Drôles de DRAMES

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

La saison pourrie de l’attaquant hurlu et de son club.

P atrick Dimbala (22 ans) est passé, en quelques mois, du grenier à la cave. De la gloire à la galère. Du statut de nouveau buteur mouscronnois à celui d’attaquant à la recherche de ses sensations. Sa première saison à Mouscron risque fort de tourner en eau de boudin et de lui laisser de bien pâles souvenirs. Surtout après la défaite à Ostende où il commença sur le banc…

Geert Broeckaert n’a pas tourné autour du pot après son premier match (et sa première défaite) à la tête de l’Excel :  » J’ai vu un Mouscron engagé mais en panne d’automatismes. Je pouvais améliorer le mental de mes joueurs en six jours, mais pas transformer de façon spectaculaire leur style de jeu en aussi peu de temps. Pour nous, le break provoqué par les matches des Diables Rouges tombe très bien « .

Un discours sans ambiguïté, à coup sûr compris par les joueurs. Philippe Saint-Jean avait l’habitude d’être moins direct, et sa façon de soigner son langage et ses explications ont peut-être fini par se retourner contre lui. Ce n’est d’ailleurs pas le seul trait de caractère qui oppose l’ancien coach et celui qui a pris sa place. Le premier privilégie le dialogue et les méthodes douces. Lorsque Marc Schaessens lui affirma qu’il ne viendrait au match du week-end que s’il était sûr d’être titulaire, Saint-Jean lui conseilla de rester sagement chez lui et de faire le point. Face à la même attitude d’enfant gâté, Broeckaert aurait (logiquement) expédié le fautif dans le noyau B, avec une solide amende à la clé. Il se chuchote aussi que Geoffrey Claeys put brosser un décrassage, pour raison de gueule de bois, sans encourir la moindre amende. Saint-Jean n’aime pas punir : il préfère parler, raisonner, détailler sa manière de voir le foot et la vie en groupe. Cette façon de faire ne plaît pas nécessairement.

Francky Vandendriessche et Koen De Vleeschauwer, respectivement capitaine et vice-capitaine, voulaient clairement du changement à la tête du groupe. On devine que ces deux-là ont été consultés s’il est exact qu’après la défaite à Gand, la direction a demandé à plusieurs joueurs s’il était bien raisonnable de continuer avec Saint-Jean.

Mais l’ex-coach n’est certainement pas le seul responsable de la campagne de transferts calamiteuse menée durant l’été dernier. Dans l’équipe qui a commencé le match à Ostende, il n’y avait que trois joueurs arrivés avant le championnat ( Patrice Noukeu, Jimmy Hempte et Alexandre Lecomte). Où étaient tous les autres ? Soit sur le banc, soit dans la tribune, soit actifs dans un autre club. C’est dès les mois de juin et juillet que l’Excelsior a commencé à cochonner son championnat. Pas bien loin de là, à La Louvière et à Charleroi, on prouve qu’il est possible de transférer du costaud pour des prix et des salaires rikiki !

 » Les anti-Saint-Jean doivent prouver qu’ils avaient raison  »

Patrick Dimbala :  » Quand je suis arrivé au stade pour l’entraînement du lundi matin, trois jours après la défaite contre le Standard, j’ai trouvé un journaliste devant la porte du vestiaire des entraîneurs. Il m’a dit que Philippe Saint-Jean venait d’être licencié. Je ne voulais pas le croire. Pour moi, ce C4 a été une toute grosse surprise. J’étais vraiment persuadé que la direction allait lui maintenir toute sa confiance. J’étais sûr qu’il pouvait nous sortir du trou, que c’était simplement une question de temps. J’ai lu beaucoup de choses dans la presse depuis qu’il n’est plus notre coach, mais je n’y ai pas retrouvé l’explication qui est, pour moi, la plus plausible : les principaux responsables du malaise sportif actuel, ce sont d’abord les joueurs, pas l’entraîneur. On dit que le message de Saint-Jean ne passait pas dans le groupe : foutaises. Nous avons tous souffert durant les premières semaines d’entraînement, il y avait des jours où je me demandais vraiment où il voulait en venir. Mais ses consignes sont entrées progressivement dans les têtes. Si cela n’avait pas été le cas, comment aurions-nous pu réussir un excellent début de saison ? Peut-on battre Anderlecht si on ne comprend rien au message du coach ?

Nous avons forgé nos bons résultats en début de championnat grâce à une application très stricte de ses consignes. C’était rarement beau à voir, mais les points suivaient. Tous les joueurs comprenaient parfaitement la mission qui leur était confiée et faisaient tout pour la remplir. Puis, l’équipe est progressivement devenue moins rigoureuse. Le pressing qui avait fait notre force lors des premiers matches s’est fait de moins en moins strict. Nous nous sommes moins engagés dans les duels. Nous nous sommes alors mis à pratiquer un football sans doute plus attrayant, mais moins efficace. Nous avons aussi perdu le brin de chance qui nous avait bien aidés lors des premières journées. Et certains ont commencé à jouer pour eux au lieu de bosser pour l’équipe. Comme si quelques bons résultats leur avaient fait oublier que le foot est un sport collectif. On ne peut donc pas accuser l’entraîneur. Il faut qu’on m’explique pourquoi des footballeurs arrêtent petit à petit d’appliquer des directives qu’ils avaient comprises et qu’ils savaient appliquer dans la première ligne droite de la saison. Ceux qui ont attaqué les méthodes de Saint-Jean dans la presse n’ont aujourd’hui plus d’excuses : à eux de prouver que cette façon de travailler était exagérément compliquée. J’attends de voir. Je n’ai encore rien remarqué à Ostende en tout cas « .

 » Nous étions tous conscients d’une chose avant notre déplacement à la Côte. Si nous perdions ce match, notre situation allait devenir très grave. Et bien voilà, on y est : l’Excel est maintenant dans une position très, très grave. La menace de la D2 est bel et bien là. Nous avons montré de l’engagement à Ostende : c’est positif mais cela ne suffira pas pour nous sauver. A part cet enthousiasme, nous n’y avons rien réussi de valable. Pas une seule occasion franche, et à nouveau une grosse erreur défensive qui amène le seul but du match. On connaît maintenant la chanson. Je pourrais jouer les optimistes et essayer de vous faire croire que nous méritions un point : je ne marche pas dans ce jeu-là. L’Excel qu’on a vu à Ostende n’a pas le niveau de la D1. Alors que notre groupe a assez de qualités pour tourner autour de la dixième place du classement si tout le monde retrouve ses sensations. C’est incompréhensible. Il est grand temps qu’on arrête de parler dans le vestiaire, que tout le monde la ferme et joue. Je n’ai pas envie de me retrouver en D2 la saison prochaine et j’imagine que je ne suis pas le seul dans ce cas « .

 » Le but de tout le club en début de saison était clair, net, consigné : le maintien. Mais tout le monde a oublié cet objectif minimaliste après notre bon départ. Comme si on voulait subitement imposer à Saint-Jean et aux joueurs de confirmer ce classement inattendu. On a vite oublié que le noyau actuel n’était probablement pas capable de jouer le haut du tableau pendant tout un championnat. Il a suffi de quelques bons résultats pour qu’on croie que l’Excel allait faire aussi bien que la saison dernière. A partir de maintenant, nous devrons analyser chaque semaine les résultats des équipes qui nous suivent au classement, mais nous restons finalement dans les temps par rapport à l’objectif initial « .

 » L’ombre des piliers partis est toujours là  »

 » On attaque les joueurs arrivés l’été dernier. Certains jouent régulièrement mais ne sont pas très bons, d’autres quittent rarement le banc. Mettez-vous à notre place ! Les gens doivent savoir que l’ombre des piliers partis en fin de saison passée continue à peser sur le groupe. L’Excel a perdu de la qualité et de la personnalité dans chaque ligne. Stephen Laybutt équilibrait toute la défense. Steve Dugardein était la dynamo de l’entrejeu. Mbo Mpenza et Luigi Pieroni gagnaient un paquet de matches à eux seuls. En janvier, c’est la troisième pointe du fantastique trident offensif de l’année passée qui a quitté le club : Christophe Grégoire. On ne peut quand même pas demander à ceux qui les ont remplacés d’être aussi brillants. Que représentons-nous par rapport à ces stars du foot belge ? Je suis arrivé de Courtrai où j’étais parti me ressourcer après mes problèmes à La Gantoise. Bob Cousin a des qualités mais c’est un pur flanc gauche et il n’avait aucune chance, au premier tour, face à la concurrence de Grégoire. Alexandre Lecomte est un attaquant extrêmement puissant, mais il a dû patienter dans l’ombre parce que j’avais la confiance de Saint-Jean. Idem pour Ricardo Magro. Peu de joueurs transférés ont bénéficié d’un contexte idéal. Et je n’ose pas imaginer où nous en serions aujourd’hui si Marcin Zewlakow était parti pendant le mercato. Quand il a été question de son départ, je me suis dit : -S’il part tant mieux pour lui, mais s’il ne part pas, tant mieux pour l’Excel « .

 » Les joueurs ont été abasourdis quand ils ont lu dans la presse que la situation financière du club était catastrophique, qu’il était carrément question de faillite. Abasourdis mais surtout étonnés, car nous n’avions jamais rien entendu d’alarmant. Heureusement, l’état de panique n’a duré que quelques heures. Le président est vite venu nous rassurer et nous lui avons fait confiance. Sa seule parole valait toutes les preuves par les chiffres. Nous ne pouvons certainement pas invoquer la situation extra sportive du club pour justifier notre lente chute au classement. Par contre, il est possible que le fait d’avoir autant de joueurs en fin de contrat ait joué dans certaines têtes. Vous pouvez être déstabilisé quand vous apprenez que, si vous voulez rester dans le club, vous devrez réduire votre salaire. D’accord, cela ne peut pas être une excuse pour un bon pro qui doit comprendre qu’il a tout intérêt à se montrer sous son meilleur jour. Mais c’est sans doute plus facile à dire qu’à faire « .

 » Ma titularisation était devenue indéfendable  »

 » J’étais complètement revigoré quand j’ai signé à Mouscron, l’été dernier. Ça n’avait pas marché pour moi à La Gantoise, qui m’avait transféré en janvier 2001 pour que j’y confirme les exploits réalisés pendant quelques mois à Alost, avec Manu Ferrera comme entraîneur et Damir Stojak comme compère d’attaque. Mais je me suis planté à Gand. La saison dernière, Philippe Saint-Jean û que j’avais côtoyé durant deux ans en Espoirs û me voulait en prêt à Tubize, mais ce club n’avait pas les moyens de payer ce que demandait Gand pour la location. Alors, j’étais redescendu en D3 en pleine saison, pour retrouver Ferrera à Courtrai. Il m’avait dit que, dans ce club, je pourrais jouer sans aucune pression. Et j’y ai effectivement pris mon pied, avec toujours une idée fixe en tête : retrouver la D1 le plus vite possible. Mouscron m’a offert cette possibilité. Le championnat a démarré sur les chapeaux de roues pour moi : un but dès la première journée contre Anderlecht, puis d’autres ont suivi. Je me croyais définitivement relancé. Puis, je suis devenu plus moyen. Ensuite, mauvais. Et enfin, très mauvais lors des derniers matches du premier tour. Je n’en touchais plus une. Après notre match de Coupe à Sprimont, je me suis fait la réflexion que je ne me croyais pas capable d’être… aussi médiocre. J’avais touché le fond, l’entraîneur m’a écarté pour quelque temps et il avait mille fois raison. Aujourd’hui, j’ai l’impression de retrouver doucement mes sensations, mais il me faudrait quelques buts pour que cela soit confirmé dans les chiffres « .

 » On s’est bien moqué de moi à Gand parce que je continuais à vivre dans les jupes de ma mère : j’habitais toujours sous son toit, elle me préparait mes repas, payait mes factures, etc. Des coéquipiers me disaient : -Sans ta mère, tu deviendrais fou. Ils n’avaient pas tort. J’étais arrivé à un âge où il faut apprendre à s’assumer, mais je ne le comprenais pas et je restais un petit gamin. Aujourd’hui, c’est entré dans ma tête. J’ai pris mon indépendance. J’habite à Mouscron et je retourne voir ma mère à Asse une fois de temps en temps. Mais sans doute faut-il aussi du temps pour assumer une nouvelle vie comme celle que je mène aujourd’hui « .

Pierre Danvoye

 » LE MESSAGE DE SAINT-JEAN NE PASSAIT PLUS ? Foutaises  »

 » JE FLIPPE À FOND : je dors avec la lumière allumée  »

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