Drôles de dames

Elles sont trois à jouer la gagne dans les courses de VW Fun Cup depuis plus de trois ans. Mais elles ne se sont jamais imposées aux 25 H de Francorchamps, le rendez-vous majeur de la saison.

Sabine Dubois : J’ai 31 ans, j’assure la gestion administrative du Dubois Racing.

Sylvie Delcour : 27 ans, conseillère commerciale chez Renault.

Fanny Duchateau : 26 ans, indépendante, je travaille notamment pour PRC Group le promoteur des championnats Fun Cup.

Vous constituez le seul équipage entièrement féminin de la discipline ; quelle est le secret de votre réussite ?

Fanny : L’homogénéité. Nous signons des chronos assez voisins, nous cassons rarement l’auto et sommes sans doute un rien plus raisonnables que certains adversaires masculins lors des dépassements.

Sylvie : En endurance, mieux vaut perdre une ou deux secondes derrière un concurrent plus lent plutôt que de le passer à tout prix en prenant des risques inutiles.

Sabine : Etant réunies depuis plus de trois ans, nous nous connaissons bien et sommes montées en puissance côte à côte.

Est-ce à dire qu’il n’y a jamais aucune tension entre vous ?

Sabine : Si, bien sûr, comme cela survient dans toute équipe.

Sylvie : Tension est le mot qui convient. Mieux que jalousie… Nos rapports peuvent parfois être tendus si une course ne se déroule pas comme prévu, mais cela n’a rien à voir avec le fait que nous soyons des femmes.

Fanny : Exact. Dans ces moments-là, homme, femme, cela ne change rien. Nous sommes trois pilotes et avons des réactions de pilotes. Et le ton peut monter…

Et vous réglez ces différends directement ?

Sylvie : A force de faire route ensemble, nous avons appris à discuter entre six yeux.

Fanny : En tout cas, il n’y a pas de coups bas entre nous.

 » On gêne, c’est évident…  »

Pourtant, vous avez des ambitions différentes : Fanny rêve d’une carrière automobile tandis que Sylvie et Sabine envisagent la course comme un hobby…

Fanny : J’ai soif d’apprendre et je multiplie les expériences : 24 H de Spa 2002 sur la Gillet Vertigo, championnat de Belgique des rallyes avec une Polo, quand je m’installe au volant d’une auto de course, je veux gagner. Cela précisé, je ne vois pas en quoi mes ambitions sportives pourraient gêner mes deux équipières.

Sabine : La Fun Cup correspond à ce que j’attends de la compétition, surtout si j’évolue dans un bon contexte. Simplement, je suis très attachée à la notion d’équipe : quand nous gagnons, nous gagnons toutes les trois !

Sylvie : Mon cas est encore différent : l’automobile est une passion que j’essaie d’assouvir dans les meilleures conditions en me lançant des défis personnels. J’ai tâté du rallye, pour voir. Cette année, je m’aligne en coupe Clio afin de me situer par rapport à certains pistards expérimentés, j’espère trouver un volant aux 24 H GT. Mais à l’inverse de Fanny, je ne songe plus à une carrière ; je sais que ce paramètre peut influencer nos rapports.

Trois femmes qui gagnent, cela ne doit pas plaire à un milieu traditionnellement macho.

Sylvie : Notre suprématie gêne, c’est évident. Cela nous vaut des petites piques, des sous-entendus. Il faut vivre avec.

Fanny : Moi, ça m’énerve ! Je sens que certains cherchent à semer la zizanie entre nous.

Sabine : Des remarques un peu machistes, parfois des man£uvres inutilement musclées en piste. Personnellement, j’évite l’épreuve de force afin de ne pas hypothéquer le résultat de l’équipe uniquement pour montrer à un mec qu’il ne m’impressionne pas.

Le nom de Dubois n’est-il pas particulièrement difficile à porter, quand on sait que c’est votre père Franz qui a créé la Fun Cup et continue à y jouer un rôle majeur ?

Sabine : J’ai tout entendu. Rarement en face, souvent par la bande… Le refrain est toujours le même : notre voiture bénéficierait de pièces spéciales plus performantes et ne serait donc pas conforme. Pourtant, elle a subi des tas de contrôles, toujours négatifs.

Fanny : On en revient à ces tentatives pour nous déstabiliser que je viens d’évoquer. Ces spécialistes en rumeurs feraient mieux d’analyser attentivement les courses, ils verraient par exemple que nos ravitaillements et changements de pilotes sont les plus rapides. Pendant l’hiver, nous nous sommes entraînées à l’atelier ; nous avons répété cette opération des dizaines de fois pour trouver le meilleur enchaînement de gestes permettant de sortir de l’auto plus vite. Résultat : nous gagnons fréquemment une vingtaine de secondes lors des arrêts au stand.

Sylvie : Autre chose : Didier Lelong, notre chef-mécano, travaille sans cesse pour améliorer l’auto. Il n’hésite pas à changer une pièce s’il a des doutes sur sa fiabilité, il soigne tous les détails afin de diminuer au maximum les risques de pannes.

Prévoir l’imprévisible

Sur les 115 équipages engagés, certains sont composés de sept ou huit pilotes souvent inexpérimentés. Le danger n’est-il pas multiplié ?

Sabine : Le niveau de pilotage est en effet très variable et cela implique une vigilance de tous les instants. Personnellement, j’ai été victime de deux gros crashes provoqués par des concurrents attardés, je suis donc ultra-prudente quand je rejoins des pilotes plus lents.

Sylvie : Il faut sans cesse anticiper, essayer de prévoir l’imprévisible. On trouve en piste des gens qui n’ont jamais disputé la moindre course automobile et peuvent donc avoir des réactions surprenantes, changer de trajectoire au dernier moment, grimper sur les freins, perdre le contrôle de leur monture… Autre difficulté, il est impossible de repérer les voitures qui posent problème : le peloton est trop important et toutes les Fun Cup sont identiques, à la décoration près ; et puis on ignore qui se trouve aux commandes, un pilote expérimenté ou un de ses équipiers totalement néophytes ?

Cette course est-elle difficile ?

Fanny : Difficile, non. Importante, oui car les points au championnat sont multipliés par deux.

Sylvie : La difficulté est de trouver le bon rythme, le compromis entre l’attaque et la sagesse. Il ne faut pas s’élancer comme pour un sprint de quatre heures car la voiture souffre trop, mais pas non plus démarrer trop lentement sous peine de concéder un trop gros retard aux leaders.

Suivez-vous une préparation spéciale ?

Sylvie : Physiquement, cette course ne pose aucun problème pour qui observe une hygiène de vie normale et fait du sport régulièrement ; c’est mon cas.

Sabine : Depuis le début juin, je m’astreins à un entraînement un peu plus poussé que d’habitude pour améliorer mon endurance. Mais c’est tout.

Fanny : J’ai disputé les premières 24 H de l’histoire de la FunCup à Croix-en-Ternois ; un véritable tourniquet, j’étais vannée… Mais le tracé de Francorchamps comporte plusieurs lignes droites où il est possible de souffler. En plus, nous effectuons des doubles relais en restant chacune près de trois heures au volant ; cela laisse aux deux autres le temps de récupérer. En fait, les dernières minutes sont les plus dures tant on craint de tout perdre pour une bêtise, une panne idiote, une faute d’inattention. La course n’en finit pas, on décompte les tours.

Les essais des diverses épreuves auront lieu vendredi 11 de 8 h 45 à 19 h 30. Samedi 12, le premier départ des courses annexes sera donné à 8 h 45. Les 25 H débuteront à 16 h 30.

Elles subissent des remarques machistes et parfois des man£uvres musclées.

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