© KOEN BAUTERS

 » DURY M’A RÉVEILLÉ « 

Il a débuté en Ligue 1 dès l’âge de 17 ans, mais ce n’est qu’à Zulte Waregem qu’il démontre toute l’étendue de son talent. Rencontre avec Soualiho Meïté (22 ans), la supernova qui brille au stade Arc-en-Ciel.

A-t-il un lien de parenté avec la famille de Ben Youssef Meïté, l’Ivoirien qui a terminé 6e de la finale du 100 m à Rio ?  » Pas un lien direct,  » sourit Soualiho Meïté,  » Seul mon cousin est de la famille éloignée de l’athlète.  » Le Français aux racines ivoiriennes a pourtant toutes les caractéristiques d’un sprinter : des épaules larges, une taille étroite, des cuisses en bois de chêne. Un corps en béton armé, qui court comme une gazelle sur les terrains de football. Et, surprenant : aucun tatouage, aucune boucle d’oreille, aucun piercing.  » Je n’en ai jamais ressenti le besoin « , affirme le milieu de terrain de Zulte Waregem.  »

Lorsqu’il avait cinq ans, le natif de Paris avait moins de raisons de pavoiser.  » J’étais plutôt obèse, je mangeais trop. J’ai maigri en jouant au football. Mais je ne me suis réellement musclé qu’à partir de 13 ans, lorsque je squattais tous les jours la salle de musculation de l’Académie d’Auxerre. Aujourd’hui, je pèse 90 kg pour 1m88. Mais mon pourcentage de graisse est resté de 12 %, je dois améliorer ça. J’y travaille.  »

QUATRE SOEURS

 » Mes parents ont déménagé de Côte d’Ivoire à Paris en 1992. Je suis né en France deux ans plus tard.  » A Créteil plus précisément, une commune située au sud-est de la Ville Lumière. Soualiho a grandi comme seul garçon dans une famille qui compte quatre filles âgées aujourd’hui de 37, 33, 30 et 27 ans.  » C’était un avantage pour moi, car en tant que benjamin, j’étais leur petit protégé.  »

Le petit Soualiho n’a donc manqué de rien.  » Mes parents travaillent tous les deux dans un hôpital. Nous n’étions pas riches, mais pas démunis non plus. Si j’avais besoin de vêtements, ou de chaussures de foot, je les recevais. Et j’en ai usées beaucoup, car le football était ma seule passion. J’étais fou de Ronaldinho ma grande idole. J’imitais ses dribbles, ses accélérations…  »

Tous ces gestes, Meïté s’y est essayé sur les plaines de jeux de Créteil. Il s’est affilié à 7 ans au Gobelins FC et plus tard à Vincennes.  » Une époque formidable, j’allais encore jouer avec mes potes après les entraînements. On est liés pour la vie.  » Meïté a pourtant dû quitter ses amis et sa famille à 13 ans, lorsqu’il est parti en 2007 à l’Académie d’Auxerre, à 160 kilomètres au sud-est de Paris.

International chez les jeunes, Meïté n’a pas le temps d’être nostalgique de Créteil. Après tout, il accomplit son rêve :  » Je n’avais encore jamais assisté à un match de première division, et lorsque j’ai pris place dans la tribune pour un match d’Auxerre, j’ai directement été conquis. Je me suis dit : un jour, moi aussi je serai sur cette pelouse.  » Ce n’était pas une utopie, car le milieu de terrain a été international français chez les U16 et les U17. En 2011, il a même participé au Championnat d’Europe en Serbie et au Championnat du Monde au Mexique.  » Cette Coupe du Monde, surtout, était spéciale, car il y avait parfois 30.000 spectateurs. Dommage que, dans les deux cas, nous ayons été rapidement éliminés. Nous avions pourtant une génération très talentueuse, avec notamment Benjamin Mendy et Tiémoué Bakayoko (qui jouent tous les deux à Monaco, ndlr), Aymeric Laporte (la clef de voûte de la défense de l’Athletic Bilbao, ndlr) et Kurt Zouma (désormais à Chelsea, ndlr). Je m’entendais très bien avec Kurt, qui était mon compagnon de chambre. Nous sommes d’ailleurs restés en contact.  »

La participation de Meïté à ces championnats a éveillé pas mal d’intérêt, mais lorsqu’Auxerre lui propose un contrat professionnel, il n’hésite pas.  » J’ai encore obtenu mon diplôme d’humanités, section comptabilité « , annonce-t-il fièrement.  » Mes parents ont beaucoup insisté pour que je fasse l’effort.  » En novembre 2011, il début en Ligue 1 à l’âge de 17 ans, lors d’un match à Valenciennes où il monte au jeu à 11 minutes de la fin, et en mars 2012, il est même titularisé, pour remplacer les suspendus Georges Mandjeck et Édouard Cissé. Cette première titularisation n’est cependant pas un grand succès et il est remplacé au repos.  » Le niveau était encore trop élevé pour moi. Je me suis alors rendu compte que je devais encore beaucoup travailler.  »

La relégation d’Auxerre en Ligue 2 a été un bien pour un mal, pour Meïté.  » J’aurais pu signer dans un autre club de Ligue 1, mais l’entraîneur Jean-Guy Wallemme m’a conseillé de rester. Il m’a assuré que je recevrais ma chance, car beaucoup de joueurs allaient partir. La saison suivante (2012/13, ndlr), après une bonne préparation, j’ai été directement titularisé.  »

Mais un sérieux contretemps le freine un mois plus tard : il se retrouve sur la touche à cause d’une pubalgie.  » Une blessure très ennuyeuse, qui ne disparaissait pas. J’ai travaillé d’arrache-pied pour revenir.  » Meïté est récompensé de ses efforts : début janvier, Lille dépose 2,5 millions d’euros sur la table pour s’assurer ses services. Le milieu de terrain signe un contrat de 4 ans et demi dans le Nord.  » Une jolie somme pour un jeune de 18 ans. Après cette période noire entravée par des blessures, j’ai retrouvé le sourire. Lille – qui était à ce moment un très bon club de Ligue 1 – représentait une nouvelle étape dans ma carrière.  »

TROP SÛR DE LUI

Meïté est sur son petit nuage lorsqu’il prend, à 18 ans, la direction de Lille où l’entraîneur René Girard le fait monter au jeu dès le premier match et le titularise même lors de la troisième journée, à Saint-Etienne.Cette saison-là, Meïté pourra s’enorgueillir de quatre titularisations et de 15 montées au jeu en championnat, mais il a du mal à redescendre sur terre. La saison suivante (2014/15, ndlr), il n’est titularisé qu’une seule fois et ne monte au jeu qu’à sept reprises. Et une saison plus tard encore, il doit souvent se contenter d’une place sur le banc, quand ce n’est pas en tribune.

Meïté le reconnaît aujourd’hui : il ne doit s’en prendre qu’à lui-même.  » Jusque-là, j’avais toujours gardé en tête que mes parents avaient tout fait pour moi et que je devais leur rendre quelque chose en retour. Mais je l’ai perdu de vue à Lille. Je vivais dans un appartement d’une grande métropole bouillonnante. C’était très différent d’Auxerre, où l’on ne voyait que des vaches et des moutons. J’avais un contrat de quatre ans, un beau salaire… Je suis tombé dans la facilité. J’étais trop sûr de moi. J’étais persuadé que, quoi que je fasse, je jouerais, car personne n’avait plus de qualités que moi. Je me prenais pour Cristiano Ronaldo. Mes parents et mon entraîneur m’ont mis en garde, mais je ne les ai pas écoutés. Je ne surveillais pas mon alimentation, j’ai pris cinq kilos et cet excédent de poids s’est ressenti sur le terrain. Il était logique que je ne sois plus aligné.  »

Durant l’hiver 2016, Zulte Waregem lui lance une bouée de sauvetage, sous la forme d’un prêt d’un an et demi. Meïté s’informe auprès de Divock Origi, qu’il a connu à Lille, et de Jonathan Delaplace, un ancien de Zulte qui joue aujourd’hui au LOSC. Après une conversation avec Francky Dury, il décide de tenter le coup. Meïté est titularisé d’emblée contre Charleroi et à Anderlecht, mais son manque de rythme amène Dury à le remplacer avant les 90 minutes.

Le Français n’est pas encore au bout de ses ennuis. De retour après une blessure à la cheville, il se fait exclure à Courtrai alors qu’il vient de monter au jeu depuis 20 secondes.  » Les jours qui ont suivi, je me suis coupé du monde. Je n’ai plus répondu au téléphone. A l’entrainement, je faisais la gueule. Heureusement, l’entraîneur a continué à croire en moi. Il m’a tendu un crayon et une feuille de papier, et m’a demandé d’écrire quelle était la destination dont je rêvais. J’ai écrit : ‘Manchester United’. Il m’a répondu : ‘Eh bien, aujourd’hui, tu te trouves ici, tout en bas de cette page blanche. Et Manchester, c’est là, tout en haut. Si tu veux y arriver, tu dois tracer une ligne droite, verticale. Cela passe par des entraînements intensifs.’ Dury m’a réveillé, je peux le dire. Pendant mes deux semaines de suspension, consécutives à mon exclusion à Courtrai, je me suis entraîné avec beaucoup de conviction. Je me suis même adonné à des sprints après l’entraînement collectif. L’entraîneur m’a dit : ‘Je compte sur toi pour les play-offs 1, tu apprendras beaucoup dans cette mini-compétition très particulière.’ J’ai été titularisé lors du match à domicile contre Anderlecht. Ensuite, j’ai joué tous les matches. J’ai retrouvé confiance, mais je savais que je devais confirmer. A l’aube de cette saison, l’entraîneur a placé la barre un peu plus haut : ‘Je serai déçu si tu n’étais pas considéré comme le meilleur milieu de terrain du championnat au terme de la saison’, m’a-t-il confié.  »

LEYE LE GRAND FRÈRE

Ces derniers mois, il a démontré toute la palette de ses qualités. Il ne remerciera jamais assez Dury.  » Aujourd’hui encore, il reste très exigeant et continue à mettre le doigt sur les points que je dois encore améliorer. C’est aussi le cas de Mbaye Leye, c’est un peu mon grand frère. Nous sommes toujours ensemble : dans le vestiaire, à table pour les repas… Il me donne des conseils sur tout, et lorsqu’il constate que j’ai tendance à m’endormir sur mes lauriers, il n’hésite pas à me faire la remarque.  »

Mais Meïté est bien décidé à ne plus s’autoriser le moindre relâchement.  » Aujourd’hui, j’ai pris conscience que si j’avais eu la même mentalité à Lille, j’aurais sans doute réussi.  » Bientôt, il quittera le Nord pour emménager avec sa petite amie dans un appartement à Waregem.  » Cela m’évitera de passer tous les jours une heure sur la route. Je serai plus frais. Et si je veux m’entraîner, je suis à deux pas du centre d’entraînement.  » Il dispose encore d’une grande marge de progression, il en est conscient :  » Je ne suis qu’à 60 % de mes capacités. Vous n’avez pas encore vu le vrai Meïté. Lorsque ce sera le cas, je serai encore plus décisif pour Zulte Waregem.  »

Pense-t-il atteindre un jour son nirvana, ce Manchester United que Dury a placé tout en haut de la page ?  » Pour l’instant, je n’y pense pas. Lorsque j’étais à Lille, j’ai suffisamment rêvé. Je connais mes qualités, mais vous ne m’entendrez plus clamer sur tous les toits que je suis le meilleur. Je vis désormais au jour le jour, je me concentre sur le prochain match. On verra bien où je serai la saison prochaine. Une chose est sûre : je ne m’autoriserai plus de nouvel échec. J’ai trop de fierté pour cela.  »

PAR JONAS CRETEUR – PHOTOS KOEN BAUTERS

 » Je connais mes qualités, mais vous ne m’entendrez plus clamer sur tous les toits que je suis le meilleur.  » SOUALIHO MEÏTÉ

 » Je ne suis qu’à 60 % de mes possibilités. Vous n’avez pas encore vu le vrai Meïté. Lorsque ce sera le cas, je serai encore plus décisif pour Zulte Waregem.  » SOUALIHO MEÏTÉ

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