« Ecoute Alin… »

On avait fait une croix sur le nom du Roumain.

A un manager qui insistait pour obtenir son prix de transfert, Luciano D’Onofrio aurait répondu: « C’est huit millions, et qu’il aille jouer en Afrique s’il le veut ». On a parlé de l’intérêt de Bari, de Kansas City et de Sheffield Wednesday, mais ces clubs reculèrent devant l’importance de son contrat, qui prend fin en juin 2002.

Puis vient le match contre St-Trond. Mené 0-1 au repos, le Standard n’en mène pas large. Derrière, Schockaert s’infiltre dans les boulevards. Michel Preud’homme fait monter Tibor Selymes qui, bien qu’à court de compétition, apporte la solution. Il convainc l’entraîneur de l’aligner dès le coup d’envoi lors du match capital à Westerlo, puis encore la semaine suivante face à Beveren.

« L’entraîneur a vu que je travaillais et m’a rendu ma chance; alors, j’ai essayé de faire de mon mieux », dit-il modestement. « Après quatre mois dans le désert, je n’attendais pourtant plus grand-chose du Standard. Cela n’avait absolument rien à voir avec mon passage à vide à Anderlecht. Là, j’avais été blessé pendant sept mois et tout le monde sait qu’il est difficile de revenir dans le coup après une aussi longue absence, surtout dans un tout grand club. Ici, j’avais été écarté du jour au lendemain, sans explication. A l’occasion du match à Alost, je m’étais même retrouvé dans la tribune, alors qu’on peut quand même inscrire 18 joueurs sur la feuille. Cela m’a fait mal ».

Tibor Selymes était résigné. Sa fille Béatrice (11 ans) est rentrée en Hongrie, chez ses grands-parents, afin d’y poursuivre ses études. « Tibi » est resté chez lui, à Boncelles, avec son épouse et Tiffany (2 ans). « Ce n’est pas une situation facile à vivre, c’est vrai, mais je dois préparer l’avenir de mes enfants. Béatrice vient nous retrouver pendant les vacances et mon épouse fait de temps en temps un saut là-bas. Ma première idée est de rentrer en Hongrie dès la fin de ma carrière. J’ai suivi les cours d’entraîneur du second degré en Roumanie et il ne me reste qu’un examen à passer pour obtenir le premier degré. J’espère entraîner un jour là-bas. Je pourrais également investir dans une entreprise mais, pour cela, il faut être sur place car il est trop facile de faire du business avec l’argent des autres. Mais avant cela, j’aimerais encore jouer pendant deux ou trois ans, même si je dois pour cela descendre en D2 espagnole, italienne ou anglaise ».

Au Standard, son horizon semble bouché. Il est disposé à changer d’air, mais son manager, Bekkali, ne lui donne guère de nouvelles. « Il a sous contrat quelques-uns des plus grands espoirs du football roumain et c’est avec eux qu’il doit gagner sa vie, pas avec moi. Je comprends: à sa place, je ferais sans doute la même chose. Heureusement, de nombreuses personnes m’ont proposé de m’aider ».

Helmut Graf et Valère Facchini, qui représentent un bureau allemand, ont tenté de trouver une solution. Ils lui ont parlé de l’intérêt de Bari, Kansas City ou Sheffield Wednesday. « J’étais ouvert à toutes les propositions, même à une aventure aux Etats-Unis. Sheffield Wednesday avait manifestement de gros problèmes et mieux valait rester ici qu’aller jouer en D3 anglaise ».

Selymes reste donc au Standard. Même s’il sait qu’en fin de saison, il faudra sans doute encore rediscuter de son avenir, ce qui n’a pas été le cas l’an dernier. « Après ce qui s’est passé, il est nécessaire que nous tirions les choses au clair. Si on me dit qu’on ne compte plus sur moi, je l’accepterai et j’essayerai de partir. Mais peut-être que Dragutinovic jouera tellement bien d’ici la fin de saison que le club va le vendre et qu’on aura encore besoin de moi. De toute façon, que je parte ou que je reste, ce sera en connaissance de cause. Quand je suis arrivé au Standard, l’équipe avait besoin de nouveaux joueurs. Elle a successivement transféré Ciobotariu, Dimas, Brocken et moi. Nous sommes passés de la treizième à la troisième place et je pense que nous avons fait du très bon travail pendant une quinzaine de matches, même si cela a été moins bon sur la fin. Je sais que ma valeur marchande n’est pas très élevée mais si on n’avait plus besoin de moi, pourquoi m’avoir acheté? C’est vrai qu’entre-temps, de nouveaux joueurs sont arrivés, dont de nombreux gauchers, et que la concurrence est plus forte. Mais il y a une différence entre la concurrence et les préférences d’un entraîneur. Or, après trois matches, Ivic avait fait une croix sur moi ».

Dès le début de saison, l’entraîneur croate a reproché à ses joueurs roumains de ne pas se donner suffisamment à l’entraînement. « C’est exact mais il devait tout de même savoir qu’à notre âge, « Ciobi » et moi ne pouvions pas courir comme Yobo et Van Buyten. Michel Preud’homme l’a bien compris: en stage en Espagne, quelques joueurs plus âgés ont bénéficié d’un programme différent ».

Sur le flanc gauche, Michel Preud’homme l’a associé à Dragutinovic. Entre les deux hommes, le courant semble passer beaucoup mieux qu’avec Folha. « Ivic avait ses idées avec Folha et je n’ai rien à dire contre cela. Mais il est un fait que j’aime bien jouer avec « Drago ». Il vient toujours m’aider en défense, il est très costaud, demande le ballon, me laisse de l’espace pour monter et, quand j’y vais, il glisse à ma place. Nous nous entendons bien car nous sommes tous les deux à la fois arrières et médians ».

Selymes a-t-il effectué un mauvais choix en quittant Anderlecht pour le Standard? N’aurait-il pas dû privilégier à ce moment la piste de l’étranger? « Je sortais de sept mois de blessures et j’éprouvais des difficultés à regagner ma place lorsque le Standard s’est présenté. Il y avait aussi Cologne mais le Standard me paraissait plus sûr. Et puis, je voulais prendre la nationalité belge car, plus tard, si je ne m’amuse pas en Hongrie, je pourrai toujours refaire ma vie ici. D’ailleurs, hormis cette période où je n’ai pas joué, je me sens très bien au Standard ».

Selymes pense plutôt que c’est après la Coupe du Monde 94 que sa carrière aurait pu prendre une autre orientation. « Nous avions la meilleure équipe nationale de toute l’histoire de la Roumanie. Pratiquement tous les joueurs se sont éparpillés à travers l’Europe mais Munteanu et moi sommes restés au CS Bruges. On nous a dit que nous ne pouvions pas partir parce que le club avait déjà vendu Weber. Mais je pense surtout que Petescu, notre manager de l’époque, n’a pas levé le petit doigt pour défendre nos intérêts. Si j’ai un conseil à donner à Stoica, c’est qu’une saison de plus à Anderlecht ne lui ferait pas de tort, à condition qu’il joue tous les matches. Mais si un tout grand club se présente, il doit saisir sa chance car le train ne s’arrête pas souvent deux fois ».

On reproche souvent aux joueurs roumains d’être trop disciplinés, de manquer de personnalité face à la hiérarchie. Stoica a été l’un des rares à se rebeller et cela a porté ses fruits. « Oui mais Anderlecht a tellement besoin de lui… », soupire Selymes.

Le manque de personnalités, n’est-ce pas aussi un des problèmes du Standard, qui a vécu pendant deux ans et demi sous un régime quasi dictatorial?

« Je n’étais pas là mais je constate que des joueurs s’ouvrent, prennent leurs responsabilités sur le terrain. Je suis d’ailleurs certain que, si le Standard peut garder son noyau la saison prochaine, il luttera pour le titre. Sa place est aux côtés d’Anderlecht et Bruges, pas de Westerlo ou La Gantoise ».

Patrice Sintzen

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