Drôle de JEU

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Entre bataille et poker menteur.

L e football, c’est l’intelligence en mouvement. La formule vaut ce qu’elle vaut, mais une chose est sûre : cette intelligence n’a toujours pas trouvé le chemin du stade Charles Tondreau, cet immense cirque qui nous lasse après nous avoir bien amusés.

On y cause (pas toujours en français) pour ne plus rien dire. Les conférences de presse succèdent aux rendez-vous avec les médias. On passe son temps à y démentir ce qui a été affirmé quelques jours plus tôt. La semaine dernière, on a atteint des sommets, avec le dénouement de l’affaire Olivier Suray. On croyait voir clair en quittant Sergio Brio après le point presse du mardi :  » Basta, je ne veux plus de ce gars-là (…) Aussi longtemps que je serai entraîneur de Mons, Suray ne jouera plus « .

Ça tombait bien, puisque le joueur jurait qu’il ne porterait plus le maillot de ce club aussi longtemps que Brio en resterait le coach. Mais, deux jours plus tard, cette logique implacable était balayée. Cette fois, c’était Suray qui convoquait les médias pour leur expliquer qu’il avait présenté ses excuses à Brio et à ses coéquipiers, et qu’il reprenait le boulot avec le noyau pro :  » J’ai eu un coup de sang le soir du match contre Charleroi. Mes paroles ont dépassé ma pensée, j’ai pété un câble en voyant que j’avais été rayé de la feuille de match « .

Messieurs les Montois, arrêtez de vous foutre de la g… des gens. Y’en a marre de ces revirements qui font de vous la risée de toute la Belgique û et pas seulement de la Belgique des sportifs, puisque l’ affaireNutella fut évoquée dans tous les JT en début de semaine passée. Brio a-t-il entre-temps changé d’avis à propos de Suray ? Suray a-t-il revu sa perception de Brio ? Non. Cette réconciliation publique n’est qu’une façade fissurée qui s’écroulera au prochain coup de vent.

Qui sauve la face dans cette affaire ? Pas Suray qui, en présentant ses excuses et en revenant sur sa première interprétation de la tartine interdite, accepte de devenir mouton au milieu des moutons du noyau A. Pas Brio, qui voit son autorité mise en danger : comment pourra-t-il désormais prendre des mesures radicales envers un joueur qui se permettrait û comme l’a fait Suray û de l’insulter devant tout le groupe ? La direction, alors ? Tout porte à croire qu’elle a fait pression sur Brio pour qu’il réintègre le capitaine abandonné. Mais pourquoi a-t-elle rendu ce service à un Suray qu’elle avait cherché à éjecter au début de l’été, se heurtant à l’époque à l’avis d’un Brio qui voulait absolument conserver l’Ardennais ?

Leone a assez d’arguments pour virer Brio

Selon la version officielle, Brio garde toute la confiance de Dominique Leone. Mais, quand le directeur général de l’Albert, Alain Lommers, avoue à des journalistes que ce fut une erreur d’offrir un contrat de trois à Brio et qu’il faudra bien se mettre à table avec lui si Mons continue à s’enfoncer au classement, il parle à l’encontre de son boss.

Quand le président nomme son propre frère ( Mario Leone) au poste de team manager pour mieux contrôler le travail de Brio, il montre que la  » confiance  » peut être interprétée de différentes façons. Quand, après un match à domicile, il a une grosse engueulade avec Brio, dans le couloir des vestiaires, au sujet de l’affaire Kris Van de Putte (viré des plans de l’entraîneur mais soutenu par le président), il prouve à nouveau qu’il n’est plus sur la même longueur d’onde que l’ex-joueur de la Juve.

Si Dominique Leone décide de se séparer de son coach, ce ne sont pas les prétextes qui lui manqueront. Il y a d’abord les résultats. Brio est en place depuis exactement un an et on attend toujours qu’il démontre ses qualités. Son équipe prend peu de points et pratique le plus souvent un football indigne. Tout au long de la saison dernière, il justifia ces mauvais matches par les errances présumées de son prédécesseur :  » Ce n’est pas moi qui ai composé le noyau et les joueurs que j’ai à ma disposition ne correspondent pas au type de football que je voudrais pratiquer « . Cette excuse tenait la route entre son intronisation (octobre 2003) et la fin du premier tour (décembre 2003). Mais, durant la deuxième moitié de la saison, il ne pouvait déjà plus l’utiliser puisqu’il avait fait venir huit nouveaux joueurs durant le mercato d’hiver. Et aujourd’hui, près de 90 % de l’équipe ont été choisis par Brio. Quant aux 10 % restants, il ne peut pas dire qu’on les lui a imposés, puisqu’il a eu tout le loisir de virer les joueurs qu’il souhaitait en mai dernier (et ne s’en est pas privé en éjectant 13 éléments prêts à rester). On assimile Sclessin à un gigantesque hall de gare, mais c’est bien pire encore à Mons avec 20 transferts entrants et 24 sortants depuis décembre 2003 !

Autre raison qui pourrait justifier le renvoi de Brio : sa relation avec son groupe. Dès que le magnétophone est coupé, il y en a qui se lâchent : la méthode Brio ne passe pas.

Les clashes réguliers entre le coach italien et la presse pourraient aussi encourager le président à actionner la guillotine. Si l’image de Mons dans les médias est aussi catastrophique, Brio y est pour beaucoup. Hautain, arrogant, voire agressif, il n’a pas eu besoin d’une année complète en Belgique pour faire la quasi-unanimité contre lui.

Mais alors, pourquoi Leone s’obstine-t-il à poursuivre avec cet entraîneur ? C’est l’un des mystères que nous ne parvenons pas à éclaircir. On entend fréquemment qu’un limogeage anticipé coûterait trop cher. Est-ce un problème pour le richissime président qui a prouvé, depuis l’accession du club en D1, qu’il n’en était pas à une folle dépense près ? Nous y voyons plutôt une explication liée à son orgueil. Dominique Leone s’est toujours abstenu de formuler la moindre critique publique sur son entraîneur. En le mettant dehors aujourd’hui, il donnerait raison à la presse et à l’opinion publique, mais se décrédibiliserait complètement.

Les supporters, en tout cas, ont choisi leur camp depuis longtemps déjà. Sur le forum du site officiel du club, ils avancent depuis plusieurs semaines les noms des coaches qui pourraient faire l’affaire pour remplacer Brio. Ça part dans tous les sens et ça interpelle : plus de 300 réactions sur ce sujet ont déjà été enregistrées. Ils n’ont toujours pas digéré cette image d’un Brio triomphant qui était venu les remercier après le 0-9 face à Bruges.

Pierre Danvoye

Avec ses revirements, Mons est LA RISÉE DE TOUTE LA BELGIQUE

En éjectant Brio, LE PRÉSIDENT donnerait raison à la presse et à l’opinion publique mais SE DÉCRÉDIBILISERAIT COMPLÈTEMENT

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