DROIT DANS LES YEUX

L’arbitrage, la valeur de l’Afrique, la violence, la générosité, la célébrité, la fatigue, les scandales politiques, son avenir : l’avant-centre du Brésil ne dévie aucune question

Est il vrai que vous quitterez le football international après la Coupe du Monde en Allemagne ?

Ronaldo : Peut-être qu’il y a eu une mauvaise interprétation d’une interview donnée à la télévision espagnole et dans laquelle j’ai dit que je jouais pour l’équipe nationale depuis longtemps et que – peut-être – il était temps de commencer à penser à arrêter. Mais je n’ai pas signifié que je voulais quitter la Seleção en 2006. Mon but a toujours été de défendre les couleurs du Brésil et de jouer tant que j’en tire du plaisir. Cela n’a pas de rapport avec une certaine date ou une certaine période. Aussi longtemps que je prendrai du plaisir en jouant au football – et c’est toujours le cas – je reste entièrement disponible pour la sélection nationale.

Combien de temps comptez-vous jouer encore ? Romario, par exemple, a 39 ans et ne veut pas arrêter.

Romario est une exception parce qu’il joue toujours à cet âge… et qu’il veut toujours jouer. Mais je ne pense certainement pas durer aussi longtemps.

Vous avez été à la Coupe du Monde en 1994 à 17ans pour accumuler de l’expérience et vous n’avez pas joué. En 1998, tout a été gâché par vos problèmes physiques. 2002 était le moment du rachat. Que devons-nous prévoir du Ronaldo 2006 ?

2006 est la confirmation. Perdre la finale en France en 1998, ensuite gagner et jouer très bien en 2002,… maintenant c’est le moment où je dois toujours m’affirmer. Je suis très vif et très motivé pour cette Coupe du Monde et j’espère aider le Brésil à gagner un autre titre.

Hernan Crespo a dit qu’il était heureux que le Brésil soit le favori plutôt que l’Argentine.

Cela ne veut rien dire. Le choix des favoris est quelque chose qui se passe hors du terrain et je n’ai jamais vu personne gagner quelque chose hors du terrain. Le Brésil doit prouver sur le terrain qu’il est le meilleur.

Regrettez vous d’avoir manqué la Coupe des Confédérations ?

Tout a été arrangé. En ce qui me concerne, tout est passé comme de l’eau sous un pont. J’ai combattu pour mon idée, pour mon choix. J’ai combattu pour avoir mes vacances méritées autrement une saison aurait couru sur une autre et un an avant la Coupe du Monde cela aurait été compliqué. Les joueurs n’ont pas le temps de se relâcher. En Europe, j’ai deux compétitions qui sont très importantes : le championnat espagnol et la Ligue des Champions. Cela laisse très peu de temps pour récupérer.

Pensez vous que la FIFA, l’UEFA et les fédérations nationales devraient écouter les joueurs au sujet de la composition du calendrier annuel.

Ce serait une bonne chose que les opinions des joueurs soient entendues. Nous somme les seuls qui animent le spectacle, nous allons sur le terrain, nous jouons tous les week-ends – souvent deux fois par semaine – donc il serait important d’écouter ce que nous avons à dire. Ce n’est pas ce qui se passe pour le moment, malheureusement, parce que la catégorie professionnelle des joueurs n’est pas unie et très peu de personnes nous écoutent. Lorsqu’ils élaborent le calendrier, le dernier aspect pris en compte est la santé des sportifs. Personne ne s’inquiète de savoir si nous pouvons finir une saison en jouant trois compétitions ; les autres choses sont plus importantes…

 » Les Africains ne sont pas prêts à gagner la CM  »

Est-ce que vous prévoyez des surprises en Allemagne, comme lors de l’EURO 2004 quand la Grèce gagna avec sa tactique ultra défensive ?

C’est très peu probable lors d’une Coupe du Monde. Vous pourriez obtenir un événement imprévu lors du premier tour avec l’élimination d’une pointure, mais je pense que les favoris sont les mêmes que d’habitude – Brésil, Argentine, France, Allemagne, Italie. Les pays africains se sont améliorés considérablement mais il y a encore du chemin à faire avant qu’ils puissent être considérés en tant que compétiteurs de titre.

Est-ce que vous trouvez les adversaires d’Amérique du Sud plus redoutables que les équipes européennes ?

Nous devons être prêts face à n’importe quelle équipe, nous devons jouer notre jeu sans tenir compte de ceux contre qui nous évoluons. La plupart des joueurs du top mondial sont en Europe donc nous avons une belle idée de leur valeur et de leurs habitudes. Et c’est vrai que les joueurs d’Amérique du Sud, en particulier les argentins et uruguayens, utilisent plus les contacts physiques pour provoquer leurs adversaires jusqu’à ce qu’ils perdent leur calme et reçoivent un carton rouge. Disons que ces deux pays sont les spécialistes de la provocation.

Que pensez-vous de l’utilisation de la nouvelle technologie. Par exemple de porter des écouteurs pour entendre le coach vous parler pendant le jeu et vous orienter, et les terrains artificiels ?

Par rapport aux oreillettes, je n’y vois aucun avantage. A part l’inconfort dans l’oreille, cela ne change absolument rien. Sur le terrain le plus important, indépendamment du bon positionnement tactique, est d’effectuer ce que vous avez fait pendant la semaine à l’entraînement. Généralement, c’est la qualité du joueur qui décide des options et pas au coach de vous dire quand c’est le bon moment pour prendre une initiative. En ce qui concerne les terrains artificiels, je suis très sceptique pour l’instant mais ça pourrait changer. Je me suis beaucoup entraîné sur des surfaces de ce type en Italie durant l’hiver, par exemple, et l’impact est très fort sur les articulations. Je ne sais pas à quoi cela ressemble maintenant, sûrement que cela a évolué… Ou alors, ils ont fabriqué du gazon artificiel avec une meilleure absorption des chocs pour préserver les articulations. Ceci dit, je préfère le gazon ordinaire. Même si le terrain est un peu moins bon, je le préfère.

Et à propos des ballons intelligents ?

Une solution plus facile et envisageable pour les situations de but ou pas serait d’avoir plus d’arbitres. En basket, alors qu’il y a peu de joueurs sur le terrain, vous avez plusieurs arbitres surveillant le jeu. En foot, nous avons juste deux assistants et un arbitre. Or, ce serait très facile de placer un contrôleur derrière le goal ou à côté ; cela résoudrait beaucoup de problèmes. Il n’est pas vraiment utile d’avoir quelqu’un d’autre sur le terrain car l’arbitre est toujours en bonne forme, il est toujours près du jeu, mais il a besoin de plus d’assistants pour l’aider, pour relever les choses qu’il n’a pas pu voir.

La semaine dernière, un magazine a publié des photos de vous en train de jouer au cerf-volant sur la terrasse de votre appartement au Brésil. Comment vous situez-vous par rapport à la célébrité et votre vie privée ?

Bien ! Je suis célèbre depuis mes 16ans et donc je suis complètement habitué. Cela comprend les bons et les mauvais côtés. Parfois, vous voulez sortir et vous attirez toutes les attentions. Lorsque ce sont des enfants, des personnes âgées et des gens polis, ce sont de bons contacts et c’est agréable. Mais beaucoup de personnes ne savent pas comment vous approcher de manière éduquée et ça c’est une torture. Ils estiment que nous devons tout accepter parce que nous sommes bien payés. Mais il y a une limite pour tout et, bien que nous soyons des footballeurs, nous sommes des personnes normales qui veulent avoir une belle vie.

 » Je veux être citoyen d’un pays digne  »

Est-ce que les footballeurs méritent leurs énormes salaires ?

Je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas le cas. Nous nous entraînons dur, nous procurons de la joie et du bonheur aux gens. Le football est un business qui génère des millions et des millions de dollars et les joueurs sont les grandes stars, dès lors nous devons être bien payés pour le faire.

Il y a une autre facette à votre personnage : vous travaillez aussi pour l’humanitaire.

J’ai été un ambassadeur de l’ONU pendant huit ans et je suis très actif dans d’autres projets. J’aimerais d’ailleurs que plus de joueurs prennent part à ce genre d’activités – il y en a déjà beaucoup plus qu’avant, mais cela reste encore une minorité. En tant que superstar dans notre profession, nous sommes en bonne position pour faire passer des messages positifs et nous sommes crédibles : ce genre de travail social est important. Les footballeurs devraient utiliser leur image pour faire passer des messages positifs.

Les joueurs brésiliens semblent beaucoup s’impliquer dans ce genre d’activités…

Peut être que nous, joueurs brésiliens, conscients des difficultés que connaît notre pays, sommes plus sensibles à tous ces projets venant en aide aux plus défavorisés. Mais beaucoup de joueurs étrangers font pareil. Zidane est avec moi un ambassadeur des Nations Unies et nous organisons chaque année un match avec ses amis dans lequel nous encaissons de l’argent pour en faire don aux institutions que l’ONU choisit. Il y a beaucoup de bonnes personnes qui veulent aider dans le foot.

Y a-t-il de la jalousie à l’égard du groupe de joueurs brésiliens au Real Madrid ? De la part de Raul par exemple ?

Il est impossible que chaque joueur s’entende bien avec les autres membres du club. Mais nous avons un très bon groupe au Real Madrid et nous sommes conscients que le club est la chose la plus importante. Ce n’est pas obligatoire pour les joueurs d’être des amis, mais sur le terrain nous devons être une équipe et chacun doit s’entraider. Je n’ai jamais vu un signe de jalousie à notre égard et j’ai certainement une bonne relation avec Raul. Nous faisons toujours de notre mieux pour aider le Real à gagner.

Comment jugez-vous tous ces scandales politiques au Brésil ?

Le Brésil est un pays très grand et très compliqué et, malheureusement, je vis très loin de là maintenant. Je ne suis pas très qualifié pour commenter mais je sais que les citoyens suivent ce qui se passe de très près : ils sont au courant de la fraude, de la corruption. Les gens désirent des réponses, c’est très important. Je veux faire appartenir à un pays digne.

Comment vous sentez-vous à l’aube de vos 30 ans ?

Le temps passe très vite. J’ai l’impression que je n’ai encore que 17ans et que je me rends à ma première Coupe du Monde. Mais je me sens vraiment bien. J’ai toujours le même état d’esprit, aussi jeune que jamais.

BRIAN HOMEWOOD, WORLD SOCCER (ESM)

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