Du neuf avec du vieux

L’expérimenté médian français ne pense plus au passé ou à l’avenir : c’est le moment présent qui compte. Et la philo n’a finalement rien à voir là-dedans…

A l’occasion de sa présentation à la presse, Olivier Dacourt a étonné en citant Friedrich Wilhelm Nietzsche, un philosophe allemand (1844-1900) qui considérait entre autres la religion comme un alibi devant la faiblesse humaine et le malheur. Dans une de ses £uvres le plus connues,  » Ainsi parlait Zarathoustra « , ce dernier s’adresse aux hommes après avoir médité durant plusieurs années dans la montagne. Dacourt ne s’est pas éloigné aussi longtemps du foot et son palmarès a impressionné Pierre François, le Directeur général du Standard :  » Je n’avais jamais imaginé qu’un triple champion d’Italie viendrait un jour chez nous !  »

 » Je ne suis pas venu pour des raisons économiques  » dit Dacourt.  » Je pouvais arrêter de jouer. Normalement, je dévais commencer l’université : droit et économie du sport. Puis Bölöni m’a appelé, on a parlé, et ensuite j’ai discuté avec lui et Lucien D’Onofrio. Il fallait que je vienne à Liège car ce n’est pas la même chose de discuter par téléphone. Il y a trois mois, j’avais dit à la presse française que je ne continuerais ma carrière que si je trouvais un club où la symbiose était parfaite entre son entraîneur et ses dirigeants. Bien sûr, je n’ai plus joué depuis fin mai. Mais quand on a été pro pendant autant d’années, on sait s’entretenir.  »

Pour finalement jouer la Ligue des Champions si l’équipe passe les poules ? Dacourt :  » Il faut être optimiste. L’équipe a beaucoup de qualités. Elle a peut-être raté le coche contre Arsenal. Mais de l’AZ, l’Olympiacos et le Standard, aucun des trois ne se détache vraiment. Il y a des possibilités de passer. Le foot, c’est un métier qui requiert beaucoup d’expérience. C’est peut-être justement cette expérience qui a manqué contre Arsenal. Je peux la leur apporter. Mais j’ai été surpris que Bölöni me contacte. Je ne l’ai jamais eu comme entraîneur mais je le connaissais car je suis passé par Strasbourg et lui par Nancy « 

Quand on a demandé à Dacourt si c’était sa dernière aventure, il a lâché son désormais célèbre Nietsche a dit :  » Les gens passent leur temps à parler du passé et du futur proche mais ils ne parlent jamais du présent « .

 » Quelqu’un d’honnête, un type super…  » (Philippe Auclair, journaliste de la BBC et France Football )

Dans ce contexte, compliqué par la suspension d’Axel Witsel, on comprend mieux pourquoi Laszlo Bölöni était ravi d’accueillir un joueur du format d’Olivier Dacourt dans son effectif. Le coach transylvanien a un besoin urgent de métier, de présence, de charisme et de leadership. Or, c’est justement tout ce que le Parisien a acquis lors de ses aventures en France, en Angleterre ou en Italie. Le Standard a régulièrement acquis de gros cubes, comme ce fut le cas de Robert Prosinecki (vainqueur de la Ligue des Champions avec l’Etoile Rouge de Belgrade, ex-Real Madrid, Barcelone, troisième du Mondial 98, etc.), mais peu d’entre eux, finalement, ont justifié leur réputation dans le cadre d’un championnat belge où l’engagement passe avant le beau jeu. Les époques ont changé et l’outil de travail s’est totalement modernisé ses dernières années. Le renfort français s’entraînera dans les mêmes conditions qu’en France, en Angleterre ou en Italie. Mais Dacourt ne s’est-il tout de même pas embourgeoisé au fil de ses succès ? Mettra-t-il encore son bleu de chauffe alors qu’il n’a plus rien à prouver sur un terrain ?

 » Il est difficile d’établir la valeur d’Olivier Dacourt vu qu’il n’a pratiquement pas joué la saison dernière avec Fulham « , explique Philippe Auclair, journaliste à la BBC et correspondant pour France Football en Angleterre.  » Sa venue à Londres était davantage liée à une recherche de nouvelles expériences. Il était là pour se faire plaisir, découvrir une nouvelle ville, et non pas pour un dernier coup financier : d’ailleurs, il était de ceux qui avaient les plus petits contrats à Fulham. J’ai rencontré Olivier, pour la dernière fois, après Fulham-Manchester. Il était monté à la mi-temps, et avait fait même une bonne apparition. Toutefois, il m’avait fait comprendre que c’était assurément sa dernière saison chez les pros. Il a connu plusieurs pépins aux genoux et à son âge, il sentait qu’il lui était difficile de retrouver son meilleur niveau.  »

Surpris qu’il débarque à Sclessin ?  » Peut-être… En tous les cas, ce n’est certainement pas pour l’argent… A 35 ans, je crois que son avenir financier est assuré vu les clubs où il a joué. Dire que son arrivée au Standard est un choix du c£ur, ce n’est chez lui certainement pas une technique de com’. Vous pouvez le croire, c’est quelqu’un d’honnête, un type super. « 

 » Je le connais depuis 1998, date de son arrivée à Everton et je l’ai suivi par après à Leeds où il a pris une dimension sportive encore plus importante. D’ailleurs, il aurait dû connaître une trajectoire plus heureuse en Bleu vu son talent. Quand il évoluait à Leeds puis à l’AS Rome, il était sans conteste un des meilleurs milieux relayeurs d’Europe. Au-delà de ses qualités sur le terrain, ce sont ses qualités humaines qu’il faut mettre en avant. Partout où il est passé, il a eu une influence très positive dans le vestiaire, les journalistes italiens me l’ont confirmé lors de son long et beau passage dans le Calcio. « 

Et puis un joueur qui cite Nietzsche, ça surprend…  » Cela ne m’étonne pas de lui et ce n’est certainement pas de la fanfaronnerie. C’est quelqu’un qui a une vraie carrure intellectuelle. Je vous donne un exemple : s’il a choisi Everton après Strasbourg, alors qu’il avait plusieurs autres offres en Angleterre, c’est parce que ce club ne comptait aucun Français. Il voulait assimiler une nouvelle culture, s’en imprégner, et non pas se coltiner sans arrêt ses compatriotes. « 

 » Son image cosmopolite, contraste aussi avec son attachement pour ses racines. C’est un pur Parisien, un vrai. Il a grandi dans la banlieue chaude d’Aulnay-sous-Bois avant d’intégrer le centre de formation de Strasbourg. Lui se définit même comme un  » Titi Antillais « . Que peut-il apporter à un club comme le Standard ?  » Sportivement, faudra voir son état de forme. Sur le terrain, il a toujours été extrêmement  » versatile « . Il a joué à tous les postes du milieu de terrain : à gauche, à droite comme relayeur, comme vrai milieu défensif, et même numéro 10 à Leeds. Techniquement, il a du ballon. Je crois surtout qu’il devrait servir d’exemple aux jeunes. Son charisme et son expérience leur seront certainement bénéfiques… « 

 » J’en veux à José Mourinho  » (Olivier Dacourt)

Bien éduqué, Dacourt laisse de bons souvenirs partout où il passe.  » Les témoignages concordent : Olivier Dacourt sait dire  » merci  » à ceux qui l’ont aidé et conseillé. « , pouvait-on découvrir dans le quotidien l’Humanité daté 26 juin 2003.  » C’est un excellent camarade qui n’oublie pas ce qu’on a fait pour lui « , racontent aussi bien Robert Felix, l’ex-surintendant de Strasbourg, que Claude Makelele et Benoît Pedretti, ses partenaires en Bleu. Combattant modeste et travailleur à ses débuts, il est également apprécié de Zinedine Zidane qui met souvent son labeur de porteur d’eau en avant et en valeur. Mais Dac s’évertue à garder la tête froide : –  » On retombe si vite dans ce métier qu’il faut sans cesse se remettre au travail sans penser une seconde qu’on est arrivé.  »

Tout ne fut pas toujours rose et le 28 février 2009, L’Equipe évoquait sa brouille avec José Mourinho. C’est intéressant à plus d’un titre pour cerner la personnalité du bonhomme.  » Olivier prêté à Fulham jusqu’à la fin de la saison, parle de son bonheur d’avoir retrouvé les terrains après une année 2008 noire à l’Inter Milan la plus difficile de sa carrière. « , lit-on dans le quotidien sportif.  » Il y a la blessure tout d’abord : une rupture d’un ligament croisé du genou gauche en décembre 2007. La mise à l’écart, ensuite, dès l’arrivée de Mourinho, l’été dernier, qui lui signifia une semaine avant la fermeture du mercato qu’il pouvait partir.  » Quand tu as trente-quatre ans et que tu reviens d’une longue blessure, c’est difficile de trouver un club, qui plus est en une semaine « , explique Olivier Dacourt . « Et puis, j’étais prêt à me battre. J’avais envie de prouver qu’il avait tort. Donc je suis resté. Les mois ont passé mais sa situation n’a pas évolué. Douze minutes à Rome (4-0), le 19 octobre, et c’est tout :  » Je lui en veux, à Mourinho et c’est normal. Tout le monde a eu sa chance. Moi, jamais. C’est dur. On se pose des questions. On ne comprend pas.  »

La raison ? Le technicien portugais tramerait une vieille rancune envers le Français datant de l’été 2004. Lors d’une rencontre amicale, à New York, entre Chelsea et l’AS Rome, Dac blesse Arjen Robben au métatarse. Trois mois d’absence pour le Batave, colère de José Mourinho. Depuis, les rapports entre le Français et son entraîneur se sont toujours réduits au strict minimum : – Bonjour, au revoir. Deux jours avant la clôture du mercato d’hiver, son téléphone sonne. Roy Hodgson, qui souhaitait déjà l’attirer à Fulham l’été 2008, le convainc de :  » venir aider l’équipe à grandir « .  » De mon côté, Je voulais juste retrouver le plaisir que j’avais perdu  » , confie Dacourt qui retrouve un Championnat qu’il avait quitté en juillet 2003 après deux expériences à Everton (1998-1999) et Leeds (2000-2003 ). – J’avais toujours dit que je reviendrais. J’adore l’Angleterre, c’est l’essence même du football. Ça va à deux mille à l’heure ! « . A quelle vitesse jouera-t-il en Belgique ?

par pierre bilic, thomas bricmont et pierre danvoye

« J’adore l’Angleterre, c’est l’essence même du foot. Ça va à deux mille à l’heure!(Olivier Dacourt) »

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