Dupont et Dupond

Ce sont des faux jumeaux, si semblables et pourtant si différents : ils incarnent la jeunesse et la fraîcheur de l’équipe-révélation du championnat.

Ils sont quasiment indissociables. Tom De Sutter et Stijn De Smet incarnent la jeunesse et la fraicheur du Cercle Bruges. Ils sont nés à quatre mois d’intervalle, tous les deux en 1985. Et donc candidats aux Jeux Olympiques. Ils faisaient d’ailleurs partie de l’équipe Espoirs qui a disputé l’Euro en juin, même si là, on les a moins remarqués : De Smet était légèrement blessé et De Sutter n’a fait que de brèves apparitions. Ce qu’on a oublié, c’est que les Espoirs doivent à De Smet leur participation à cet Euro : il avait inscrit deux des quatre buts de la victoire 1-4 en Bulgarie, lors des barrages.

On vous connaît mal dans le sud du pays. Pouvez-vous brièvement vous présenter ?

DeSmet : C’est déjà ma 10e saison au Cercle. Je joue ici depuis que j’ai 12 ans.

DeSutter : J’ai joué au… Club pendant cinq ans. J’ai évolué ensuite une saison à Torhout, en D3, puis je suis arrivé au Cercle au début de la saison dernière.

Qu’appréciez-vous chez votre compagnon ?

DeSmet : Tom est un vrai targetman, il est capable de jouer seul en pointe et de conserver le ballon en attendant que surgissent les joueurs de la deuxième ligne. Il est aussi capable de marquer et de délivrer des passes décisives. Un footballeur moderne.

DeSutter : Stijn est très habile, il sait à la perfection à quel moment il doit adresser la passe décisive et j’en profite un maximum. Six assists et six buts, déjà, cette saison : c’est un footballeur complet. Il devrait un peu travailler sa masse musculaire, mais soit… ( ilrit)

Stijn, Glen De Boeck a déclaré que vous étiez un joueur pour Anderlecht, mais que vous auriez intérêt à rester encore au moins une saison au Cercle…

DeSmet : Il est gentil, l’entraîneur, hein ! C’est un beau compliment, et c’est la preuve qu’il a décelé certaines qualités en moi, mais je ne me prends pas la tête avec cela.

DeSutter : Si Stijn part à Anderlecht, je me verrais bien… l’accompagner au Parc Astrid ( ilrit). Blague à part : je me sens bien au Cercle. Pour l’instant, on ne peut être mieux nulle part ailleurs. On a un entraîneur qui croit en nous, les résultats sont bons, on est titulaire chaque semaine et on prend du plaisir à se retrouver sur la pelouse. On nourrit tous les deux l’ambition d’aller le plus haut possible, mais le jour où on quittera le Cercle, on regrettera l’ambiance qu’on a connue cette saison.

Qu’est-ce qui vous rassemble ?

DeSutter : On s’entend bien, sur et en dehors du terrain, parce qu’on a le même âge, qu’on parle la même langue et qu’on a des affinités en commun.

DeSmet : Mais on a pourtant des hobbies différents.

DeSutter : Moi, par exemple, j’adore le cyclisme. Je fais des balades à vélo durant l’été et j’aime regarder les classiques.

DeSmet : Moi, je zappe lorsqu’il y a une course cycliste à la télévision. Je suis plutôt un fan de tennis… et de billard. Le tennis lorsqu’il fait beau, le billard lorsqu’il pleut ( ilrit).

 » Nous jouons ouvertement le jeu comme aux Pays-Bas « 

Votre idole ?

DeSmet : Maria Sharapova… pas uniquement pour son jeu ( ilrit). Au niveau masculin, j’apprécie Roger Federer.

DeSutter : Personnellement, j’appréciais Peter Van Peteghem, mais il a mis un terme à sa carrière.

Les Jeux Olympiques, qu’est-ce que cela vous inspire ?

DeSmet : J’aimerais beaucoup y participer, mais Jean-François de Sart a l’embarras du choix pour former sa ligne d’attaque. Et il n’y aura que 18 élus. Les places seront chères. Tout dépendra sans doute de nos prestations sous le maillot du Cercle.

DeSutter : Tous les quatre ans, lorsqu’il y a des Jeux Olympiques, je reste rivé devant la télévision du matin au soir. Y participer serait donc un rêve. A priori, la Coupe du Monde et le Championnat d’Europe sont des compétitions plus prisées par les footballeurs, mais vivre un tel événement mondial de l’intérieur doit être une expérience unique en son genre.

Après les Espoirs, la suite logique est l’équipe nationale A. Y songez-vous ?

DeSmet : Si une convocation arrive, tant mieux. Mais je ne m’impatiente pas.

DeSutter : L’entraîneur décidera. Certains aimeraient nous voir en équipe nationale dès à présent, mais on n’est pas du genre à attendre à côté du téléphone le jour où l’on annonce la sélection.

Pourquoi cela marche-t-il au Cercle cette saison ?

DeSmet : Le mérite des succès revient d’abord au groupe. On ne peut pas vraiment tirer une individualité hors du lot. Chacun travaille pour ses coéquipiers. D’ailleurs, cela se reflète dans les statistiques : il y a plusieurs joueurs qui comptent beaucoup de buts et beaucoup d’assists. Et malgré cela, chacun apporte sa pierre au travail défensif. Sur phase arrêtée, chacun vient prêter main forte à la défense. On a beaucoup de joueurs de taille relativement réduite, et malgré cela, on encaisse peu sur corner.

DeSutter : Je crois qu’il y a un bon amalgame entre jeunes et joueurs d’expérience cette saison. Un bon mélange de vitesse et de technique également. On pratique l’un des plus beaux jeux de Belgique, orienté vers l’offensive. On joue sans complexes, sans trop calculer. Lorsqu’on attaque, on se retrouve souvent en nombre dans le rectangle adverse.

DeSmet : Je constate que, depuis quelques semaines, l’adversaire s’adapte à nous. Je prends cela comme un compliment.

DeSutter : Lorsqu’Anderlecht s’est déplacé au stade Jan Breydel, il avait commis un garde-chiourme à la garde de Stijn. C’est la preuve que le Sporting s’en méfiait.

DeSmet : Même Anderlecht, vous vous rendez compte ! C’est typique du football belge : on s’adapte constamment à l’adversaire. Je trouve cela dommage. Aux Pays-Bas, chaque équipe s’efforce de jouer son propre jeu. Durant l’interruption du championnat pour cause d’équipe nationale, on a affronté l’Excelsior Rotterdam en match amical. Ce n’était qu’une équipe très moyenne, qu’on a battue 0-3, mais elle a joué le jeu ouvertement, sans prendre des précautions défensives exagérées alors qu’elle était dominée. Ici en Belgique, on songe d’abord à neutraliser l’adversaire avant d’attaquer soi-même. Je trouve cela triste.

DeSutter : Le mauvais exemple, c’est Lokeren. Une équipe outrancièrement défensive. Lorsqu’on voit des équipes pareilles, on ne s’étonne pas qu’elles n’attirent guère de spectateurs. Les gens viennent au stade pour voir des buts. Le Cercle en constitue le plus bel exemple : l’assistance est en nette hausse cette saison.

 » Van Veldhoven s’adaptait davantage à l’adversaire que De Boeck « 

Dans quel pays étranger rêvez-vous de jouer ? Aux Pays-Bas ?

DeSmet : Les Pays-Bas, ce n’est pas vraiment l’étranger. C’est un peu le même genre de championnat qu’en Belgique. L’Espagne m’attirerait. C’est un championnat très exigeant, d’un niveau peut-être trop élevé pour moi, mais puisque vous parlez de rêve… Tom, je le verrais plutôt en Angleterre ou en Allemagne.

DeSutter : En Angleterre ? Dis plutôt en Ecosse… ( Ilrit)

Quels sont les mérites de Glen De Boeck dans la réussite du Cercle ?

DeSutter : Il nous a fait prendre conscience de nos qualités. Je crois que, sur ce point-là, la différence avec la saison dernière est flagrante. Mais cette confiance est aussi liée aux résultats. Si les résultats n’avaient pas suivi, on ne jouerait pas aussi libérés.

DeSmet : Ce sont les joueurs qui se trouvent sur le terrain. Un bon entraîneur à la tête d’une mauvaise équipe n’atteindrait jamais la troisième place. Je crois que la réussite du Cercle est d’abord due aux joueurs. De Boeck a eu le mérite de nous faire jouer de cette façon là et de croire en nous.

Que vous a-t-il dit au premier entraînement ?

DeSmet : Je l’ignore : j’étais absent, car j’avais bénéficié de quelques jours de congé supplémentaires après l’Euro Espoirs ! ( Il rit)

DeSutter : Je me souviens qu’en début de saison, il a appelé chaque joueur individuellement dans son bureau. Il m’a expliqué que, dans le passé, on avait souvent livré de bonnes prestations contre les ténors, parce qu’on était hyper-motivés et hyper-concentrés, mais qu’on avait tendance à prendre les choses à la légère lorsqu’on affrontait des adversaires moins prestigieux. On alternait deux bons matches avec trois mauvais.

Harm van Veldhoven était déjà considéré comme un entraîneur offensif. De Boeck l’est encore plus ?

DeSmet : Van Veldhoven, un entraîneur offensif ? ( Ilrit) Oui, par moments. Mais il faut avoir les moyens de jouer offensivement. Avec tous les blessés qu’on a connus la saison dernière, on était obligé de prendre certaines précautions défensives.

DeSutter : On n’a jamais pu présenter deux semaines d’affilée le même onze de départ. Cette saison, cela fait quasiment 15 matches que l’on joue avec la même équipe. Forcément, des automatismes se sont créés. Van Veldhoven s’adaptait davantage à l’adversaire que De Boeck, mais avec tous les blessés, il n’avait peut-être pas le choix.

Etes-vous surpris par la troisième place du Cercle ?

DeSutter : Les points qu’on possède, on ne les a pas volés. On aurait même pu en avoir quelques-uns en plus. Si l’on avait sifflé le penalty sur Stijn à la dernière minute du match à Lokeren, par exemple.

DeSmet : L’arbitre lui-même en a été malade, lorsqu’il a revu les images. Certains affirment qu’il n’a pas osé siffler parce qu’on avait déjà bénéficié d’un penalty dix minutes plus tôt. Et alors ? Pinantiispinanti ! ( Ilrit) Contre le Club aussi, on méritait mieux. Mais là, c’est moi qui aurais dû me montrer plus concret.

Quatre buts en 22 minutes

Etes-vous surpris par vos propres prestations ?

DeSmet : On joue mieux que la saison dernière parce que l’équipe entière joue mieux. Le collectif rend les individualités meilleures, et inversement. La preuve : à Anderlecht, Ahmed Hassan se trouve dans le creux de la vague. Il n’a pourtant pas perdu toutes ses qualités. C’est le collectif d’Anderlecht qui fait défaut et qui ne lui permet pas de s’exprimer.

DeSutter : Le collectif reste la base du football. Je n’hésite jamais à céder le ballon à un partenaire lorsqu’il est mieux placé que moi, quitte à compter quelques buts de moins à mon palmarès personnel. Aussi longtemps que le Cercle gagne, c’est le principal. Si je dois choisir entre un ticket européen ou un titre de meilleur buteur, je prends l’Europe sans l’ombre d’une hésitation. Je crois que, la dernière fois que le Cercle a été européen, c’était en 1985 : l’année de notre naissance, à Stijn et à moi.

Quel fut votre plus beau moment, cette saison ?

DeSutter : Sans doute mes quatre buts en 22 minutes, lors du match de Coupe de Belgique à Malines. Cela ne m’était encore jamais arrivé, même pas en équipes de jeunes.

DeSmet : Mon plus beau moment doit encore arriver ! ( Ilrit) Mais, jusqu’à présent, je pense que c’était le match contre Saint-Trond. C’était mon 100e match et j’ai inscrit deux buts.

Où se situe votre plafond ?

DeSmet : On a progressé palier par palier, mais je crois que cette saison, on a tout de même gravi plusieurs marches à la fois. Si je nous compare, Tom et moi, avec les joueurs que nous étions il y a trois ans, nous ne sommes plus les mêmes. C’est difficile d’expliquer cela par des mots. Tout est lié à l’expérience : on sent mieux à quel moment on doit donner le ballon, à quel moment on doit tenter une action. Malgré tout, je crois qu’on dispose encore d’une belle marge de progression. Il est trop tôt pour déterminer où se situe notre plafond.

DeSutter : Je n’ai pas reçu une formation très poussée lorsque j’étais jeune. Au Club, où j’ai joué cinq ans, ce n’était pas mal. Mais, avant cela, j’ai fait partie de très petits clubs qui n’avaient pas vraiment les moyens de soigner leur école de jeunes. Depuis que je suis au Cercle, j’ai beaucoup progressé. Je crois que l’année passée à Torhout, en D3, m’a fait beaucoup de bien également. On apprend à devenir un homme dans cette série. J’ignore où se situe réellement mon plafond. Je le saurai lorsque… je le toucherai. Mais je suis également persuadé que je dispose encore d’une belle marge de progression.

A quelle position voyez-vous le Cercle terminer, cette saison ?

DeSmet : Reposez-moi la question à la fin avril, je vous répondrai avec plus de précision.

DeSutter : En restant réaliste, je pense que la 7e place est dans nos cordes. C’était notre objectif en début de saison. N’en déplaise à certains médias, qui avaient pronostiqué une… 18e place. De Boeck s’en était irrité, mais nous, on est habitué. C’est devenu une tradition : le Cercle figure toujours parmi les candidats à la relégation.

DeSmet : Et pas uniquement les médias. Les capitaines qui ont été interrogés nous ont aussi souvent cités comme candidats à la relégation. On a répondu sur le terrain : on est 3e, on possède la meilleure attaque après le Standard et on pratique le plus beau football. Que demander de plus ?

par daniel devos – photos : reporters/ mossiat

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