Ecole française

Le sélectionneur de l’équipe nationale bulgare fut joueur à Metz et à Grenoble.

L’actuel sélectionneur, Plamen Markov, a succédé à Stoicho Mladenov la saison dernière, après une défaite 6-0 à Prague dans un match comptant pour les qualifications à la Coupe du Monde 2002. Il nous a accordé une interview à Sofia, dans un français presque impeccable.

Où avez-vous appris notre langue ?

PlamenMarkov : Dans l’Hexagone, durant ma période comme joueur et entraîneur là-bas. Je suis arrivé à Metz en 1985, où j’ai joué deux saisons, puis je suis parti à Grenoble, jusqu’en 1990. Lorsque l’entraîneur en place a été viré, j’ai été intronisé à la tête de l’équipe, à la demande du président.

Peut-on dire que, comme entraîneur, vous faites partie de l’école française ?

C’est sans doute exagéré. Avant de partir en France, j’avais suivi les cours d’entraîneur en Bulgarie et je possédais le diplôme requis pour diriger une équipe bulgare. Les dirigeants de Grenoble le savaient, et c’est la raison pour laquelle ils m’ont confié les rênes de l’équipe lorsque la place était devenue vacante. Mais il est clair que mon passage en France m’a marqué. J’ai retenu certaines méthodes des entraîneurs français sous la houlette desquels j’avais travaillé comme joueur.

Quelle est votre philosophie ?

Elle est difficile à définir avec précision. J’apprécie la discipline, j’essaye de conférer à l’équipe une bonne organisation de jeu et je m’efforce d’être proche des joueurs. Je ne pense pas être exagérément dur. Au sein d’une équipe nationale, il convient d’un peu relâcher la pression. Le travail de fond, les joueurs l’ont déjà accompli dans leur club. On ne se voit que quelques fois par an, en six ou sept occasions, à des dates bien précises déterminées par l’UEFA. Il faut donc constituer le meilleur amalgame possible en un minimum de temps.

De la D2 à l’équipe nationale

Beaucoup d’internationaux bulgares évoluent à l’étranger. Cela ne vous facilite pas la tâche…

Effectivement, la plupart des titulaires de l’équipe nationale ont choisi de monnayer leur talent hors frontières. Je n’ai pas toujours l’occasion de les suivre de très près. J’essaye, bien sûr, de me déplacer lorsque j’en ai la possibilité, mais souvent, je dois me contenter de rapports. D’un côté, c’est un inconvénient. D’un autre côté, c’est un avantage, car il est clair que les joueurs progressent en disputant des championnats plus relevés. Ils s’entraînent plus intensément, jouent à un rythme plus élevé et disposent de meilleures infrastructures.

Le Championnat de Bulgarie n’est donc pas d’un très haut niveau ?

Je ne révélerai pas un secret d’Etat en affirmant cela. Chacun le sait, c’est la vérité.

On connaît la rivalité qui oppose le CSKA au Levski. Celle-ci trouve-t-elle un prolongement en équipe nationale ?

Pas du tout, heureusement. Les joueurs sont heureux de porter le maillot de la sélection et se mettent au service d’une cause commune. Je pense pouvoir affirmer que nous formons un bon groupe. On ne trouve pas trace des antagonismes qui, parfois, éclatent au grand jour lors des derbies.

Avant de devenir le sélectionneur national, vous étiez l’entraîneur d’un petit club de D2…

D’abord, je tiens à préciser que j’ai aussi été l’entraîneur du CSKA Sofia. Après, je suis effectivement passé au Vidima Rakovski, un petit club de D2 situé à Sevlievo, dans l’intérieur du pays. C’est ma ville natale. Elle compte environ 30.000 habitants. Lorsque les dirigeants du club m’ont contacté, j’ai été séduit par le projet. C’était aussi une manière, pour moi, de rendre à ce club ce qu’il m’avait apporté. C’est là que j’ai débuté ma carrière de footballeur, à l’âge de dix ans. J’y suis resté jusqu’à 17 ans, puis j’ai joué au CSKA Sofia, avant de m’exiler à Metz.

Passer du statut d’entraîneur de D2 à celui de sélectionneur national, c’est curieux, non ?

Cela démontre que mon travail a été apprécié.

Coup d’essai, coup de maître

Vous avez succédé à Stoicho Mladenov, après une cuisante défaite 6-0 en République Tchèque. Votre première tâche fut-elle de restaurer la confiance ?

J’ai essayé de remettre le train sur les rails sans paniquer, mais en travaillant. Chaque entraîneur apporte ses méthodes. J’ai les miennes. Un nouvel entraîneur introduit généralement, aussi, de nouveaux joueurs. Ce fut également mon cas.

Le déplacement à Bruxelles, l’an passé, fut donc votre première rencontre officielle à la tête de l’équipe nationale bulgare. Pour un coup d’essai, ce fut un coup de maître.

Nous avions disputé quelques matches amicaux avant cela, notamment un bon partage 2-2 contre l’Allemagne, mais les choses sérieuses ont effectivement commencé au stade Roi Baudouin pour moi. J’ai d’emblée rencontré le succès, mais je ne tiens pas à m’en vanter.

On a prétendu que vous avez un peu joué  » à la belge « , ce soir-là…

Vous voulez parler d’une bonne organisation défensive, de quelques contre-attaques rondement menées, d’un grand réalisme en zone de conclusion ? Oui, il y avait un peu de cela, en effet. Nous avons livré un match sérieux. Le résultat final m’a comblé, car peu de personnes s’attendaient à une victoire à Bruxelles. Cela dit, il faut rester les pieds sur terre. Nous avons bien entamé les éliminatoires de l’EURO 2004, mais il reste quatre matches à jouer. Tout peut encore arriver. On aurait tort d’enterrer d’ores et déjà les Diables Rouges. Pour ma part, en tout cas, je me méfie. L’équipe nationale belge compte de grands joueurs, et elle joue depuis longtemps un rôle en vue dans le football européen. Elle ne s’avouera pas vaincue sans combattre.

Vous avez battu la Belgique et la Croatie, considérées au départ comme les deux favoris du groupe, mais vous avez peiné contre Andorre et l’Estonie. Comment expliquez-vous ces performances en dents de scie ?

C’est le football. Chaque match est à jouer, et il arrive qu’on trouve plus difficilement son rythme contre un sans-grade.

Etes-vous d’accord avec ceux qui affirment que la Bulgarie est désormais la favorite du groupe ?

Non. La Belgique et la Croatie demeurent les nations les plus fortes. Mais nous avons notre chance, c’est sûr. Le match de samedi prochain sera crucial. Une victoire est indispensable.

Poursuivre le rajeunissement

Vous aborderez ce match sans Krasimir Balakov…

C’est un grand problème pour nous. Krasimir Balakov, c’était l’âme de l’équipe. Sans lui, la Bulgarie ne sera plus tout à fait la même. On savait, évidemment, qu’à 36 ans la retraite approchait à grands pas pour lui, mais c’est dommage qu’il fasse défaut dans l’un des matches les plus importants de l’histoire du football bulgare.

Assurer la transition entre l’ancienne et la nouvelle génération, est-ce votre tâche principale ?

En fait, le changement de génération avait déjà été entamé par mon prédécesseur, Stoicho Mladenov. Je dois simplement poursuivre cette tâche. Il est clair que les nouveaux joueurs n’ont pas encore l’expérience des anciens. Avec le départ de Krasimir Balakov, une page s’est définitivement tournée. D’autres joueurs devront prendre la relève. Ce ne sera pas évident.

Quelle est l’importance, pour la Bulgarie, d’une participation à l’EURO 2004 ?

Participer à une grande compétition internationale est important pour tous les pays. La Bulgarie, comme les autres nations, aimerait être de la fête. Notre pays ne s’est qualifié ni pour la Coupe du Monde 2002, ni pour l’EURO 2000. Nous voudrions nous retrouver à nouveau parmi le gotha du football international. Pour nos jeunes joueurs, aussi, il est important de se frotter aux meilleurs footballeur du Vieux Continent dans le contexte d’un Championnat d’Europe. Ils gagneraient énormément d’expérience.

Echouer dans cette tentative, après avoir brillamment entamé les éliminatoires, serait une déception ?

Sans aucun doute. De toute façon, dans ce groupe, trois équipes lutteront jusqu’au bout pour deux places. L’une d’entre elles, au moins, sera déçue.

Une préparation perturbée

En guise de préparation au match de samedi, vous avez rencontré l’Albanie en match amical, le 30 avril dernier. Un bon test ?

L’Albanie, quoi qu’on en dise, est une formation difficile à man£uvrer. Avant de venir à Sofia, elle avait battu la Russie et partagé contre l’Irlande du Nord. Ce sont des résultats qui incitent au respect. Dans le football actuel, il n’y a plus de petites équipes.

Plusieurs joueurs étaient absents pour blessures ce jour-là. Votre préparation a donc été perturbée ?

En effet. Certains joueurs demeurent d’ailleurs incertains pour le match de samedi. J’aurais préféré disposer de toutes mes forces pour affronter la Belgique, mais je suis bien forcé de composer avec les circonstances. J’aurais aimé offrir un plus bel adieu à Krasimir Balakov, qui n’a joué que quelques minutes contre l’Albanie, mais je devais aussi préparer les futures échéances à venir. Peut-être aura-t-il droit à un match de gala, plus tard.

La Bulgarie a écrit les plus belles pages de son histoire lors de la Coupe du Monde 1994, aux Etats-Unis. Pouvez-vous comparer cette génération-là à la génération actuelle ?

Cette année-là, nous avons terminé à la quatrième place. Une performance comparable à celle de la Belgique, en 1986 au Mexique. Elle fut possible grâce au talent des joueurs de l’époque, mais aussi à un concours de circonstances favorables. La France, souvenez-vous, terminait les éliminatoires par deux matches à domicile. Elle fut d’abord battue par Israël, puis par la Bulgarie, grâce à ce fameux but inscrit dans les arrêts de jeu par Emil Kostadinov. Nous n’avons plus, actuellement, de joueurs de ce calibre-là. Nous avons toujours de très bons joueurs, qui évoluent dans de grands championnats étrangers, mais ils ne jouissent pas de la même aura. Ils possèdent cependant une belle marge de progression et pourraient valoir pas mal de satisfactions à la Bulgarie dans l’avenir.

Daniel Devos, envoyé spécial à Sofia

 » Je ne révélerai pas un secret : le championnat bulgare est faible «  » Peu de Bulgares s’attendaient

à une victoire à Bruxelles « 

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