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Du foot au pays du cricket

Voilà, c’est fait. C’est scellé dans l’immuable obligation des chiffres. Nous sommes qualifiés pour la Coupe du monde. Une fois de plus, on ne s’est même pas obligés à penser que ce ne serait pas le cas. Avec les Diables, cela fait cinq grandes compètes qu’au tirage, on sait qu’il n’y aura pas de grattage de méninges pour gagner son groupe. Groupe devenu « de préparation » plus que « de qualification ». Pas notre faute. Trop forts pour les qualifs, mais pas encore pour les trophées. Cela dit, nos derniers matches ont fait souffler un sentiment de positivisme, de fraîcheur. Celui de notre jeunesse. Beaucoup de conversations ont « chrysalidés » vers la renaissance. Le thème est passé de génération vieillissante à relève fringante. M’ont bien plu, les gamins. Surtout celui qui n’en est plus un, mais qui il y a peu de temps, faisait encore figure d’adolescent au niveau international. Hans Vanaken me surprend. Il m’a convaincu. À son rythme. Avec ce fameux tempo qu’il n’a pas trop, mais qu’il compense par sa vista. C’est-à-dire sa compréhension du jeu, du geste ou du déplacement à faire. Courir juste permet d’être vite au bon endroit sans être trop véloce. Il est comme chez lui dans cette équipe nationale. Surpris, je le suis mais ravi, aussi. Il n’y a que les cons qui ne changent pas d’avis. Même moi.

Honte à la FIFA d’avoir perdu toute crédibilité. Re-honte pour sa non-envie de faire semblant de vouloir retrouver un soupçon de dignité.

Et d’ailleurs, je reviens sur mon premier choix de chronique. Après le jeu, les enjeux. Ceux de cette prochaine Coupe du monde vont bien au-delà du foot. Déjà que l’attribution était un magistral footage de gueule. Ce qu’on craignait s’est avéré dramatiquement vrai. Le prix humain à payer est exorbitant. Pour transformer un désert en un parc d’attraction du ballon rond, ce fut un carnage. Honte à la FIFA d’avoir perdu toute crédibilité. Re-honte pour sa non-envie de faire semblant de vouloir retrouver un soupçon de dignité. Un confrère du Guardian est allé se promener au Qatar. Son road-trip? Aller dans les hôtels repris sur la liste officielle de la FIFA. Il y a tendu l’oreille, ouvert les yeux et découvert un parfum de Moyen-Âge dans un des pays les plus riches de la planète. On connaît déjà ce chiffre ahurissant de 6.500 morts sur les différents chantiers. Douze par semaine depuis dix ans. Ahurissants sont aussi les communiqués officiels des organisateurs. Ils veulent bien admettre 37 décès sur les chantiers des nouveaux stades. Tout en précisant que 34 d’entre eux ne sont « pas liés au travail ». Bien sûr… Le blème, c’est qu’ils construisent aussi des nouvelles villes, aéroports, routes, métros. Mais pour eux, y a que les stades qui comptent dans leurs comptes macabres. Des stades de foot dans un pays qui n’a pas de foot ni de footballeurs. Au Qatar, le sport-roi, c’est le cricket. Normal vu que dans cet État du Golfe, 95% de la population « active » est étrangère. Et la plupart vient d’Asie. Beaucoup d’Inde, du Népal, du Pakistan, du Sri Lanka. Ceci explique cela.

Pour cette main-d’oeuvre, le travail proposé est tout sauf une main tendue vers une vie meilleure. Le salaire moyen tourne autour de 237 euros par mois. On arrive à peine à un peu plus d’un euro de l’heure. Moyen-Âge, on vous disait. Tendance esclavagisme, on vous redit. Si un travailleur veut un jour de congé (rarement octroyé), c’est douze euros retirés du salaire. Certains ont dû travailler trois mois sans le moindre jour de pause. Qu’ils changent de travail, alors? Oulalala, très mal vu des autorités. On sait ce que ça veut dire dans des contrées où l’idée des Droits des hommes et des femmes ne sont toujours qu’un mirage. D’ailleurs, la plupart des travailleurs ont dû donner leur passeport à leur employeur. Arrivés en ouvriers, ils sont devenus prisonniers. Cette Coupe du monde fera encore beaucoup parler et écrire. Le drame en forme d’espoir, c’est que ce sera d’abord et avant tout à propos toute l’indécence de ce monde. Le jeu passera après l’enjeu. Le jeu ne sera qu’accessoire. Pour une fois, on s’en réjouit. L’avenir de notre humanité ne dépend pas d’un résultat sportif, mais bien du respect de ceux qui la composent.

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