Duel inégal

Alors que la saga juridique autour du leader de Quick-Step a duré jusqu’à la veille du départ, le Britannique remportait déjà dimanche sa première étape dans cette édition 2009.

24 heures avant que la caravane du Tour ne démarre, la décision tombait : Tom Boonen pouvait prendre le départ à Monaco. C’est l’épilogue d’une longue saga commencée le 8 mai, lors d’une perquisition du parquet de Turnhout au domicile du coureur. Le 25 avril 2009, Boonen a été testé positif à la cocaïne pour la troisième fois en un an et demi. La première fois, c’était en novembre 2007 (on l’apprendra plus tard), la deuxième en mai 2008. Heureusement pour lui, il s’agit à chaque fois de contrôles hors compétition, donc à un moment où prendre de la cocaïne n’est pas considéré comme du dopage. Alors qu’il y a un an, Boonen avait déclaré avoir été  » piégé « , cette année il déclare d’emblée  » avoir un problème et chercher de l’aide.  »

Tout comme en 2008, ASO (la société organisatrice du Tour) ne peut que constater dans un communiqué officiel que l’image et le comportement du Belge ne correspondent pas à l’image du Tour de France. Pour la deuxième année d’affilée, le chef de file de Quick-Step n’est pas le bienvenu. Fait marquant : ASO rappelle au coureur et à son équipe qu’ils peuvent toujours contester la décision devant le Comité olympique français.

L’an dernier, tout le monde – y compris Boonen et son entourage – semblait trouver logique que le sprinteur ne participe pas au Tour. Cette année aussi. Quick-Step réagit d’abord sereinement : Boonen est suspendu et doit payer une amende. L’ex-champion du monde doit par ailleurs être suivi de manière intensive et se soumettre régulièrement à des analyses d’urine et de cheveux. En ce qui concerne le Tour, on se dit à nouveau que l’affaire est close. Jusqu’à ce que l’équipe belge calcule le manque à gagner publicitaire et mette toutes voiles juridiques dehors pour s’assurer que son poulain soit au départ de la Grande Boucle.

Les avocats du coureur et de l’équipe jouent leur premier atout auprès du tribunal civil de Nanterre, dont le juge ne s’estimera pas compétent. A-t-il ou pas été influencé par les propos du (désormais ex-)secrétaire d’Etat français au Sport Bernard Laporte, qui aurait vraiment préféré ne pas voir pédaler Boonen dans son pays ?

Comme dernière bouée de sauvetage, Quick-Step et ses conseillers s’adressent au Comité d’arbitrage olympique français. Et, incroyable, ce comité leur donne raison : Tommeke peut donc prendre le départ du Tour. Est-ce une bonne affaire ? D’un côté c’est bien pour l’amateur de cyclisme belge que le porteur du maillot tricolore et vainqueur de 6 étapes du Tour soit présent. D’un autre côté, le raisonnement qui voudrait qu’un sportif de haut niveau qui ne sait pas se passer de cocaïne soit automatiquement attiré par des substances qui favorisent les performances dans sa discipline est un peu court, comme on dit aujourd’hui. Osons en tout cas mettre en question la présence de Boonen au Tour, pour le sport cycliste et sa crédibilité.

Boy Racer met la pression

Alors que Boonen était dans l’expectative jusqu’à la veille du départ, son rival au sprint Mark Cavendish rentrait dans la peau de favori au maillot vert. Logique pour ce coureur au parcours pourtant atypique, comme en témoigne Bart Brackez, qui après avoir suivi Frank Vandenbroucke, Lance Armstrong et Jan Ullrich peut aujourd’hui se targuer d’être le soigneur de la sensation du sprinteur britannique au sein du team Columbia.

 » Chez nous, plus aucun dopage n’est toléré « , lance Brackez.  » Nous voulons sauver le cyclisme. Chez Columbia, nous avons trouvé la recette qui remplace les produits dopants : sous le management de Bob Stapleton tout devient plus professionnel. Via Jenson Button par exemple, les coureurs ont pu s’entraîner dans une soufflerie de Formule 1. Bon, cela coûte 1.250 euros de l’heure mais cela porte ses fruits dans les contre-la-montre. L’alimentation a évolué, elle aussi : il y a par exemple les cocktails de protéines dont raffole Cavendish.  »

En tant que confident du coureur, Brackez a commencé la lecture de Boy Racer, l’autobiographie du sprinteur qui a à peine… 24 ans.  » Mark a dû se battre pour se faire sa place. Je reconnais en Cavendish la niaque d’Armstrong. Il est venu de l’Ile de Man en Belgique avec le peu d’argent qu’il avait épargné alors qu’il remplissait des monnayeurs dans une banque. Il trouva refuge à Tielt-Winge auprès de Tim Harris, l’ancien champion britannique qui s’occupe des talents cyclistes de son pays. En 2006, Cavendish était champion du monde par équipes sur piste. Ensuite, il a accompagné T-Mobile comme stagiaire au Tour de Grande-Bretagne. Dans l’ultime étape, il faillit battre Boonen au sprint. Tom m’avait même dit : – Qu’est-ce qu’il est arrivé vite, celui-là. A partir de ce moment, la direction de l’équipe était derrière Mark et il reçut son premier contrat pro.  »

Les premières courses de Cavendish comme pro sont loin d’être une réussite…  » A l’Etoile de Bessèges, il n’avançait pas d’un mètre en altitude. Le troisième jour, il abandonna, dépressif. Aux 3 Jours de La Panne, il prit à un moment dix minutes de retard lors d’une étape pour les sprinteurs et me dit ensuite : – Je vais arrêter le vélo, Bart.  »

Deux semaines après, Cavendish gagnait au GP de l’Escaut, battant Robbie McEwen sur la ligne. A partir de cette date, T-Mobile construit l’équipe autour de lui. Bart Brackez :  » Si l’on emmène Mark jusqu’au finish, il y a 95 % de chances qu’il gagne. Sur ce Tour, l’équipe Columbia espère engranger trois victoires d’étape avec Cavendish mais l’objectif final est évidemment le maillot vert. Le problème sera de trouver d’autres équipes qui veulent se lancer dans un sprint avec nous, parce que Mark est tellement rapide. Une fois la ligne d’arrivée en vue, tout le monde se refile la patate chaude ! Mark devra utiliser à bon escient les conseils d’ Erik Zabel, qui s’est paré à six reprises de vert à Paris. Selon moi, ses adversaires principaux seront Thor Hushovd, Oscar Freire et Daniele Bennati.  »

Cavendish peut-il aller encore plus vite ?  » Il atteint déjà 75 km/h, ce sera difficile d’aller plus vite. Mais Mark ne se laisse jamais mettre sous pression. Il peut coller jusqu’à un demi-centimètre de la roue de celui qui le précède. C’est là qu’on remarque l’expérience qu’il tire de sa jeunesse en BMX et sur piste. D’ici trois ans, ses muscles seront pleinement développés, ce qui sera à son avantage en cas de vent de face ou latéral. Plus je l’observe, plus Mark me fait penser à Freddy Maertens. La plupart des sprinteurs tirent de toutes leurs forces pour lancer leur effort alors que lui pousse très fort sur les pédales quand il est encore en selle. Ensuite, il va s’appuyer sur son guidon, de façon très aérodynamique.  »

Pour revenir au duel à distance avec Boonen, est-ce que Cavendish risque de tomber dans les mêmes travers que Tommeke, la gloire et l’argent aidant ?  » Mark est l’un des coureurs les mieux payés au monde. Il a aussi un gros contrat avec Nike. L’argent change la vie, je le constate chez lui aussi. A l’époque des classiques printanières, il faillit s’acheter une Porsche dans un garage de Laetem-Sint-Martin avant d’y renoncer. Il est devenu une figure médiatique et s’occupe davantage de son image et de son look. Mais au final, il reste relativement modeste et continue à se concentrer sur son sport.  »

par roel vandenbroeck et benedict vanclooster

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