Du pain dans un corps sain ? !

Quand j’étais petit, du temps où les buts marqués à l’extérieur n’avaient pas encore été décrétés prépondérants en cas d’égalité sur 2 x 90′, une défaite à l’aller par 1-0 en déplacement était considérée comme un bon résultat, autorisant au retour tous les espoirs de qualification : c’était plutôt le vainqueur qui trouvait sa victoire étriquée et craignait pour sa pomme… Aujourd’hui par contre, quand tu remportes l’aller 1-0 comme Fenerbahçe, tu remplis ton contrat et ton adversaire fait la moue. En effet, personne chez nous ne s’est frotté les mains à l’issue du résultat mauve à Istanbul : l’opinion courante étant que c’était encore possible pour Anderlecht, mais que ç’allait en tout cas être sacrément compliqué… Ce qu’a corroboré le but visiteur planté d’emblée, au point que les commentaires déçus d’après match redisaient tous la même chose : à savoir que c’était mission impossible d’en planter trois à un adversaire sachant évidemment fermer le jeu, et qui était à tout le moins aussi fortiche que toi. D’accord, c’est ennuyeux à entendre, car tu finis par te demander pourquoi les Mauves n’ont pas alors réintégré leur vestiaire dès le but de Mateja Kezman, au lieu de continuer pour des prunes. Mais en même temps, l’histoire statistique des scores le prouve, c’est hélas un constat lucide : cette saloperie de prépondérance du but inscrit en déplacement nuit au suspense, et rendait ici la mission mauve en 88′ quasi impossible… même si toute la part de rêve se niche dans le quasi ! N’empêche : cette histoire de prépondérance nuit au suspense, en même temps qu’elle n’a surtout jamais rendu plus offensives les équipes visiteuses… alors qu’à l’origine, c’était le but de l’initiative ! C’est pourquoi j’ai employé le mot saloperie, c’est pourquoi j’en prône la suppression…

Mais tout cela n’est pas grave. Une élimination n’est qu’une anecdote, n’est-ce pas ? Nous aimons d’abord le Sport avec un grand S, pour la noblesse des Valeurs qu’il nous refile avec un grand V, non ? Nous sommes d’abord tous des supporters de Coubertin, hein ? Hé ! Pierre de Coubertin, remember ! Le bonhomme olympique qui a dit voici 100 ans :  » L’important n’est pas de vaincre, mais de participer !  » Mouais. D’accord, l’important pour le Sporting mauve n’était pas de vaincre tous ses opposants en phase de poules de la Ligue des Champions, l’important était d’y participer. Sauf qu’au préalable et dans ce but, faut bien admettre que face à Fenerbahçe, l’important était de vaincre, pas de participer ! C’est en tout cas ce qu’estimaient les p’tits gars des tribunes qui ont foutu leur bordel dépité, incapables d’écraser face à la joie comme souvent provocante de leurs alter ego du jour, ainsi va le folk en foot… En notant que Roger Vandenstock n’est en rien tombé dans ce travers, remarquable qu’il fut de dignité fataliste lors de son interview à chaud . N’empêche : pas facile de se situer par rapport à toutes ces citations qui entendent vous inculquer ce qu’est le politiquement correct en sport…

Surtout quand les citations sont latines ! Prenons par exemple celles de Juvénal, un gars qui s’efforçait de ricaner par écrit à cette époque romaine jolie, récemment dépeinte sur BeTV, où l’on se trucidait en ville à glaive que veux-tu, pour un oui pour un non. Juvénal flippait jadis parce que le peuple désirait seulement panem et circenses, traduit poliment en  » du pain et des jeux  » mais qui signifiait plus crûment  » de la bouffe et des couillonnades !  » Juvénal, qui n’était pas de Turin, est aussi l’auteur du célébrissime Mens sana in corpore sano, cet  » esprit sain dans un corps sain « … que les incitateurs à la pratique sportive pigent de traviole depuis des siècles : Move your body !  » Il faut que le corps soit sain pour que l’esprit le soit aussi « , clament-ils de tous les coins du globe, en latin si possible ! Ils ont peut-être raison, mais Juvénal n’a pas voulu dire ça. Quand Juvénal a lâché son Mens sana, etc , c’était seulement pour calmer des interlocuteurs qui attendaient trop de la vie : en leur rétorquant qu’être en bonne santé et pas trop con était ce qu’il fallait se borner à espérer, surtout quand pointait la vieillesse… En somme, la version antique de notre  » Tant qu’on a la santé !  » Juvénal n’en avait rien à fiche du sport. Dont acte, et pour info.

par bernard jeunejean

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