le but de l’entraîneur est de te faire jouer chaque semaine. Si ce n’est pas le cas, tu auras pris une mauvaise décision. Tu ne peux pas te contenter du banc et je sais que, de toute façon, tu ne t’en contenteras pas. Et tu as raison : ce n’est pas ta place. A ton retour d’Italie, ils ont dit que tu ne rejouerais pas directement parce que tu n’étais pas à 100 % physiquement. N’importe quoi. Je connais la Série B italienne, on y travaille plus dur qu’en D1 belge. Ne te laisse pas faire, ne les laisse pas raconter n’importe quoi « .

… à mes admirateurs après Standard-Gand

 » Vous en aviez tous plein la bouche. Ouais… Vous auriez voulu que je sois heureux comme un gosse ce soir-là, sous prétexte que j’avais joué un très bon match et marqué le seul but ? Désolé mais j’ai pris du recul dès le retour au vestiaire. Je me suis directement rappelé tout ce que j’avais enduré lors des dernières années, des choses que vous ne savez pas. Pensiez-vous encore à moi quand je m’entraînais seul en Roumanie, quand je passais des journées entières seul dans ma chambre, en pleine déprime ? Ici, on disait que j’étais fini. Quand je suis venu à Gand, des gens se sont demandés publiquement comment un club de ce statut pouvait encore m’offrir un contrat. Comme si je n’avais jamais rien prouvé. On disait et on écrivait que ce club transférait un sale caractère. Après le match au Standard, je pensais plus à tout cela qu’à mon but et aux trois points pour notre équipe. Je me remémorais mes souffrances, je pensais aux années perdues que personne ne pourra me rendre, et je me concentrais déjà sur le match de Coupe contre Malines. Ceux qui disaient que je manquais de caractère doivent commencer à changer d’avis, non ? Je reviens de très loin mais mon retour n’est pas terminé. Je vise l’Europe avec Gand, puis je regarderai plus haut encore. Dans ma tête, les grands objectifs se bousculent « .

… à Roger Vanden Stock

 » Vous vous êtes laissé abuser par des gens de votre club qui faisaient semblant de me connaître mais qui ne savaient rien sur moi et n’avaient pas les compétences sportives pour me juger. C’est malheureux. Je regrette aussi que vous ne m’ayez pas traité comme Pär Zetterberg. Vous dites que c’est un enfant de la maison : qu’est-ce que j’ai fait de mal pour ne pas recevoir le même traitement de faveur ? Mais avec le recul, je ne vous en veux pas. Je vous souhaite même plein de succès : un beau nouveau stade et des résultats européens. Mais attention : la Ligue des Champions veut bien dire ce qu’elle veut dire. C’est pour des champions. Et le Sporting actuel n’a pas le profil d’un vrai champion. Si c’est pour continuer à perdre tous vos matches européens, n’y allez plus « .

… à mes parents

 » Vous m’avez offert une super éducation. Vous m’avez par exemple appris à être gentil et à faire confiance aux gens. Je l’ai trop fait, je pensais que tous les gens autour de moi voulaient m’aider. Si j’ai un jour des enfants, je les mettrai en garde. Je leur apprendrai à être méfiants par rapport aux personnes qui pourraient les pousser à faire des erreurs. La vie est un train. Si tu ne le prends pas, tu n’es pas sûr qu’il y en aura d’autres. Pour moi, le train est passé quand je brillais en Ligue des Champions avec Anderlecht. Je suis resté sur le quai et je l’ai payé au prix fort. Il faut être attentif à chaque instant « .

… à la presse belge

 » Vous avez fait une terrible erreur quand vous m’avez démoli, au moment où je ne jouais plus beaucoup à Anderlecht. Si vous étiez allés au fond des choses, vous auriez compris le vrai problème. J’étais ouvert, vous pouviez venir m’interroger, même me poser les questions les plus délicates. Au lieu de cela, vous vous êtes contentés d’avis de quelques personnes du club qui croient connaître le foot mais n’y connaissent rien. Leurs paroles ont suffi à me tuer parce que vous avez tout retranscrit littéralement, sans chercher à faire la part des choses, sans vous donner la peine de prendre un autre son de cloche. Si vous saviez comme mes grands-parents ont pleuré en lisant certains articles dans lesquels vous me descendiez ! Vous avez écrit que je ne courais pas. C’est possible de battre Manchester United et d’autres grands d’Europe, d’être un des meilleurs buteurs d’Anderlecht en Ligue des Champions, d’être élu Jeune Pro de l’Année, tout cela sans courir ? Je vous signale quand même que le Sporting ne gagne pour ainsi dire plus un match européen depuis que je suis parti… Quand on cherche, on trouve. Mais vous n’avez trouvé que des mensonges. J’ai parfois eu l’impression que vous écriviez des films  » !

… à Dieu

 » Tu m’as donné une deuxième chance, j’essaye d’en profiter à fond. On affirme qu’il n’y a que les gens volontaires qui reçoivent cette deuxième chance. En Roumanie, on dit : -Dieu te donne mais il ne met pas tout dans ton sac. Une façon d’exprimer le fait que nous devons aussi nous bouger pour réussir, même si nous avons hérité de dons au départ. Si je ne m’étais pas bougé, je ne serais pas arrivé au plus haut niveau. Comme beaucoup de Roumains, je suis fort croyant, de confession orthodoxe. Et je suis relativement pratiquant : je me rends régulièrement à l’église, à Gand ou à Bruxelles « .

… à Ahmed Hassan

 » A Anderlecht, on dit qu’on va tout faire pour te garder la saison prochaine. Tu as beaucoup de chance… Moi, on a tout fait… pour me virer. Tu as le meilleur profil pour plaire aux supporters du Sporting. Ils t’adorent et ce n’est pas un hasard : c’est parce que tu fais des matches extraordinaires. Je me revois, quelques années en arrière. S’ils m’aimaient, ce n’était pas pour mes beaux yeux. Leur amour s’expliquait par mon niveau et mon sens du spectacle. C’est pour des joueurs comme toi et moi qu’on se déplace au stade. On ne paye pas un abonnement pour s’ennuyer ou pour voir des gars qui disent : -Il aurait fallu expédier Mbark Boussoufa dans la tribune. C’est ce qu’un joueur de Genk a déclaré après le 6-0 au Sporting en Coupe. Quel scandale ! Et si c’était de l’humour, il était de très mauvais goût. Les casseurs de jambes ne déplacent pas les foules. Pour faire des déclarations pareilles, il faut être frustré et complexé « .

… aux Brugeois

 » J’ai commis une erreur de trajectoire en signant chez vous. J’ai craqué parce que le président Michel Van Maele me voulait absolument et parce que je n’avais pas d’autre offre à ce moment-là. Anderlecht ne souhaitait pas me garder, Bruges est arrivé et je n’ai pas beaucoup réfléchi. Au bout du compte, j’ai perdu deux ans et demi de ma vie au Club. Mes seuls bons souvenirs concernent Van Maele, Dany Verlinden et Trond Sollied. Oui, je garde de l’admiration pour Sollied, même s’il ne m’a pas beaucoup fait jouer. Il avait compris que j’avais deux handicaps presque insurmontables pour Bruges : être étranger et provenir d’Anderlecht. J’étais condamné à échouer. Pour justifier mon rôle de réserviste, certaines personnes ont dit que je foutais le bordel. N’importe quoi « .

… à Mbark Boussoufa

 » La saison dernière, tu étais la star de La Gantoise. Aujourd’hui, tu n’as pas encore retrouvé le même niveau. C’est normal et tes difficultés portent un nom : la pression. Dès que tu arrives au Sporting, tu es confronté à l’obligation de tout gagner. Tu dois être bon en championnat, en Coupe de Belgique et en Coupe d’Europe. Avoir reçu le Soulier d’Or est une difficulté supplémentaire, une source de pression en plus. Si tu ne parviens pas à l’évacuer, tu vas continuer à avoir du mal. Libère-toi : tu as largement prouvé avec Gand que tu avais assez de qualités pour élever méchamment le niveau d’Anderlecht « .

par pierre danvoye – photos : reporters/gouverneur

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire