Duo coulé

La tempête souffle sur l’équipe belge de Fed Cup, tenante du titre.

Si rien ne semblait pouvoir être fait pour que la Limbourgeoise revienne sur sa décision, le coach anversois allait tenter une véritable opération de séduction auprès de la Rochefortoise afin que la Belgique ne soit pas orpheline de ses deux stars. Mais le problème est profond. Ne souhaitant pas supporter à elle seule toute la pression d’un match de cette importance, Henin réservait sa décision après le tournoi d’Indian Wells où elle fut éliminée au stade des huitièmes.

« Je veux disputer la Fed Cup mais uniquement si nous sommes dans une position où nous pouvons gagner », disait-elle à ses proches juste avant son départ pour les Etats-Unis.

La fille de Marloie ne souhaite pas faire les efforts que sa consoeur du Limbourg refuse. Ayant depuis longtemps décidé de ne pas disputer les doubles afin de préserver son épaule droite, Clijsters n’aurait donc eu qu’un match à livrer pour apporter sa pierre à l’édifice, à charge pour Henin de remporter son simple et le double, permettant ainsi à la Belgique de se qualifier pour les quarts de finale.

Or si elle a annoncé qu’elle avait rayé la Fed Cup de son programme 2002, Clijsters s’est alignée à Indian Wells, ne faisant qu’une apparition éclair face à la Française Dechy.

Pareil comportement n’est pas du goût de Justine qui estime que si on est blessé, on l’est pour toutes les épreuves.

Sur ce plan, Leo Clijsters fut très clair: « Le programme de ma fille a été réduit au minimum cette saison. Elle est allée consulter le docteur De Clerck à Anvers et il a été formel: elle risque à tout moment la fracture. Sa blessure à l’épaule est plus sérieuse qu’on ne le croit. Trois options s’offrent à elle: soit elle arrête de jouer pendant trois mois et on voit comment évolue le mal, soit on opère et l’on sait qu’une telle éventualité, outre le fait qu’elle ne garantit aucune guérison totale, obligera ma fille à observer un repos d’au moins six mois voire plus, soit enfin on alterne les périodes de tournois, lesquelles ne peuvent jamais excéder trois semaines consécutives, et les périodes de repos. Nous avons choisi la troisième solution. Nous espérons que Kim pourra ainsi assurer son maintien dans le top 10 mondial ».

Et le paternel de conclure que sa fille ne disputera pas plus de 12 ou 13 tournois sur toute la saison ce qui, si l’on retire déjà les quatre tournois du Grand Chelem, ne fait guère plus d’un tournoi par mois. C’est peu pour une fille qui s’est habituée ces deux dernières années à truster les récompenses. Son style particulier, basé sur une puissance phénoménale ne l’aide pas. Il est éprouvant pour l’organisme et on a tendance à oublier que la joueuse de Bree n’aura que 19 ans le 8 juin.

Comment soigner une épaule qu’on doit oublier?

Elle a passé l’essentiel du mois de février à consolider son épaule dans les salles de fitness: « Deux heures par jour uniquement pour mon épaule. Il s’agit d’un travail éprouvant qui vise à renforcer la musculature derrière l’articulation afin de stabiliser et d’équilibrer toute la zone tout en réduisant au maximum la pression sur mon avant-bras. Chaque jour, je me lève en espérant que la blessure évoluera dans un sens positif. Mais elle demande de la patience ».

Pour la première fois de sa carrière, Kim se retrouve donc face à une blessure sérieuse. L’exemple de Pat Rafter, mais aussi de Goran Ivanisevic, sont là pour nous rappeler que l’épaule est un endroit des plus délicats en tennis. Même si elle n’a pas toujours mal, Clijsters doit sans cesse jongler avec l’envie de frapper fort au service et celle de retenir son bras pour ne pas forcer. Pas idéal lorsqu’on est troisième joueuse mondiale et qu’on affronte à chaque fois des joueuses qui sont chaque jour plus puissantes elles aussi.

« C’est quelque chose à laquelle je pense sans arrêt », dit Clijsters. « Et cela fait un temps que ça dure. Je me retrouve face à un défi. Avant de monter sur le court, je suis impatiente à l’idée de voir comment la situation va évoluer. Le plus dur est de se concentrer uniquement sur son tennis. Je dois essayer d’oublier mon épaule alors que je fais une multitude d’exercices pour tenter de la guérir… Mais pour elle, il y a autre chose dans la vie que le tennis ».

Son père n’a-t-il pas déclaré il n’y a pas si longtemps qu’il ne sait pas de quoi l’avenir de sa fille aînée est fait: « Qui sait? Dans deux ou trois ans, elle arrêtera peut-être sa carrière ».

Kim: « Le tennis est génial parce qu’il me permet d’exercer mon hobby tout en gagnant beaucoup d’argent. Je fais ce que j’ai toujours aimé faire, je voyage dans des villes intéressantes, je rencontre des gens très variés, je descends dans de luxueux hôtels. Par rapport à d’autres sports, le tennis est l’un des plus beaux. Je ne contesterai jamais cela mais il y a des choses beaucoup plus importantes ».

Comment planifier sa saison?

Reste que ceci met une fois de plus en lumière les énormes difficultés qu’éprouvent les nations à convaincre leurs meilleures joueuses de s’aligner en Fed Cup. La situation est la même avec la Coupe Davis. Qu’on se souvienne des innombrables problèmes auxquels fut confronté le pauvre Arthur Ashe lorsqu’il était capitaine de l’équipe américaine (avec Jimmy Connors et John McEnroe) ainsi que ses successeurs, lesquels durent souvent faire des pieds et des mains pour attirer des joueurs de la trempe de Pete Sampras ou d’ Andre Agassi.

« Justine et Kim sont des joueuses au calibre immense. Nous n’en avons jamais eues de pareilles au sein de notre fédération. Leurs carrières sont faites de priorités qui sont différentes des nôtres », dit Yves Freson, le président de la fédération belge.

La première tâche de toute joueuse pro est de coucher sur papier un calendrier qui sert au mieux ses intérêts. Surfaces, décalages horaires, points mis en jeu qui côtoient ceux qui sont retranchés en fonction des résultats de l’année précédente: tous ces facteurs sont là pour compliquer la tâche de l’intéressée et de son entraîneur.

Et parce qu’il a lui-même été un sportif de très haut niveau, Leo Clijsters, le père et manager de Kim, connaît les dangers du sport professionnel. Il n’a jamais caché que sa priorité resterait toujours de protéger sa fille. Tandis que l’épaule était de plus en plus douloureuse à l’Open d’Australie, il tenta bien de la convaincre de cesser séance tenante son parcours à Melbourne. Mais sans doute parce qu’il était resté en Belgique, il dut se résigner à voir sa fille poursuivre sa route jusqu’en demi-finale.

Florient Etienne,

Lei Clijsters va tout faire pour empêcher Kim de trop en faire.

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