Du pro, et du meilleur.

En 1984 Jan Ceulemans reçut le 1er trophée du Footballeur pro de l’année.

Fin 1983, interviewé par Foot Magazine, Paul Courant, ex-international du FC Liégeois et Club Brugeois, suggéra l’idée d’un referendum récompensant le meilleur footballeur pro de l’année. Selon le modèle anglais, seuls les joueurs pros voteraient. Pour un Belge, même hors frontières, ou un étranger de notre championnat. Différences essentielles avec le traditionnel Soulier d’Or décerné par un jury de journalistes, dirigeants, entraîneurs, arbitres et anciens joueurs, et qui ignore le talent belge émigré. Au palmarès du Footballer Pro figurent, en 91, Enzo Scifo (Auxerre) et, en 96, Luc Nilis (PSV).

Courant, ex-manager du FC Malines des grandes années fin 80, puis talent scout d’Anderlecht, et, aujourd’hui, agent officiel de joueurs, n’est pas un inconditionnel du jeu britannique, mais il en apprécie les traditions, le culte et l’enthousiaste contexte.

Le championnat pro fêtait ses 10 ans, en 84, lorsque ses pairs élirent Jan Ceulemans premier Footballeur Pro de l’Année. Dans les locaux du Crédit Communal lui furent offerts une prime de 100.000 francs, et un but miniature en platine incrusté d’un ballon en diamant. Peu de votants, et peu de monde à l’époque, mais aujourd’hui, un must de notre foot. Sterke Jan distingué trois fois de suite, en 84, 85 et 86, estime que ses collègues ne l’ont, sans doute, pas plébiscité parce qu’il était brave et gentil -il y a d’autres prix pour cela- mais pour avoir joué toute la saison à un niveau élevé et constant. Selon lui, le danger d’un mauvais choix serait de ne retenir, par exemple, qu’une brillante douzaine de prestations en fin de championnat. Il pense aussi qu’il vaut mieux distinguer un joueur du championnat belge -on l’a mieux à l’oeil- qu’un expatrié.

Avec quatre trophées, 88 (Bruges), 90 et 95 (Anderlecht) et 2000 (GBA), répartis sur douze ans, Marc Degryse est le recordman des élus, signe que ses pairs choisissent plutôt un footballeur créatif. En 95, après son troisième succès, il ne cacha pas sa préférence pour le Footballeur Pro sur le Soulier d’Or dont le retentissement médiatique est pourtant plus fort : « Heureux d’être distingué par mes collègues, et satisfait que ce referendum rayonne de plus en plus au fil des années. Le classement par points du Soulier d’Or me paraît dépassé, trop de choses qui n’ont pas de rapport avec le foot y entrent en ligne de compte ». En 95, Marc remarqua que le Foot Pro récompensait le « pro d’âge mûr » qu’il était devenu; cinq ans plus tard, l’année passée, il était à nouveau honoré.

En 87, Juan Lozano fut le premier étranger à figurer au palmarès. Grièvement blessé, il se soignait en Andalousie, chez ses parents, et ne put assister à la soirée de gala. Dommage, car Juan, qui crut, semble-t-il, n’avoir été reconnu que dans le malheur, se serait rendu compte combien il était apprécié.

Enzo Scifo fut plébiscité en 91, alors qu’il venait de jouer sa plus efficace saison française, à Auxerre, sous Guy Roux. Quant à Luc Nilis, qui ne chaussa jamais le Soulier d’Or durant ses belles années anderlechtoises, il fut fêté comme Footballeur pro en 96. Ses performances au sein de l’attaque de PSV n’étaient pas passées inaperçues aux yeux de ses anciens partenaires et rivaux restés au pays. Les Hollandais, eux, le couronnèrent deux fois. En 96, Luc, un peu amer, ne voulut d’abord pas participer au vote du Footballeur Pro, et ne remplit le formulaire qu’en apprenant que le vent lui était très favorable, et que le gagnant touchait 100.000 francs. Il les empocha.

Pär Zetterberg, aujourd’hui en Grèce, est un cas d’école. Trois fois lauréat, en 93, 97 et 98, il le fut la première fois comme équipier de Charleroi. Aad De Mos l’avait discrédité à Anderlecht, jugeant qu’il ne surmonterait pas le handicap du diabète. A Charleroi donc, Pär lui opposa un flagrant démenti, et les pros belges firent de même en l’élisant. Par la suite, il fut encore tiré hors pair comme Anderlechtois. Le meneur de jeu suédois (3 fois lauréat aussi du Fair-play) fut cité en exemple pour l’efficace contrôle de son mal à un niveau élevé du sport. Il commenta ainsi sa première distinction: « Sans doute, est-il plus facile d’être distingué comme espoir d’un club moyen comme Charleroi que d’être reconnu dans un grand club. Comme il est plus aisé d’aller vers le sommet que de s’y maintenir ». La suite prouva qu’il était aussi taillé pour jouer sur un plus grand pied.

Abonnée absente au Soulier d’Or, l’Afrique apparut au Footballeur pro, en 99, avec Souleymane Oulare, alors à Genk. Le robuste attaquant guinéen vécut une saison extraordinaire puisque deuxième au Soulier d’or, derrière son partenaire Branko Strupar, il chaussa non seulement le Foot pro mais aussi le Soulier d’ébène. Diallo, un ami de Souley, remarqua qu’un trophée européen attribué à un Africain est toujours un événement important. L’opinion courut parmi les Africains de Belgique que Strupar reçut le Soulier d’Or parce que plusieurs votants espéraient faciliter ainsi sa naturalisation et donc une sélection comme Diable Rouge. Oulare expliqua que Branko lui avait confié : « Le seul Soulier d’Or cette année, c’est toi ». Le Guinéen reporta ses espoirs sur le Footballeur Pro, mais, déçu, ne vota pas. Le referendum des joueurs le désigna n°1 devant Strupar et Koller. Pour tout ce que les joueurs noirs apportent à notre foot, originalité, fantaisie et parfois aussi le punch, c’était mérité. Oulare n’avait coûté que 4 millions à Genk…mais il ne vint pas au gala!

Doublé par Gille de Bilde pour le Soulier 94, Lorenzo Staelens, alors à Bruges, et déjà trentenaire, se consola la même année avec la récompense votée par ses collègues pros soucieux de mettre bien en évidence la régularité de ses bonnes prestations aux niveaux national et international. Un plébiscite en parfait accord avec la conception de Jan Ceulemans.

Le Gant d’Or, rebaptisé Gardien de but de l’année, échappa, curieusement, à Jean-Marie Pfaff, six années titulaire au Bayern Münich. A croire que nos pros ne le portaient pas toujours dans le coeur. Grands vainqueurs: Gilbert Bodart, en 85, 86, 92 et 95 pour ses percutantes saisons au Standard, et Michel Preud’homme (FC Malines 88, 89, 90 et 91). Les quatre distinctions consécutives de l’actuel entraîneur du Standard correspondent à l’impressionnante série du FC Malines fin des années 80 (Coupe 87, titre 89, Coupe des Coupes et Supercoupe d’Europe 88). Rarement en accord avec le monde ambiant du foot, Bodart s’est souvent autorisé quelques remarques. Celle-ci, entre autres: « Deux classements pour le Footballeur pro et le Gardien de l’année ne se justifient pas, ils déforcent la position du portier, exclu du classement général ». Pour lui, le gardien n°1 serait le premier portier cité dans un classement unique regroupant indistinctement tous les joueurs, même s’il n’y figure qu’au septième rang, par exemple. Mais, ainsi, existerait sa chance d’être l’élu toutes catégories.

Inauguré en 88, le referendum du Jeune pro de l’année a de particulier, qu’aucun des distingués, Severeyns, Viscaal, Wilmots, Crasson, Walem, M. Goossens, Doll, Babayaro (2x), E. Mpenza, Addo, et Baseggio (2x), ne fut retenu ensuite à l’échelon plus haut. Mais, le meilleur peut encore venir pour quelques-uns d’entre eux.

Paul Van Himst, Soulier d’Or du siècle, mais né dix ans trop tôt pour le Footballeur pro, fut néanmoins à l’honneur, dès 1983, comme premier Entraîneur de l’année. Choisi pour sa conquête de la Coupe des Coupes avec Anderlecht, face à Benfica, il estime avoir eu autant de mérite, si pas plus, comme entraîneur que comme Soulier d’Or : « Car, s’il est logique qu’un joueur anderlechtois profite médiatiquement de la domination que le club exerce souvent sur le foot belge, ça me paraît moins évident comme entraîneur ».

Sans titre et avec une seule Coupe de Belgique, Liège en 90, Robert Waseige détient le record de trois trophées accordés pour sa direction du FC Liégeois en 85, de Charleroi en 94, et du Standard en 95 : cela récompense l’intelligent travail de l’entraîneur des Diables Rouges. Les doublés ne sont pas rares: Aad De Mos (FC Malines) en 87 et 89, Hugo Broos (Club Brugeois) en 92 et 96, Eric Gerets (Lierse et Club Brugeois) en 97 et 98, et Aimé Anthuenis (Genk et Anderlecht) en 99 et 2000.

Ce Rétro serait incomplet s’il ne mentionnait l’ex-arbitre international Marcel Van Langenhove, couronné huit fois d’affilée, de 84 à 91, comme Arbitre de l’année, par les joueurs pros. Il prit sa retraite après l’ultime distinction, et s’en déclara plus fier que de tout autre événement de sa carrière, convaincu que les joueurs l’appréciaient surtout pour être resté toujours le même homme, le même arbitre au fil des saisons. « Et toujours concentré sur mon sujet, sauf lorsque le match était trop calme ».

Henry Guldemont

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