Du pain sur la planche

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

Les enquêtes du Crioc ne font pas l’objet de fraude intentionnelle. Mais de sérieuses corrections méthodologiques pourraient lui rendre toute sa crédibilité. Et si le personnel actuel ne subit pas de harcèlement moral, sa gestion ne peut que s’améliorer.

« La situation est délicate. Nous avons encore beaucoup de travail devant nous. Toute communication intempestive pourrait nuire au processus en cours au Crioc. Désolé, donc, mais nous ne souhaitons pas communiquer davantage.  » On ne peut pas dire que les administrateurs du Centre de recherche et d’information des organisations de consommateurs aient été très loquaces après le conseil d’administration de ce 18 juin. C’est qu’ils sortaient d’une réunion longue de neuf heures, avec son lot d’informations à digérer et de nouvelles marches à suivre.

Au menu du jour, d’abord, la présentation des comptes et du budget 2012, qui ne soulève pas d’inquiétude pour l’instant. Deux consultants, appelés pour mener deux audits jugés nécessaires après l’enquête du Vif/L’Express faisant état de dysfonctionnements au sein du Crioc, ont ensuite été entendus. Leur rapport écrit n’a pas encore été transmis aux administrateurs mais leurs principales conclusions ont néanmoins déjà été exposées.

René Patesson, chargé de l’audit sur la méthodologie utilisée pour les enquêtes du Crioc, n’a pas trouvé trace de fraude intentionnelle dans les cinq enquêtes qu’il a déjà analysées.  » Son audit nous a toutefois éclairés sur les limites des enquêtes menées par téléphone ou sur le manque de rigueur dans l’élaboration de certains échantillonnages, entre autres, détaille un membre du conseil d’administration. Nous devrons tirer des leçons de cet audit, et, notamment, faire un arbitrage entre la quantité d’enquêtes réalisées par le Crioc et le degré de qualité que nous sommes en droit d’attendre. « 

Les défauts épinglés par l’auditeur sont comparables à ceux que l’on relève dans la pratique de tous les instituts de sondage dits commerciaux, résument plusieurs sources. C’est précisément là le problème : car les administrateurs ne veulent pas que le Crioc, subventionné quasi totalement par de l’argent public, soit assimilé à une entreprise commerciale.

L’audit a confirmé que les bases de données brutes étaient traitées uniquement par le directeur général du Crioc, Marc Vandercammen, dont ce n’est a priori pas le rôle. Pour remédier à cette particularité dans l’organisation du traitement des données de base, une des pistes pourrait consister à mettre en place un comité d’accompagnement permanent des enquêtes, auquel participeraient des experts internes et extérieurs au Crioc. Aucune décision n’a toutefois encore été prise, le conseil d’administration attendant le rapport définitif de l’auditeur.

Inventer une culture d’entreprise

L’audit consacré à la gestion des ressources humaines, mené par la firme Kite Consultants, n’a, quant à lui, pas conclu à des faits de harcèlement moral dans l’entreprise. L’auditeur n’a toutefois rencontré aucun des anciens salariés du Crioc, dont un certain nombre avaient précisément témoigné d’une ambiance de travail difficilement supportable au Centre.  » Mon but était d’analyser la situation qui prévaut actuellement au Crioc et non de revenir sur le passé, détaille Jürgen Tanghe, le patron de Kite Consultants. C’est cette approche qui nous permettra de nous projeter au mieux dans le futur. « 

Le consultant n’a pas souhaité en dire davantage sur le contenu de son audit ni sur les recommandations qu’il a formulées.  » Je suis néanmoins confiant dans le fait que, sur la base de mes conclusions, le conseil d’administration prendra les bonnes décisions pour améliorer la situation « , a-t-il dit.

En cette matière comme en d’autres, le conseil d’administration a en tout cas pris la mesure des changements à mettre en place pour faciliter la vie quotidienne du personnel de l’institution.  » Il y a des leçons évidentes à tirer en matière d’organisation du travail et de communication interne, indique un membre du conseil. Il y a également de nets progrès à faire en termes de délégation des responsabilités et toute une culture d’entreprise, actuellement inexistante, à construire. « 

Le travail des administrateurs du Crioc, qui consacrent des heures et une bonne dose d’énergie à redresser la situation au sein de l’institution, n’est pas simple. Car le Centre doit absolument renégocier son contrat de gestion avec le SPF Economie, son principal pourvoyeur de fonds. C’est le ministre de tutelle, Johan Vande Lanotte (SP.A), qui avait dénoncé ce contrat en avril dernier, en attendant les conclusions d’un autre audit, réalisé par la firme KPMG. Cette étude, centrée sur l’utilisation qui est faite, par le Crioc, des deniers publics, ne sera finalisée qu’à la mi-juillet. En attendant, toute renégociation du contrat de gestion est gelée. Or le préavis donné par le ministre vient à échéance en septembre.

Le conseil d’administration, lui, se dit prêt pour cette négociation. Il a déjà élaboré une note qui redéfinit les missions prioritaires du Crioc pour l’avenir. C’est sur cette base qu’un nouveau plan stratégique sera élaboré, portant à la fois sur le volet méthodologie, finances et gestion du personnel.

Sur le terrain, la nouvelle délégation syndicale n’est pas encore opérationnelle, direction et organisations syndicales peinant à trouver un terrain d’entente sur les modalités pratiques de cette mise en place.  » Il est très important que la convention permettant l’entrée en fonction d’une délégation syndicale soit signée le plus vite possible, rappelle Caroline Jonckheere, vice-présidente du Crioc. C’est d’ailleurs le mandat qui avait été donné au directeur général. « 

LAURENCE VAN RUYMBEKE

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