Dynamo anti-Standard

Le médian offre un gros tonus à la ligne médiane des Buffalos et rêve d’une finale à Bruxelles. Mais d’abord, il y a la demi-finale retour contre les Rouches ce mardi 15 avril !

Toujours en mouvement et doté d’une belle force de frappe, Milos Maric fait songer à Zénobe Gramme, l’inventeur liégeois qui avait mis au point la dynamo à la fin du 19e siècle. Maric alimente constamment le moteur électrique gantois et fait l’unanimité auprès des joueurs et du staff technique des Buffalos. Avec lui, on ne chipote pas, on ne courbe pas l’échine : il ne roule jamais des mécaniques, parle surtout de collectif et lorgne les boules de l’Atomium. Car c’est à l’ombre de ce monument inauguré il y a 50 ans, à l’occasion de l’Expo 58, que se déroulera la finale de la Coupe de Belgique. Le Gantois a noté la date du 17 mai en grosses lettres dans son agenda…

Après le 2-2 arraché à Sclessin en match aller des demi-finales de la Coupe, la messe n’est-elle pas dite ?

Milos Maric : Vraiment pas : je n’ai pas envie de céder à une forme d’optimisme dangereux et de rater la finale de la Coupe. Je sais que le Standard rêve de réaliser le doublé. C’est toujours quelque chose d’exceptionnel. Cela m’est arrivé deux fois en Grèce à Olympiacos. Une fois avec Dusan Bajevic et l’autre avec Trond Sollied : cela offre une sensation de plénitude car on a remporté un marathon (le championnat) et le sprint que constitue la Coupe. Même si le résultat acquis à Liège (sans moi car j’étais blessé) est favorable, je me méfie du Standard qui a envie de tout gagner. Ce soir-là, la différence au repos (2-0) aurait pu être plus importante. Gand a su réagir, mettre la pression dans le camp liégeois et égaliser. C’était inespéré comme retournement de situation mais prouve aussi qu’il faut oser être méthodique et offensif pour forger un résultat. Notre équipe n’a pas attendu la fin du match dans son camp. Il faudra faire preuve de cette mentalité pour le retour. Gand possède les armes indiquées pour y arriver : technique, souci d’imposer son jeu, accents offensifs, bons joueurs, etc. Enfin, je me suis renseigné, Gand n’a plus gagné la Coupe depuis 1984. Revivre cela, ce serait historique pour ce club et cette ville.

 » Le Standard joue mieux en déplacement qu’à domicile « 

En 1984, Gand a gagné la finale 2-0, contre le… Standard.

Ce serait un beau score pour notre match retour mais je m’attends à un match spectaculaire et difficile. Gand a parcouru la moitié du chemin mais n’est pas encore en finale.

Ce ne sera pas d’abord un duel Bryan Ruiz-Milan Jovanovic ?

Ces deux artistes assumeront un rôle important. Mais il y aura plus. Le Standard joue mieux en déplacement qu’à domicile. Gand se qualifiera pour la finale si l’équipe reste concentrée sur son sujet jusqu’au coup de sifflet final.

L’annonce du départ de Sollied en fin de saison n’a-t-elle pas perturbé l’effectif gantois ?

Mais non, je ne crois pas. Nous sommes tous des footballeurs professionnels conscients que les valises sont toujours prêtes. A la rigueur, on aura encore plus envie d’aller jusqu’au bout pour remercier un coach qui nous a tant apporté. On n’aura pas besoin de grands dessins pour décortiquer le Standard : la vitesse de ses attaquants, une ligne médiane jeune et tonique, une défense bien rodée, de la taille, un système de jeu aussi clairement identifiable que le nôtre. Leur 4-4-2 comme le 4-3-3 de Gand est parfaitement rodé. Il peut y avoir des absences, des départs ou des blessures mais cela ne perturbe pas l’organisation. Les résultats se forgent au départ d’un collectif. Sans cette base, le reste ne suit pas. On ne parle pas de satisfactions individuelles sans esprit de corps. Cela ne m’intéresserait pas d’être le seul à bien jouer mais de perdre les matches. A Gand, personne n’est indispensable. Quand Guillaume Gillet et Christophe Grégoire sont partis, je me suis interrogé. Ce sont de magnifiques footballeurs qui vont réussir à Anderlecht et à Willem II mais il y avait des solutions internes. J’ai même reculé au poste d’arrière droit durant quelques semaines. Cela ne m’a pas dérangé et Roberto Rosales y a désormais pris ses marques. Et il n’y a pas que cela…

N’y a-t-il qu’un Ruiz en D1 ?

C’est un des grands atouts offensifs de Gand, cela saute aux yeux. Il a un pied gauche qui donne des cauchemars à ses opposants. Bryan a cependant besoin de complémentarités autour de lui. C’est ce que Dominic Foley et Adekanmi Olufade lui offrent dans des registres différents. Khalilou Fadiga le bonifie avec son vécu. Moi, dans la ligne médiane, j’adore servir de tels joueurs. Ruiz est un bijou mais ce n’est pas le seul à Gand. Gillet va vivre une belle carrière mais je suis persuadé que ce sera le cas d’autres Buffalos : Admir Haznar, Gil Vermouth, Boban Grncarov, Zlatan Ljubijankic, Dario Smoje, Marko Suler, Bojan Jorgacevic…

Je vous arrête car il y a un nom que vous ne citez pas…

Qui ?

Maric ?

Je savais ce que je faisais en acceptant l’offre de Gand. Ce club a de l’ambition et peut rejoindre le Top 4 belge. Le jeu est très organisé en D1. Mais il y existe une grande différence par rapport à la Grèce : ici, on peut jouer et les arbitres protègent les attaquants et les techniciens. En D1 grecque, le jeu est beaucoup plus brutal et dangereux. Les matches y sont très hachés. Le football belge me convient, c’est sûr. Quand Cedomir Janevski m’a contacté pour Gand, je n’ai pas hésité longtemps.

Vous aviez l’avantage de connaître le système Sollied…

Oui, je l’ai eu comme coach durant une saison et demie à Olympiacos. J’ai gagné le titre et la Coupe de Grèce avec lui et son staff technique, le même qu’à Gand. J’ai joué en Ligue des Champions aussi. Nous nous connaissions, il avait besoin d’un médian comme moi pour les Buffalos. Je savais que son système n’avait pas changé et que cela simplifierait mon intégration même si je n’ai pas pris part à toute la campagne de préparation de Gand. Je suis arrivé un peu plus tard.

Gand, c’est une petite Yougoslavie avec des Serbes, des Croates, des Slovènes, un Bosniaque, des Macédoniens…

Et cela ne pose aucun problème : nous sommes heureux de vivre et de jouer ensemble. Rien que des chouettes gars. C’est les Balkans en petit mais le groupe parle surtout anglais.

 » Le système Sollied était au-dessus du lot en Grèce « 

Pour en revenir à Olympiacos, pourquoi Sollied n’y est-il pas resté plus longtemps ?

La pression médiatique y est très forte. Des quotidiens sont consacrés au football et ils ne quittent pas la roue des clubs, surtout pas de l’Olympiacos qui intéresse tous les Grecs. Il faut sans cesse du neuf afin de satisfaire un pays fou amoureux de football. Je suis arrivé en Grèce en 2004 et ai signé mon contrat le jour où la Grèce a gagné l’Euro 2004. Il y avait des millions de supporters dans les rues : je n’avais jamais vu une telle ferveur. C’était magnifique. Le football grec était le centre du monde. Tout est possible là-bas : l’argent n’est pas un problème car les présidents des clubs sont souvent richissimes. Olympiacos recrute ce que bon lui semble : the sky is the limit. J’ai eu la chance de jouer avec Rivaldo, Giovanni, Predrag Djordjevic, etc. Dans ce contexte, il faut s’attendre à tout. Le système Sollied était au-dessus du lot en Grèce. Au début, son 4-3-3 suscita l’étonnement mais personne ne trouva la parade. Au niveau de la Ligue des Champions, c’était différent car la concurrence était d’un autre niveau. A mon avis, la direction n’avait pas intégré cette évidence. C’est pour cela qu’elle est passée à autre chose afin de calmer la presse et les supporters qui se voyaient déjà sur le toit de l’Europe.

Vous n’avez pas toujours joué en Grèce avec Sollied…

Non et j’ai même perdu ma place en équipe nationale de Serbie avant la Coupe du Monde 2006 à cause de…

A cause de Sollied ?

Si on veut : à cause du fait que je ne jouais alors pas tous les matches, c’est un peu différent. Mais je n’en ai jamais voulu à Sollied. J’ai continué à bosser pour être performant et utile quand il faisait appel à moi. C’est mon style : je ne rouspète jamais, je travaille, je justifie la confiance qu’on place en moi. Si j’étais un homme à problèmes, Sollied ne m’aurait jamais proposé de le rejoindre à Gand.

Vous n’étiez pas connu avant de rejoindre Olympiacos : quel a été votre cheminement vers ce club ?

Je suis né à Belgrade où mon père, Pavle, était chauffeur de maître. Ma mère s’appelle Gordana et mon frère Sava. Ils sont assez rapidement repartis vers leur région, près d’Uzice au sud de la capitale. C’est la campagne, la vie au grand air. Mon village s’appelle Mackat. Tous les gens y ont leur verger, un lopin de terre, quelques animaux, une petite basse-cour. Ce n’est pas très loin de Zlati Bor, un lieu de villégiature réputé dans la montagne. Il y a un an, j’ai ouvert un restaurant (le Gozba) où travaillent une vingtaine de personnes de ma famille. C’est dans ce coin-là que j’ai commencé à jouer.

Votre style ne rappelle pas celui des techniciens du sud !

Je suis plus proche de Jan Polak et Balasz Toth. Il en faut dans une équipe. Sloboda Uzice, mon premier club, évoluait en D2. Beaucoup de bons joueurs y ont été formés. Après, pour changer d’air, j’ai signé au FK Rémont de Cacak. C’était un club ambitieux qui est tout de suite monté en D2. J’intéressais les clubs de Belgrade mais j’ai opté pour le FK Zeta du Monténégro. C’était un pas en avant. Je jouais dans la ligne médiane, à droite ou parfois à gauche. Le Partisan et l’Etoile Rouge sont revenus à la charge. J’ai aussi été contacté par Dortmund, Dynamo Kiev, pas mal de clubs russes, etc. Olympiacos fut le plus rapide et avait plus d’arguments pour convaincre Zeta de me lâcher. Au Pirée, j’ai retrouvé des compatriotes, fait la connaissance de Predrag Djordjevic, une icône en Grèce.

Il ne reste plus qu’à penser à la Coupe de Belgique…

Penser à la Coupe ? Non il faut la gagner, ce serait un beau cadeau du groupe pour Sollied. Je me suis rendu en Grèce récemment. Le chauffeur de taxi m’a reconnu. Il savait que Gand était proche de la finale, avait fait 2-2 à l’aller contre le Standard. Là, le football, c’est une religion. Rien ne leur échappe. J’habite à Melle près de Gand et tout est si calme en Belgique, surtout le soir.

Votre chauffeur de taxi grec sera étonné si Gand ne se qualifiait pas pour la finale, non ?

Moi aussi.

par pierre bilic – photos : reporters/ beddegenoodts

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