« Du spectacle pour notre public »

Après avoir été élu Footballeur Pro en 2001, le médian du Sporting reste sur une campagne en demi-teinte qui l’énerve.

Elu Footballeur Professionnel de l’Année en 2001, Walter Baseggio a vécu une campagne 2001-2002 beaucoup plus difficile. Finalement opéré du genou à la mi-mai, après avoir traîné une gêne pendant plusieurs mois, il a repris normalement les entraînements avec le groupe et est conscient qu’il ne pourra plus se permettre une deuxième saison d’affilée en demi-teinte. La campagne qui s’annonce s’assimile, pour lui, à la saison de vérité.

Aujourd’hui, comment vous sentez-vous?

Walter Baseggio: Bien. J’ai été opéré juste après avoir été écarté de l’équipe nationale. Il y avait urgence. Le Dr.Martens m’a confirmé, après coup, que j’avais pris la meilleure décision car il a pu juguler l’inflammation et éliminer des kystes. Il a complètement nettoyé le genou au niveau du ménisque, et aujourd’hui, je ne ressens plus rien.

Vous étiez, pourtant, assez réticent à l’idée de passer sur le billard?

Oui, car j’ai horreur des salles d’opération. J’ai essayé de différer l’intervention le plus longtemps possible. Et, plus le temps passait, plus la douleur s’accentuait. J’ai commencé à ressentir une sérieuse gêne vers la mi-février. En avril, j’avais du mal à tenir 90 minutes. J’aurais, sans doute, dû me résoudre à l’opération à ce moment-là, mais il y avait la perspective de la Coupe du Monde. Sachant qu’il m’aurait fallu un mois et demi pour être sur pied, une entrée en clinique équivalait à faire une croix sur les Diables Rouges. J’ai donc mordu sur ma chique.

Avec un résultat finalement similaire, puisque vous n’étiez pas du voyage en Asie.

C’est vrai, mais j’ai néanmoins pu prendre part à la fin de saison d’Anderlecht et participer à la qualification européenne. C’était important aussi. Mais quand Robert Waseige a réuni un groupe élargi dans l’optique de la Coupe du Monde, je sentais bien que je n’étais pas à 100% de mes moyens. Après concertation mutuelle, il a été jugé plus sage de renoncer. Sur le coup, j’avoue que cela m’a fait mal. En entrant à l’hôpital, j’ai beaucoup pensé à cette occasion manquée. J’ai ressenti un gros pincement au coeur lorsque le groupe s’est envolé pour Tokyo. Le plus dur, ce fut la première semaine de Coupe du Monde. Je n’avais pas le moral lorsque j’assistais à tous ces matches à la télévision. Au fil du temps, je me suis rendu à la raison: il fallait que je me concentre sur ma rééducation. Retrouver toutes mes facultés était pour moi le principal.

Avec le recul, n’aurait-il pas été préférable de vous faire opérer immédiatement, dès les premières douleurs en février?

A l’époque, la douleur était encore supportable. L’échographie n’avait rien révélé d’alarmant. C’est la résonance magnétique que j’ai passée plus tard qui a permis de déceler l’inflammation. Et les terrains, qui devenaient de plus en plus durs, m’ont encore handicapé davantage. Si je peux éviter une opération, je l’évite. Mais, à la longue, elle était devenue inévitable.

Ces problèmes physiques expliquent-ils la difficile fin de saison que vous avez vécue?

Certainement. J’avais de plus en plus de mal à me retourner. Le problème se situait surtout à ce niveau-là. J’étais encore capable de monter sur le terrain, mais dès que le rythme s’accentuait, je me retrouvais assez vite dans le rouge. Je pouvais me permettre tout au plus de jouer à 50%. Si en championnat de Belgique, on peut encore faire illusion, il est impensable de se lancer dans une Coupe du Monde dans ces conditions-là. C’était peine perdue.

Vous avez donc consacré l’été à votre remise en forme?

Je me suis autorisé quelques jours de vacances malgré tout. Puis, trois semaines après mon opération, j’ai pu recommencer à courir. J’ai repris l’entraînement individuellement une semaine avant le groupe. Et, le 1er juillet, j’étais sur le terrain avec tous mes partenaires.Fichu genou

En 2001, vous aviez été élu Footballeur Professionnel de l’Année. La confirmation s’est révélée difficile.

La saison dernière, les bas furent effectivement plus nombreux que les hauts. Les ennuis physiques expliquent en grande partie cette baisse de régime. J’avais été victime d’un premier blessure au péroné, lors du match préliminaire de Ligue des Champions en Moldavie. Elle m’a privée des six ou sept premiers rencontres de championnat et ce ne fut guère évident, après cela, de revenir dans le groupe. C’est au coeur de l’hiver que je me suis senti le mieux. De décembre à février, cela allait très bien. Puis, est apparue cette douleur au genou, qui a terni ma fin de saison. Attention, tout ne fut pas noir. J’ai été appelé en équipe nationale et, avec dix buts, j’ai terminé deuxième buteur du club en compagnie d’Aruna Dindane derrière Gilles De Bilde (11 buts).

Avez-vous eu l’impression de devoir assumer un nouveau statut après votre élection?

J’ai appris à vivre avec la critique. Cette consécration m’avait fait très plaisir. Etre élu par ses pairs procure une sensation très différente du Soulier d’Or, où ce sont surtout des journalistes et d’anciens internationaux qui votent. Précédemment, j’avais aussi été élu Jeune Pro de l’Année. Malgré les moindres performances de la saison dernière, j’ai donc, malgré tout, suivi une progression assez régulière.

Aujourd’hui, n’êtes-vous pas en train de plafonner?

Je ne le pense pas. D’un point de vue purement footballistique, je n’ai sans doute pas retrouvé mon niveau antérieur, mais ce que j’ai perdu à la construction, je l’ai compensé à la conclusion. Mes buts ont souvent été décisifs. Physiquement, durant les périodes où je n’étais pas blessé, je trouve même que j’étais mieux que précédemment. On ne peut pas recevoir la consécration chaque année. En 2001, j’avais aussi profité à titre individuel des résultats d’Anderlecht et du parcours exceptionnel réalisé en Ligue des Champions. La saison dernière, le Sporting a rarement développé un football chatoyant, et dans ce contexte, il était aussi plus difficile de briller individuellement.

Pour vous, c’est malgré tout une saison importante qui s’annonce?

Pour moi, oui, mais aussi pour tout le club. Après une saison, qui ne nous a valu aucun trophée, il faut à tout prix renouer avec la victoire.

Cette saison, comment la sentez-vous?

Bien. Depuis trois semaines, on travaille assez dur. Hugo Broos a apporté de nouvelles méthodes de travail. Les entraînements sont un peu plus longs, il faut s’y faire.

Estimez-vous que la préparation avait été insuffisante les saisons précédentes?

Je n’ai pas dit cela. Chaque entraîneur a ses méthodes. L’une des grosses différences, aussi, était que les saisons précédentes, il fallait être prêt après trois semaines d’entraînement afin d’aborder le tour préliminaire de la Ligue des Champions. Cette saison, nous disposons de six semaines. La préparation peut être faite de manière plus progressive. L’essentiel est d’être prêt pour la reprise du championnat. Je crois que, pour l’instant, nous sommes en train d’accumuler des réserves pour la saison et que l’intensité des entraînements diminuera lorsqu’ approchera le moment où seront frappés les trois coups de la nouvelle compétition.

Le changement d’entraîneur a-t-il été accueilli d’un bon oeil?

Personnellement, il ne m’a en tout cas pas dérangé. Après les petits incidents qui avaient opposé Aimé Anthuenis à une partie du groupe la saison dernière, il devenait sans doute difficile de continuer comme s’il ne s’était rien passé. Il ne faut toutefois pas perdre de vue tout le travail qu’il a réalisé au Parc Astrid. L’équipe nationale lui a offert une belle porte de sortie.

Anderlecht évoluera-t-il dans un autre style?

Visiblement, on s’oriente vers un 4-4-2. Avec Aimé Anthuenis, c’était plutôt un 5-3-2. Parfois un 3-5-2 avec une optique tout de même assez défensive.

Le retour au football offensif, qui constitue la marque de fabrique d’Anderlecht, est-il une priorité?

La saison dernière, notre public n’a pas été gâté. Nous avons remporté plusieurs matches au forceps. Et, surtout, nous avons rarement été constants sur la durée d’un match. Nous jouions bien pendant 2O ou 25 minutes, puis nous retombions dans nos travers. Nos supporters ont droit à davantage de spectacle, c’est un fait. Nous essayerons de le lui donner.Test contre Sedan

Peut-on déjà tirer des enseignements des matches amicaux qui ont été disputés?

Non, il est encore trop tôt. Nous avons surtout rencontré des petites équipes et ces matches se sont souvent disputés dans la foulée d’entraînements assez durs. Metz, samedi, constituait déjà un test plus valable. Mais le véritable test, ce sera Sedan. Après quatre semaines de préparation, nous pourrons mieux déterminer où nous nous situons.

Et il n’y aura plus de Ligue des Champions, mais « seulement » la Coupe de l’UEFA.

Cela fait mal de constater qu’après avoir forcé l’attribution de deux places à la Belgique en Ligue des Champions, deux autres clubs en profiteront. A nous de rectifier le tir cette saison et de récupérer notre bien. La Coupe de l’UEFA est moins prestigieuse, mais il y a peut-être un beau coup à jouer dans cette compétition. Avec une formule par aller-retour, il faudra toutefois aborder les matches dans un tout autre état d’esprit. Il n’y a pas de droit à l’erreur: ça passe ou ça casse. C’est différent d’une formule par groupe, où l’on est assuré de jouer six matches.

La Ligue des Champions ne vous manquera pas?

Un peu, oui, ne serait-ce que pour tout le bénéfice que l’on peut retirer en se mesurant à des formations du calibre de celles qui participent à la compétition européenne majeure. A ce niveau-là, la vitesse d’exécution est phénoménale. C’est la principale différence. Et, lorsqu’on s’est habitué à ce rythme, on n’éprouve plus guère de difficultés à développer un grand braquet en championnat de Belgique. Anderlecht a appris énormément en Ligue des Champions. Lors du premier match, à Manchester United, on avait pris la leçon, mais on avait tout de même retenu pas mal de choses qu’on a appliquées en compétition nationale. Ce fut moins le cas la saison dernière parce que la multitude de blessés avait empêché la constitution d’une équipe-type. Des joueurs importants étaient partis également, mais je demeure persuadé qu’au complet, la formation de la saison dernière aurait toujours été très compétitive.

Vous êtes sous contrat jusqu’en 2OO5. Comment voyez-vous votre avenir?

Pour l’instant, ma seule préoccupation est de réaliser la meilleure saison possible. C’est ma septième saison dans le noyau A. J’ai remporté deux titres de champion. Je me sens bien au Sporting. Ce club m’a tout donné: je suis arrivé à 8 ans, en Pré-minimes en provenance de Clabecq, et j’ai gravi tous les échelons. Je jouis de la confiance de tout le monde et je dispute chaque année une coupe européenne, que demander de plus?

Un moment, on vous disait en partance pour l’Italie. Cette perspective n’est-elle pas en train de s’éloigner?

L’Italie demeure un rêve. Je n’ai jamais que 23 ans, j’ai le temps. Une bonne Coupe du Monde m’aurait peut-être permis de me mettre en vitrine. Ma blessure a contrarié ce projet. Un éventuel transfert passera par de bonnes prestations à Anderlecht. Ce sera ma priorité. Je ne veux plus trop entendre de bruits de managers. Je dois surtout me concentrer sur mon travail et retrouver mon meilleur niveau. Je verrai en fin de saison comment les choses se présenteront. Je ne désespère pas d’effectuer le grand saut d’ici un an, deux ans au maximum. L’âge idéal pour s’expatrier se situe entre 24 et 26 ans. Je serai plus mûr, à ce moment-là, pour tenter ma chance dans le Calcio.

Parmi toutes les rumeurs qui ont circulé, quelle fut la plus concrète?

La Fiorentina. Voici deux ans, si tel avait été mon désir, j’aurais pu partir. Mais ce n’était pas mon objectif. J’étais encore fort jeune et j’avais aussi à coeur de poursuivre l’aventure de la Ligue des Champions au Sporting. La saison dernière, il y a encore eu quelques contacts verbaux, mais rien de plus.

Lorsqu’on voit ce qu’est devenue la Fiorentina, vous n’avez pas perdu grand-chose.

Effectivement. Cela m’aurait simplement permis de mettre un pied à l’étrier. Il faut un peu de chance dans un transfert, et en refusant celui-là, j’ai sans doute échappé au naufrage.

Est-il possible de planifier une carrière?

C’est difficile. Il faut saisir les occasions lorsqu’elles se présentent. J’en ai peut-être laissé passer l’une ou l’autre, mais je ne regrette rien.

Daniel Devos

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